Membre du Conseil scientifique de l’Education nationale et du Laboratoire de psychologie sociale et cognitive (LAPSCO) de l’université de Clermont-Ferrand, Michel Fayol a orgénisé et présidé la conférence de consensus du Cnesco sur la numération. Il revient dans cet entretien sur les mauvais résultats en maths des élèves français et propose d’ouvrir trois chantiers, notamment des activités mathématiques en maternelle.
La Depp vient de publier les résultats des évaluations Cèdre qui montrent une chute de niveau à l’école et au collège. Etes vous surpris ?
C’est cohérent avec ce qu’on a vue au cours de ces dernières années avec l’évaluation Timms ou les évaluations nationales. On observe une baisse significative en maths comme en orthographe. La question c’est : que va t-on faire ?
Il y a un plan Villani Torossain qui est en cours d’exécution depuis déjà une année. On peut en espérer des résultats dans un an ou deux. Ils devraient se manifester déjà en 6ème après 2 ou 3 ans de mise en place. Il faut attendre pour voir si les mesures prises ont une efficacité.
On devrait aussi mettre en place des activités mathématiques à l’école maternelle, un point dont ne s’est pas occupé le plan Villani Torossian . Dans plusieurs pays on cherche à installer des activités pré scolaires avec l’idée que ça permet aux élèves arrivant à l’école élémentaire de disposer de bases solides pour passer à un enseignement plus formel que l’existant. Si le plan Villani Torossian ne donne pas d’amélioration il faudra en infléchir les mesures.
Je remarque aussi qu’on a un biais qui affecte les catégories retenues par la Depp. Certaines catégories sont moins affectées par la baisse : les catégories sociales les plus favorisées. Il faudrait savoir pourquoi. Est-ce lié au fait que certains établissements reçoivent de manière dominante des élèves favorisés ? C’est ce que l’on voit dans l’enseignement privé où le niveau ne baisse pas. Il faudrait comprendre pourquoi et se servir des ces indications pour améliorer l’enseignement.
Il y a un troisième point plus inquiétant car il touche l’avenir : il y a moins d’élèves à déclarer qu’ils font des maths par plaisir. On sait bien que les maths ont une image d’austérité alors qu’on peut leur donner une coloration plus positive. Si plus d’élèves ont des réticences à s’engager dans les activités mathématiques il faudrait regarder du coté des organisateurs de ces activités à dominante ludique. Et voir si elles sont efficaces pour une large population. On ne sait pas grand chose la dessus. Par ailleurs beaucoup d’élèves ont peur des mauvaises notes et c’est quelque chose qui ne peut pas encourager à faire des maths.
Enfin ce serait intéressant d’avoir une statistique précise portant sur la réussite aux différents items, comme on l’a eu pour l’enquête Cèdre de 2014.
Suite à la conférence de consensus du Cnesco en 2015, j’ai un regret. On a en France de nombreux collègues qui ont construit des manuels, des activités. Il est dommage qu’on n’ait pas cherché à les rassembler pour qu’ils élaborent une trame de travail plutôt qu’aller chercher une méthode à Singapour. On pourrait essayer de construire un programme de travail qui capitaliserait les travaux de ces auteurs et les mettre en interaction avec les chercheurs et praticiens comme on fait à Singapour.
Est-on allé trop loin dans la recommandation de la manipulation au point de négliger l’abstraction ?
Je ne peux pas répondre à cette question. Dans certains cas le matériel concret peut faire obstacle à l’apprentissage car les élèves retiennent les caractéristiques concrètes. Peut-être faudrait il conduire des travaux pour voir si l’utilisation de matériel concret convient à tous els élèves. On a peu d’information là-dessus. On devrait être un peu plus empiriste et regarder les différences entre les individus. On va peut-être un peu trop vite pour affirmer que telle approche est nécessairement bonne. Le doute peut être utile en pédagogie. Même en maths.
Propos recueillis par François Jarraud
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