« On fait face tant qu’on peut ». Présentant la rentrée 2020 le 9 septembre, Philippe Vincent, secrétaire général du Snpden-Unsa, le premier syndicat de personnels de direction, parle d’une profession « sous tension ». Elle s’explique par les incertitudes liées à la crise sanitaire. Mais aussi par le manque de moyens pour y faire face.
Des motifs de satisfaction
Quand on demande aux personnels de direction de définir leur état d’âme à cette rentrée, 57% se disent vigilants, 55% agacés, 41% inquiets et 39% épuisés (selon un sondage du Snpden). Autant d’épuisés en début d’année est jugé inquiétant par Philippe Vincent, le secrétaire général du Snpden Unsa. Autant d’adjectifs négatifs interrogent aussi. Une large majorité se dit insatisfait de la gestion de la crise sanitaire (70%) et de celle des examens (68%).
Pourtant les personnels de direction auraient des raisons d’aborder la rentrée « dans la joie », pour reprendre la formule de JM Blanquer. Ils ont négocié et obtenu une revalorisation intéressante. Les 10 000 personnels de direction vont bénéficier de 25 millions sur trois ans avec une hausse importante des indemnités mensuelles qui devrait concerner presque tout le monde. Le passage à la hors classe va aussi s’améliorer pour atteindre pratiquement tous les « perdirs ». Ces mesures devraient être appliquées en 2021. Les personnels de direction n’ont pas à attendre le Grenelle…
Autre motif de satisfaction : ils ont été entendus sur le protocole sanitaire. Ils ont pu constater que la distanciation prévue (1 mètre) ne permet pas de faire rentrer tous les élèves. Et que l’interdiction du brassage rend impossible l’ouverture des lycées, les élèves étant mélangés dans les spécialités. « Ne pas revenir sur le non brassage c’était empêcher le fonctionnement des lycées », explique P Vincent. Restait donc le port du masque…
La gestion de la crise sanitaire
Alors qu’est ce qui motive un moral aussi bas ? D’abord bien sur la crise sanitaire. « On n’est pas formés pour être des gestionnaires de la crise », explique P Vincent, une crise qui s’avère longue. Les personnels de direction sont majoritairement favorables au retour de tous les élèves et à la une réouverture totale. Le port du masque « ne pose pas de problème. La règle est respectée », affirme P Vincent. Le protocole est appliqué avec des arrangements pour les cantines et les internats.
Mais la gestion des cas suspects ou avérés de covid pose problème. « Théoriquement c’est très clair », explique P Bolloré, secrétaire général adjoint. « Mais il y a des déclinaisons territoriales des mesures à prendre. Des spécificités se mettent en place chaque jour. Les réponses ne sont pas les mêmes et les collègues se retrouvent seuls pour prendre des décisions ». Par exemple, les chefs d’établissement aimeraient des règles claires sur ce qu’il faut dire. « Chacun choisit jusqu’où il va »…
Les perdirs craignent aussi d’avoir à gérer la continuité pédagogique à grande échelle. Les établissements savent prendre en charge des élèves malades. Mais les chefs d’établissement craignent de manquer de professeurs et de surveillants.
Des moyens insuffisants
Autre motif d’irritation : les moyens proclamés par le ministre ne sont pas toujours au rendez-vous. Ainsi les moyens promis pour accompagner les élèves, les fameuses 1.5 million d’heures supplémentaires, ne sont pas arrivées dans tous les établissements. Seulement un tiers des chefs d’établissement ont reçu des heures. Un tiers n’a pas de nouvelles. En gros la moitié pense avoir ou a reçu une enveloppe. L’autre moitié na rien et n’attend rien.
« On aimerait que les établissements aient des moyens souples mis à disposition pour répondre aux besoins identifiés par exemple pour faire rattraper les élèves », dit P Vincent. « C’est maintenant qu’on devrait les avoir pour pouvoir mettre en place des petits groupes d’élèves ». Pourtant 1.5 million d’heures , si le chiffre est ronflant, cela ne fait que 200 heures par collège ou lycée.
Le Snpden relève aussi des écarts entre les chiffres avancés par le ministère pour l’école ouverte et ce que les personnels de direction ont vécu. Seulement 25% des établissements y ont participé et souvent sur une très courte période. La moitié d’entre eux manquait de volontaires. D’autres n’ont pas eu le temps de s’en occuper.
Un métier en évolution
Finalement ce qui inquiète le plus les personnels de direction c’est les conditions d’exercice du métier. Ils en ont assez d’apprendre les décisions officielles par la presse et non le BO. Ils veulent d’autres rapports avec les autorités. Ils se demandent jusqu’où vont aller leurs responsabilités avec l’évolution du métier qui est en cours.
Ils n’oublient pas qu’ils ont un autre rendez-vous de début d’année avec les E3C. Ces épreuves du controle continu du bac ont été très perturbées l’an dernier. Sur ce sujet aussi le ministère a été sensible aux demandes du Snpden et les E3C pourront se rapprocher dans leur organisation des bacs blancs. Si le Snpden « ne voit pas les professeurs repartir » cette année dans la contestation, les perdirs « surveillent lesE3C comme le lait sur le feu »…
François Jarraud