Comment orchestrer la rentrée 2020 en français après des mois de « continuité pédagogique » et dans des conditions de travail incertaines ? Un document officiel vient proposer « priorités pédagogiques et outils de positionnement pour la période septembre-octobre ».
Pour le collège sont proposés des tests de facture traditionnelle et sans outils de remédiation. Plus intéressantes sont les franches invitations des fiches indiquant les priorités par classe : privilégier le travail à l’oral pour exercer les compétences de compréhension et d’argumentation, développer le lien personnel à la lecture, prendre le temps de lire et faire lire en classe, varier les formes d’écriture et les occasions d’écrire, tenter l’écriture collaborative, associer les activités associant lecture et écriture et se déclinant entre temps scolaire et extrascolaire, favoriser les activités de manipulations de la langue…
Pour le lycée, l’inspection générale émet d’importantes préconisations au niveau seconde : ne pas multiplier les tests et évaluations, ne pas piétiner « dans des révisions généralisées qui produiraient de l’ennui et dont l’efficacité n’est pas prouvée », mais au contraire « mettre en avant le sens des apprentissages », repousser les indications du programme concernant l’étude de la langue, favoriser plutôt l’expression des élèves, donner la priorité aux compétences orales …, ainsi que recentrer la mission des inspecteurs et formateurs. On saluera ici la volonté de résister à l’évaluationnite, de même que la hiérarchisation, claire et juste, des enjeux de l’enseignement du français, qu’écrasent tant les programmes 2019. Certain.es regretteront cependant le silence sur le niveau 1ère, ainsi que les propos timorés sur le numérique, aux « bénéfices pédagogiques intéressants » mais comme « complément des activités irremplaçables de la classe ». Nous voici, dans un contexte pourtant favorable, bien éloignés des beaux horizons tracés par l’inspection générale elle-même lors de différents séminaires PNF : l’année 2020-2021 ne pourrait-elle pas être enfin le véritable « Rendez-vous des lettres » avec le numérique ?
Les préconisations officielles pour la rentrée 2020
Les Rendez-vous des lettres
Ressources et exemples dans le mensuel Café pédagogique
Les préconisations dans l’académie de Versailles
De la grammaire traditionnelle à tous les étages ?
Durant l’été 2020 est parue une grammaire officielle du français à destination des professeur.es des écoles, de collège et de lycée : le but est de fixer une terminologie commune. L’entreprise menée par Philippe Monneret et Fabrice Poli témoigne d’un louable souci de clarification.
L’ouvrage suscite cependant des critiques. Ainsi Pierre Sève dans Le Café pédagogique met en lumière de nombreuses approximations : « cet ouvrage qui prétend s’imposer à l’ensemble du système scolaire français ne présente ni la rigueur ni la prudence qui seraient nécessaires pour soutenir cette prétention ». Des enseignant.es ont d’ores et déjà pointé de fâcheuses contradictions : selon la grammaire parue mi-juillet 2020, le conditionnel doit être considéré comme un temps de l’indicatif et non comme un mode (p. 144) ; dans le B.O. cycle 3 paru fin juillet 2020, le conditionnel est désigné comme un mode au même titre que l’indicatif (p.25) ; dans les ressources d’accompagnement des programmes de lycée 2019, le conditionnel se voit attribuer tantôt des valeurs temporelles tantôt des valeurs modales. Beaucoup déplorent que comme jadis on réduise la grammaire à celle de la phrase aux dépens de la grammaire de texte et de discours et qu’on assimile le nécessaire travail de la langue à une fastidieuse question d’étiquetage.
La grammaire en ligne
Les analyses de Pierre Sève
Sur l’enseignement de la grammaire
Recommandations officielles
En 2019-2020, la crise sanitaire a amené les enseignant.es de lettres à s’approprier « sur le tas », dans l’urgence et par la pratique, des modalités, des outils, des possibilités et des difficultés de l’enseignement distanciel et/ou hybride. La rentrée 2020 est lourde d’incertitudes et riche de questionnements : quelles conséquences pour les élèves de ces mois de « continuité pédagogique » ? faut-il envisager un « retour à la normale » en revenant à une conception normative de l’enseignement du français ? Pour y voir plus clair, voici une synthèse des instructions et préconisations les plus récentes : les ajustements des programmes de lycée et de collège publiés durant l’été, les recommandations pour septembre-octobre 2020, la parution estivale d’un ouvrage censé devenir notre grammaire de chevet …
Le français au lycée : une affaire de comptable ?
Publiée au cœur de l’été 2020, une note de service redéfinit l’épreuve anticipée de français au baccalauréat. Pas de changement fondamental, mais d’importantes modifications. Le nombre de textes à présenter à l’oral passe officiellement de 24 à 20 en séries générales (pour chacun des 4 objets d’étude 3 textes par œuvre étudiée et 2 textes par parcours associé), de 16 à 12 en séries technologiques (4 x 2 + 1). A l’écrit pour les séries technologiques, le texte servant de support à la contraction est désormais de 750 mots environ au lieu de 1000 mots. Changement de nom significatif : le « descriptif des activités » de l’ancienne mouture devient un « récapitulatif des œuvres et des textes étudiés » (avec d’ailleurs un oubli de la modification dans un sous-titre de la note de service). Précision sur la question de grammaire : « les notions rencontrées en classe de seconde, mais non approfondies en classe de première doivent être connues et mobilisables. Elles ne peuvent cependant pas constituer un ressort essentiel de la question posée au candidat. »
L’allègement du nombre de textes à étudier était souhaité par beaucoup. Cependant la réponse aux demandes répétées des enseignant.es, syndicats, associations reste uniquement et tristement quantitative. Elle ne touche en rien aux contenus et à l’idéologie de programmes massivement rejetés. Elle entérine de fait des épreuves en elles-mêmes contestables, tant elles enferment l’apprentissage du français dans des exercices traditionnels (commentaire, dissertation, explication linéaire, étiquetage grammatical), fortement codifiés, au détriment d’un travail vivant de la littérature et de la langue. L’allègement paraît aussi bien limité dans le contexte actuel. Quid des élèves entrant en 1ère sans avoir étudié tout le programme de seconde ? Par exemple sans avoir été préparé aux différents exercices du bac ou en ayant fait peu ou pas de grammaire…
Le changement de terme est quant à lui révélateur. Le « descriptif » autorisait la mise en valeur de pratiques diverses et ouvertes, les appelait même : écritures d’appropriation, sorties théâtrales, anthologies personnelles, activités créatives, travaux collaboratifs, productions numériques, élargissements cinématographiques ou picturaux … Le « récapitulatif » rappelle la « liste » de jadis : il définit officiellement l’enseignement du français au lycée comme une juxtaposition et un empilement d’explications de textes. L’enseignement du français au lycée semble bel et bien devenu un travail de comptable.
Question de chiffre toujours : selon une note de service parue durant le confinement du printemps, le programme des 12 œuvres imposées est désormais « renouvelé par quart tous les ans » et non plus par moitié. L’objet d’étude renouvelé est le théâtre : sont proposés « Le Malade imaginaire », « Les Fausses confidences » pour les 1ères générales ou « L’île des esclaves » pour les 1ères technologiques, « Juste la fin du monde ». Eu égard à la charge de travail de l’année 2019-2020 (mise en œuvre de nouveaux programmes dans un contexte très perturbé), beaucoup espéraient et attendaient un moratoire pour 2020-2021 : il n’en sera rien. Après avoir massivement exprimé leur rejet de programmes rétrogrades, coercitifs, indigestes, après avoir exprimé leur incompréhension face au maintien longtemps annoncé de l’oral de l’EAF en contexte d’épidémie, les professeur.es de français se trouvent confronté.es à ce qui est vécu a minima comme un manque de considération.
Note de service sur l’EAF 2021
Le programme des œuvres 2020-2021 en 1ère
Le programme de français au lycée
Les sujets zéro
Les ressources d’accompagnement
Des ressources académiques pour la mise en œuvre des programmes de français au lycée
Compte rendu par l’AFEF d’une rencontre juillet 2020 avec le Conseil Supérieur des Programmes
Programme Humanités, littérature et philosophie 1ère
Programme Humanités, littérature et philosophie Terminale
Recommandations officielles Humanités, littérature et philosophie
Les épreuves Humanités, littérature et philosophie au baccalauréat
Sujets zéro HLP
Programme limitatif HLP terminale pour la session 2021
Ressources HLP
Le français au collège en développement durable ?
Publiés au cœur de l’été, de nouveaux programmes pour les cycles 1 à 4 sont applicables à la rentrée 2020. Pas de modifications fondamentales pour le français au collège qui peut prolonger la dynamique des programmes 2016, mais quelques ajouts ponctuels pour intégrer les questions écologiques. Par exemple en 3ème dans le thème « Progrès et rêves scientifiques », un 4ème point est ajouté « étudier les récits d’anticipation, utopies ou dystopies, comme expression des interrogations, des angoisses et des espoirs de l’humanité, y compris en matière d’environnement. »
Programme du cycle 4 à la rentrée 2020
Programme du cycle 4 à la rentrée 2020 avec modifications apparentes
Ressources d’accompagnement pour le français cycle 4
Programme du cycle 3 à la rentrée 2020
Programme du cycle 3 à la rentrée 2020 avec modifications apparentes
Ressources d’accompagnement pour le français cycle 3
Présentation générale du Diplôme National du Brevet
Sujets zéro et annales
Jean-Michel Le Baut