« Jean-Michel Blanquer m’a renouvelé son accord ». A peine a t-il bénéficié, grâce à la loi Blanquer, de la prise en charge de ses maternelles, que l’enseignement catholique se positionne pour tirer parti de la réforme de l’éducation prioritaire. En présentant la rentrée de l’enseignement catholique, le 24 septembre, Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique, a axé son discours sur la solidarité. Sur un ton très ferme, il a annoncé l’entrée de l’enseignement catholique dans la nouvelle politique d’éducation prioritaire que JM Blanquer va mettre en place. L’enseignement catholique pâtit de la crise économique qui lui fait perdre des familles (- 9000 élèves). Alors que la loi Blanquer prévoit la prise en charge de ses maternelles, il demande de nouveaux soutiens. A l’Etat le bénéfice des financements de l’éducation prioritaire. Aux collectivités locales, celui des aides pour les frais de restauration.
Première chute du nombre d’élèves en 10 ans
La crise frappe particulièrement l’enseignement catholique. Pas tant la crise sanitaire, même si 14 000 élèves ont été mis en quarantaine depuis le début de l’année (0.7%). C’est surtout les conséquences économiques de la crise sanitaire qui touchent les établissements catholiques. Pour la première fois depuis 10 ans, le nombre d’élèves inscrits régresse. L’enseignement catholique compte 8 723 élèves en moins soit -0.5%. La baisse est importante dans le premier degré (-14855 enfants) et l’enseignement agricole (-783) alors qu’on compte 6915 élèves de plus dans le 2d degré. La baisse des naissances (800 000 en 2010, 780 000 en 2013, 760 000 en 2015 et 730 000 en 2017) explique aussi en partie la baisse dans le premier degré.
Cette baisse modeste n’explique probablement pas à elle seule la nouvelle politique, appelée « démarche prospective », qui est lancée par le secrétariat générale de l’enseignement catholique et qui devrait prendre la forme d’un texte d’orientation à la fin de l’année scolaire.
L’accord de JM Blanquer
Tout au long de son discours, P Delorme a décliné le mot solidarité. « L’école catholique se sent plus que jamais solidaire… La solidarité est une volonté ferme… Il y a des éléments sur lesquels on ne transigera pas.. la mixité sociale et scolaire. Nous réaffirmons notre volonté de poursuivre notre politique en faveur d’une plus grande mixité sociale et scolaire.. Nous ne pourrons pas aller plus loin dans la voie d’une plus grande mixité sociale et scolaire sans être pleinement associés à la nouvelle politique d’éducation prioritaire.. Le ministre, JM Blanquer, m’a renouvelé son accord ».
L’autre aspect de la solidarité c’est les dispositifs de soutien à la restauration développés par les collectivités locales et l’Etat. L’enseignement catholique veut en bénéficier. Ce serait une aide précieuse : la cantine est la principale dépense des familles dans les établissements catholiques.
Les privilégiés dans l’éducation prioritaire ?
Evidemment on pourrait s’étonner de cette inclinaison pour la mixité sociale et scolaire dans un système éducatif qui est marqué par une très forte discrimination. Une publication du SGEC sur les « Etablissements à moyens éducatifs renforcés » (EMER) (annexe du n°398 de ECA actualités) les présente comme ayant des élèves dont « les caractéristiques sociales, ethniques et culturelles , bien que différentes, entrainent vis à vis de l’Ecole des comportements similaires à ceux des élèves relevant de l’éducation prioritaire ». La caractéristique de ces établissements n’est donc pas sociale et reste remarquablement floue. C’est ce qui explique le volume des emplois réaffectés par le SGEC vers ces établissements : 1400 en 12 ans, 50 en 2020 touchant 79 établissements et écoles.
Comme le dit Sylvie Da Costa, chargée du suivi de ce dispositif, de façon plus précise, « les établissements qui ont bénéficié de moyens éducatifs renforcés sont principalement situés en milieu rural… Il s’agit de petites structures regroupant des PCS plus modestes que le milieu urbain. A noter : très peu d’établissements se situent au sein des quartiers fortement paupérisés de certaines banlieues urbaines ». Ce dossier EMER donne des exemples : le collège Charles de Foucauld de Lamastre en Ardèche qui souffre de son isolement géographique et où l’accent est mis sur la culture et l’aide à l’orientation. Le groupe scolaire Jeanne d’Arc de Champagnole où là aussi on travaille l’orientation avec une préparation au BTS.
Plus qu’une rupture, une inversion de politique
Ces particularités de l’enseignement catholique, de petits établissements ruraux isolés mais pas socialement défavorisés, entrent tout à fait dans l’évolution que JM Blanquer veut donner à l’éducation prioritaire. Le rapport Azema Mathiot propose de supprimer les Rep et d’affecter leurs moyens localement. Un nouvel indice d’isolement permettrait de rebattre les cartes et de faire entrer les écoles et établissements ruraux dans une éducation prioritaire qui concerne les pauvres. Les établissements catholiques, à CPS généralement favorisés, pourraient donc en bénéficier puisque les critères sociaux seraient mis au second plan.
Le principal point de la loi Blanquer, l’obligation scolaire à 3 ans, a comme effet la prise en charge par les communes des maternelles du privé , ce qui représente entre 50 et 150 millions supplémentaires pour l’enseignement privé. Si la réforme de l’éducation prioritaire va au bout de ce qui est dessiné on aura un transfert massif d’argent des quartiers les plus pauvres vers les zones rurales. Pour la première fois depuis la Libération, l’éducation nationale inversera ses aides au bénéfice de zones rurales quine sont, globalement, socialement pas désavantagées. Et l’enseignement catholique entend profiter de cette redistribution de l’argent public. Avec la bénédiction de JM Blanquer.
François Jarraud
Sur la réforme de l’éducation prioritaire