Si leur nombre très limité n’attire pas encore l’attention, les EPLEI, selon un récent rapport de l’Inspection générale, ont vocation à se développer. Imaginés en 2007, créés par la loi Blanquer, ces établissements internationaux portent la signature de JM Blanquer. Ils cultivent l’excellence de l’entre soi et imposent de nouvelles règles incompatibles avec le statut des enseignants et les règles comptables de l’Education nationale.
Des établissements dérogatoires
Un récent rapport de l’Inspection générale, rédigé par Michèle Joliat, assistée de Joelle Jean, Mark Sherringham, ex conseiller de G De Robien et Didier Vin-Datiche, ex conseiller de Luc Chatel, attire l’attention sur les EPLEI. Créés par l’article 32 de la loi sur l’école de la confiance, les établissements publics locaux d’enseignement international (EPLEI) installent dans l’Education nationale un modèle imaginé en 2007 par G de Robien à l’époque où JM Blanquer était son directeur de cabinet. La loi Blanquer permet de régulariser des situations fragiles par rapport aux règles administratives et de multiplier les établissements.
Dans l’étude d’impact de la loi Blanquer, les EPLEI sont présentés comme des leviers d’attractivité économique , une opportunité « de mieux valoriser des parcours d’excellence » et la possibilité de développer l’enseignement des langues en France.
Les quelques EPLEI existants résultent tous de circonstances particulières comme l’école européenne de Strasbourg, crée en 2008, ou l’école internationale Provences Alpes Cote d’Azur (EIPACA) crée avec l’installation des programmes ITER et Euratom en Provence. Ces deux écoles accueillent les enfants d’administrations et d’entreprises internationales.
La particularité des EPLEI c’est d’offrir un cursus particulier controlé par un organisme international préparant au bac international ou européen ou à des bacs binationaux. Les EPLEI associent dans un même établissement un école primaire , un collège et un lycée avec un seul chef d’établissement. Enfin elles nécessitent l’engagement des collectivités locales. Les professeurs des écoles insalubres de Marseille, par exemple, doivent savoir que 100 millions d’euros ont été dégagés fin 2018 par Marseille, le département et la région pour accueillir 2000 élèves dans un futur EPLEI.
Qui se multiplient
Car les EPLEI ont commencé à se multiplier. Outre le projet marseillais, qui n’est plus lié à l’installation d’une administration internationale, un établissement a été créé à Lille, là aussi sans lien avec une administration européenne. Un autre EPLEI est ne gestation à La Défense, un autre à Lyon. Le rapport cite d’autres établissements susceptibles de devenir rapidement EPLEI : le collège et lycé e international de l’est parisien, la cité internationale de Lyon, et le lycée Honoré de Balzac de Paris. Le rapport attire l’attention des chefs d’établissement des lycées ayant des sections internationales sur « l’opportunité » de devenir EPLEI.
C’est que ces établissements d’excellence se situent au sommet d’une pyramide scolaire où le ministère encourage la concurrence. Avec la création des EPLEI, JM BLanquer a fait sauter un tabou. Il a inscrit dans la loi un nouveau système d’éducation parallèle, de la maternelle à la terminale. C’est le retour des lycées d’avant guerre, qui englobaient des classes enfantines.
En créant les EPLEI , le ministère a aussi créé un appel d’air. A peine ouverts les EPLEI croulent sous la demande et sont en développement perpétuel comme le montre le rapport. La formule pourrait donc se développer encore bien davantage.
Des ghettos sociaux
Ces établissements ont des modalités de recrutement qui en font des ghettos sociaux. Le rapport souligne par exemple que la transformation du lycée H de Balzac en EPLEI « impliquera une diminution de la mixité sociale » de l’établissement. Un tableau publié dans le rapport montre l’écart très important entre les EPLEI ou futurs EPLEI et leur environnement.
Ainsi à l’école de Strasbourg , historiquement le 1er établissement, il y a un écart de 30 points entre l’indice de position sociale de l’école et l amoyenne départementale. Lors des débats sur la loi Blanquer , le collège lycée international de l’est parisien a été cité comme un exemple de rééquilibrage à l’est des formations d’élite et d’ouverture sociale. En fait le rapport montre que l’établissement reçoit environ 600 demandes d’inscription pour 100 places offertes annuellement, ce qui lui donne un bonne capacité de sélection. Seulement 35 élèves des 2 établissements viennent d’écoles Rep et 4 d’un quartier politique de la ville. C’est dans ces établissements que l’écart est le plus élevé avec l’environnement : indice social de 127 pour le collège est parisien et moyenne du département à 90.
Pour les rapporteurs, « la mixité sociale est un leurre ou un frein » pour les EPLEI. Ils recommandent, « pour lever les freins », de ne plus en tenir compte mais de préférer le taux de boursier, beaucoup plus flou comme indicateur de mixité sociale puisque incluant les classes moyennes (au taux zéro).
Dans les freins il y a aussi les règles comptables et les statuts de l’Ecole de la République, tous deux bien gênants. Les EPLEI perçoivent de l’argent d’entreprises et d’organismes internationaux. Ainsi l’école de Strasbourg a plus de 2 millions disponibles et on comprend que ces établissements tiennent à leurs bonnes relations avec ces partenaires extérieurs au fonctionnement normal d’un EPLE.
Avec de tels partenaires, comment calculer ce que l’Etat et les collectivités doivent verser ? Car les EPLEI posent des problèmes statutaires. Ils utilisent du personnel du premier et du second degré qui ont des obligations de service très différents. Cela donne lieu à des inventions locales originales. Elles engagent aussi sur fonds propres des enseignants selon des règles extraordinaires. Quelle dotation leur donner ? Le rapport recommande de modifier les dispositions réglementaires pour permettre le recrutement d’enseignants « au profil spécifique et sur fonds propres ».
Si les EPLEI ont pu passer pour un point négligeable de la loi BLanquer, la constance mise par JM Blanquer à faire aboutir ce type d’établissement,la violence symbolique de la récréation d’une école publique parallèle pour les enfants des plus aisés, les ruptures statutaires qu’elles génèrent, la rapidité avec laquelle elles se multiplient et augmentent leur taille, tout cela mérite l’attention.
François Jarraud