La rentrée 2020 ressemblera fortement à celle de 2019. Sauf qu’il y aura davantage d’évaluation et de fondamentaux. Cette année encore, le Café pédagogique s’est procuré la circulaire de rentrée dont vous trouverez le projet de texte ci-dessous. Evaluations renforcées à l’école et au collège, installées dès les premiers jours de cette rentrée pas comme les autres. Nouveaux guides sur l’enseignement des fondamentaux. La grande nouveauté c’est qu’une partie des élèves n’auront plus droit au curriculum normal. La circulaire installe une hiérarchie des disciplines et des élèves et elle l’installe avec moins de culture pour les élèves qui en ont le plus besoin. JM Blanquer va donc encore un peu plus loin. La circulaire n’a donc rien retenu des exigences de cette vraie reprise de l’Ecole : se retrouver, être ensemble, faire classe.
Une rentrée comme les autres
« Tous les élèves sont accueillis sur le temps scolaire », précise la circulaire qui ne prévoit pour le moment que ce seul scénario. « Port du masque pour les adultes et les élèves de plus de 11 ans lorsque les règles de distanciation ne peuvent être respectées dans les espaces clos » : les enseignants et les élèves vont devoir être masqués en classe. A noter quand même que tous les élèves ne rentrent pas : les lycéens professionnels à partir de la 2de année (première par exemple) sont de préférence envoyés en stage. La plupart n’ont pas eu cours depuis mars et sont fragiles scolairement et socialement. Pourtant ce sont eux qui vont enchainer un 7ème mois sans école. A ce tarif là inutile de mettre un paragraphe sur la lutte contre le décrochage dans la circulaire…
Des évaluations renforcées
Pour les autres élèves, le plus urgent c’est de les évaluer, nous dit ce texte. Donc les évaluations de CP CE1 et 6ème ont lieu dès le 14 septembre. Les élèves n’auront eu qu’une grosse semaine pour renouer avec l’école que déjà l’évaluation s’avance. Pas de changement dans ces évaluations si ce n’est un test de fluence en 6ème. Ce test existe déjà dans les évaluations de CP Ce1. Pour le ministre la fluence c’est la compréhension. Les idées ministérielles remontent aussi en CAP où aura lieu un « test spécifique de littératie et numératie ». Pour les autres niveaux, le ministère ne met pas en place des évaluations nationales mais fournira des « outils de positionnement » pour « mesurer instantanément la maitrise des compétences fondamentales et identifier les priorités pour chaque élève ». Les choses sont toujours aussi simples…
Au collège, des élèves privés d’une partie du curriculum pour faire du français et des maths
« Pour réduire les éventuels écarts » le ministère met des moyens pour l’accompagnement des élèves sans rien changer aux formules existantes jamais évaluées. Devoirs faits est renforcé de 1.5 million d’heures supplémentaires et des AED en préprofessionnalisation (qui ont aussi été promis pour l’aide aux directeurs d’école) sans qu’on sache bien si tous ces moyens pourront être utilisés.
Les collèges pourront proposer « un parcours de soutien aux élèves qui éprouvent des difficultés à lire, notamment lors du test de fluence en 6e ». Le parcours pourra se faire en partie en périscolaire. Surtout, ce parcours maths français pourra être fait sur les heures des autres disciplines à hauteur de 5 heures hebdomadaires. La France est connue comme la championne d’Europe des horaires des fondamentaux. Les établissements sont invités à aller plus loin aux dépens des autres disciplines. Ces heures de remédiation en lecture, écriture ou calcul « peuvent être assurées par un professeur du collège ou un professeur des écoles ».
Là où il faudrait relier les disciplines, une hiérarchie des disciplines s’installe. Certaines sont jugées officiellement moins utiles. Mais c’est aussi une hiérarchie des élèves. Certains élèves sont dans les collèges des établissements publics internationaux créés par la loi Blanquer. D’autres ont droit à un enseignement complet. D’autres enfin auront un enseignement amputé au prétexte de faire des exercices de maths et de français. Mais de quel droit ?
Des tests aussi pour les langues
La circulaire annonce « la création en juin 2021 d’un test de positionnement en anglais, en ligne, pour tous les élèves de 3e, conçu par France éducation international. En outre, chaque bachelier général, technologique et professionnel de la session 2021 disposera d’une attestation de son niveau en langues vivantes A et B. » E Philippe avait annoncé un test reconnu internationalement pour les élèves français. Le ministre ne le met pas en place. Mais il annonce ce test et cette attestation.
Mais pour quoi faire ? Les élèves ont des notes. Ils passent des examens. Ils doivent en plus avoir une attestation ? Le diplôme ne valide plus le niveau ? Après le brouillard sur l’évaluation du bac, le ministère semble prêt à relativiser notes et examens. Le projet de décret est passé en CSE le 9 juillet et il a été très critiqué par les syndicats pour cette remise en cause du travail des enseignants et des diplômes. C’est l’E3C3 qui servirait pour cette attestation de terminale.
Le ministère va encourager les collèges à multiplier les classes bilangues sans qu’on sache si des moyens fléchés sont prévus.
L’orientation toujours dans les nuages
« S’appuyant sur un dialogue étroit entre les rectorats et les régions et avec le concours des psychologues de l’éducation nationale, les collèges et les lycées enrichissent le volet orientation de leur projet d’établissement. Les heures dédiées à l’orientation (12 heures en 4e, 36 heures en 3e, 54 heures en 2de, 1re et terminale du lycée général et technologique et 265 heures sur trois ans au lycée professionnel), doivent permettre aux élèves de découvrir des métiers, des formations et de construire progressivement leur projet de poursuite d’études », dit la circulaire. Ce paragraphe oublie de préciser que ces heures ne sont pas financées. Les régions sont donc invitées à s’en emparer. Mais elles n’ont pas réussi à le faire en 2019-2020 et rien ne dit qu’elles puissent y investir des moyens en 2020-2021.
Respecter les institutions
JM Blanquer définit l’instruction civique. « Le gouvernement de l’homme sur lui-même et par lui-même, au fondement même de l’idée républicaine, nécessite que chaque élève comprenne les devoirs qui découlent de ce droit : respect des autres, respect des institutions et des lois », affirme la circulaire. Cette conception à sens unique de l’instruction civique est donnée sans que rien de concret n’accompagne la formule…
Après une année particulièrement traumatisante pour les élèves et les enseignants, la circulaire de rentrée 2020 remet en selle l’école d’avant comme si rien ne s’était passé. JM Blanquer n’a pas écouté ce que disaient les enseignants de cette obsession des fondamentaux. Il n’entend pas ce qu’ils disent aujourd’hui sur la rentrée, la nécessité de se retrouver, de reprendre les élèves en main. La conclusion sur l’instruction civique montre que cette circulaire est surtout politique. Pour les élèves et leurs enseignants , elle est un fardeau supplémentaire.
François Jarraud
PS : la partie sanitaire de cette circulaire peut encore évoluer après l’avis attendu demain du conseil scientifique.