Après une loi de transformation de la fonction publique qui a supprimé les pouvoirs des commissions paritaires sur les mutations et les avancements et la suppression des CHSCT, le ministère s’attaque aux conseils d’administration des établissements scolaires. Deux projets de décret ont fait l’unanimité des syndicats contre eux le 6 octobre. Ils invitent à laisser le chef d’établissement seul maitre de l’ordre du jour du conseil d’administration et à se passer de commission permanente. L’école de la confiance c’est la grande muette ?
Que veut dire simplifier ?
« Quand on refuse de dialoguer, on gagne effectivement du temps ». Valérie Sipahimalani, secrétaire générale adjointe du Snes Fsu, en sourit. Mais elle est amère. Et cette amertume est partagée par les autres organisations syndicales qui se sont prononcées contre plusieurs articles des deux projets de décret présentés au Conseil supérieur de l’Education du 6 octobre.
Pour le ministère, ces deux projets de décret visent seulement à simplifier le fonctionnement des écoles et des établissements. Ils se situent dans « une procédure de revue régulière des normes aboutissant à un ensemble de mesures de simplification ».
Et certains articles vont réellement simplifier les choses. Ainsi un décret revoit la procédure de transmission des procès verbaux des conseils d’école en en réduisant le nombre (un seul exemplaire par destinataire) et le support (ils pourront enfin être transmis par mail).
D’autres par contre soulèvent une réaction des organisations syndicales, le Snes Fsu et le Se-Unsa proposant des amendements contre.
L’ordre du jour du CA fixé par le seul chef d’établissement
Le point le plus litigieux concerne la modification des pouvoirs du chef d’établissement (art D 422.31) : il fixe l’ordre du jour du conseil d’administration. L’article R 421-25 est aussi modifié de façon à ce que le conseil d’administration n’adopte plus le projet d’ordre du jour. « Il sera fixé par le seul chef d’établissement », précise le rapport accompagnant un des deux projets de décrets.
Pour la Fsu, « ces textes portent atteinte à la démocratie dans les établissements ». Le Se-Unsa pense que « l’adoption de l’ordre du jour en début de séance est une procédure démocratique importante. La supprimer ne simplifiera pas la vie des EPLE mais sera perçue comme l’expression d’une réduction des droits des représentants élus de la communauté éducative au C.A. ».
Certes le contenu de l’ordre du jour est déjà fixé en partie par les compétences du CA et les obligations des chefs d’établissement. Mais ce dernier pourra écarter des questions très locales ou politiques qui ont souvent une grande importance pour les personnels de l’établissement. La masure aboutit à priver le conseil d’administration des débats que les représentants du personnel souhaitent. Loin de freiner l’action de l’EPLE ou du chef d’établissement, ces débats sont la seule façon d’avancer.
Sur ce point « le blocage est complet » avec l’administration qui « campe sur ses positions », nous a dit Valérie Sipahimalani. On est bien devant un problème de management de l’institution scolaire qui ignore les vertus du dialogue.
En finir avec la commission permanente
Un second point dresse aussi les syndicats contre le ministère : l’avenir de la commission permanente du conseil d’administration. Formation réduite elle examine aujourd’hui avec le chef d’établissement les points à l’ordre du jour. Elle constitue un premier lieu de dialogue et d’alerte avant la réunion du CA. Les projets de décret prévoient qu’elle ne sera obligatoirement constituée. L’article D 422-33 est modifié pour que la commission permanente n’examine pas toutes les question du CA et qu’elle n’ait plus de règle de quorum. La commission ne s’occuperait, là où elle serait maintenue, que des délégations accordées par le CA.
Un management archaïque
On est là à nouveau devant la même logique avec les mêmes réactions syndicales. La Fsu demande la suppression de ce point dans les décrets. Le Se-Unsa veut que la commission soit systématiquement crée dans tous les EPLE et obligatoirement saisie sur l’emploi des dotations en heures.
Ces deux projets de décret se situent dans la logique de la loi de transformation de la fonction publique qui a supprimé les compétences des commissions paritaires sur la carrière des enseignants pour la livrer au seul controle d’une administration toute puissante. L aloi a aussi adopté la suppression des CHSCT, suppression finalement impossible à réaliser tant leur rôle est indispensable en plaine pandémie. Tout en vantant la « gestion de proximité », un management moderne et « agile », la coopération des acteurs dans les établissements, le ministère supprime les espaces de dialogue et tente d’imposer le dirigisme le plus archaïque. « Simplifier » veut seulement dire « exécute, ne penses pas et tais toi ».
François Jarraud