Rares sont les enseignants de maternelle qui n’ont pas encore surfé sur le site Maternailes. Et pour ceux qui ne connaissent pas encore, hâtez-vous d’y jeter un œil, ce site est l’une des références pour ce qui concerne le cycle un. Christine Lemoine, fondatrice de Maternailes, y partage son quotidien ainsi que celui de sa classe de maternelle depuis plus de vingt ans. Propositions d’ateliers, brevets, programmes, organisations pédagogiques… les ressources foisonnent. Depuis le 1er septembre, Christine est à la retraite, alors comme pour dire adieu aux collègues, elle et son conjoint, Philippe Tassel, lui aussi enseignant à la retraite (mais aussi à l’origine de plusieurs sites sur la pédagogie dont l’encrier.net), ont passé leur été à mettre de l’ordre sur le site et à le rendre beaucoup plus accessible.
Il s’en est fallu de peu pour que le site Maternailes n’existe pas. Recalée au concours de l’école normale, Christine a officié comme manipulatrice radio avant de revenir à son premier amour : l’enseignement dans le premier degré. Et depuis, comme elle le dit si bien, « ce métier m’a régalée ». Elle a accepté de nous raconter son parcours et la naissance de son site Maternailes.
Vous êtes à la retraite officiellement depuis deux jours. Un bilan sur le métier d’enseignant ?
Ces vingt dernières années, j’ai enseigné à l’école primaire de Thieux, un petit village de Seine et Marne (77). J’avais une classe unique de maternelle. Au début, c’était vraiment dur car nous ne sommes pas vraiment formés pour l’enseignement en maternelle. Alors j’ai tâtonné, j’ai essayé beaucoup de choses et puis je me suis régalée.
J’ai eu la chance d’avoir mes élèves à chaque fois pendant trois ans, de la petite à la grande section. Finalement, j’avais à peu près un tiers de ma classe qui se renouvelait tous les ans. J’étais donc obligée de me renouveler aussi tous les ans afin que ceux qui restent ne s’ennuient pas. C’était donc avec excitation que j’appréhendais chaque rentrée car c’était une nouvelle aventure. Et puis suivre ses élèves, c’est vraiment une chance formidable. On les voit grandir, s’émerveiller, s’affirmer. Nos élèves, et leurs parents, nous confient leur enfance, c’est une sacrée responsabilité. Alors autant en faire quelque chose d’heureux mais aussi, si ce n’est surtout, d’émancipateur.
Avec une classe unique, niveau pédagogique, vous avez dû innover un peu, non ?
J’ai adopté ce que l’on appelle les ateliers échelonnés. Au lieu de cantonner un élève à son niveau de classe, je proposais les mêmes activités à tous avec des niveaux de difficultés différenciés. Et croyez-moi, ce ne sont pas forcément les petits qui feront les activités les plus simples, ou les grands qui feront les plus compliquées. Chaque enfant à la possibilité d’aller à son rythme. Je voyais certains d’entre eux se promener d’un groupe à l’autre, observer ce que faisaient leurs camarades… cela suscitait leur curiosité. Et ça marchait ! Mes élèves avaient comme « obligation » de faire au moins un atelier, et ils y passaient tous… Sans la contrainte, les enfants découvrent le plaisir et le bonheur d’apprendre.
Comment vous est venue l’idée de créer le site Maternailes. Surtout qu’en 1999, le partage entre enseignants sur la toile n’était pas si courant ?
En effet, à part Moustache, il n’y avait pas d’autres sites pour la maternelle. C’est venu d’un besoin très pragmatique au début. Lorsque mes filles étaient petites, j’ai travaillé à mi-temps. Il me fallait donc laisser à ma collègue mon organisation de classe, pour qu’elle s’en inspire ou pas d’ailleurs, mais qu’elle puisse au moins savoir ce que je faisais. Le mieux était de le faire par écrit, et comme je voyais ce qui se faisait sur la toile et que je participais à plusieurs forums dont celui du site cartable, je me suis lancée dans la création du site pour partager à plus grande échelle.
J’imagine que c’est un investissement phénoménal en termes de temps. Ça en a valu le coup ?
Oh ! Que oui ! Ca a tellement nourri ma professionnalité. Partager des ressources sur le site m’a amenée à échanger avec les enseignants. Ce sont des échanges d’une richesse incroyable. Cela m’a obligée à expliciter ma pratique, à lever la part d’implicite de mon enseignement. Et puis, parmi les retours des enseignants, beaucoup m’ont dit qu’ils prenaient du bonheur à enseigner comme moi. On est loin de l’école très normalisante avec des contraintes continues. Beaucoup d’enseignants ne se satisfont pas de cela, mais ils ne savent pas comment faire. Je pense que c’était mon carburant : donner du bonheur aux collègues aux élèves.
Depuis septembre, vous êtes à la retraite et … contrairement à vos collègues dans la même situation, vous ne nous narguez pas avec des photos de plage, vous avez passé votre été à refondre votre site. C’est assez original. Du mal à partir ?
Du tout ! Je voulais que le site soit plus facile d’accès parce que depuis quelques années je suis moins dispo. J’ai eu un AVC et j’ai dû lever le pied sur pas mal de choses, dont les échanges avec les collègues. On a retravaillé le site avec Philippe pour que des personnes qui ne viendraient pas de la maternelle puissent appréhender mes ressources même s’ils n’ont pas la culture de la maternelle. C’est donc l’une des grandes nouveautés, une plus grande accessibilité aux personnes non familières de la maternelle. Nous avons aussi mis beaucoup de vidéos que je partageais auparavant sur twitter mais que je ne mettais pas forcément sur le site. Le site est aujourd’hui plus fluide et plus joli !
Quel est le programme pour la suite ? une nouvelle aventure pédagogique ?
Non, rien, juste savourer et prendre le temps, faire ce dont on a envie quand on en a envie. C’est top ! On va savourer la vie et laisser venir nos envies…
Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda