A chaque « reprise » de l’école, le 12 mai, le 2 juin et à nouveau le 22 juin, un directeur d’école est mort dans les mêmes circonstances, d’un arrêt cardiaque, le week-end juste avant la reprise. Chacune de ces reprises a été imposée dans des conditions infernales. Chaque fois, les parents ont été prévenus par la presse, plusieurs JOURS avant que les directeurs d’école ne reçoivent leurs consignes. Chaque fois, les contraintes sanitaires ont été cachées au grand public mais imposées aux directeurs, avec des délais intenables pour s’organiser correctement…
Chaque fois, ce sont les directeurs d’école qui ont donc été obligés d’expliquer ces contraintes aux familles, en quelques heures, et parfois de refuser ce qui avait été pourtant annoncé.
Il a fallu recevoir les familles déconcertées, voire carrément furieuses. Faire des groupes d’élèves, annoncer des plannings aux parents, puis les défaire parce que de nouveaux parents décidaient de remettre leur enfant et que les effectifs n’étaient plus compatibles avec les règles, re-rappeler toutes les familles, s’excuser de devoir les forcer à se réorganiser à nouveau, et de ne pas pouvoir accueillir les enfants autant que nécessaire, accepter les élèves prioritaires, se justifier d’accepter Jules et de refuser son copain Martin, puis d’accepter Martin et pas Tom….
Dans ce contexte, on a tous fait des erreurs, on est passés à côté de solutions plus adaptées d’aménagement ou de planning, on n’a pas trouvé le ton juste pour communiquer, simplement parce qu’on n’a jamais eu le temps de se poser, de réfléchir ensemble.
On s’en est voulu. On a eu l’impression de travailler comme des nuls.
Dans les écoles élémentaires, on travaille sans surveillants, sans gestionnaires, sans CPE (…), et même sans secrétaire puisque les quelques heures de secrétariat ont été supprimées il y a 3 ans par E.Macron et JM Blanquer.
On nous demande de ne pas mélanger les classes, donc chaque maitre surveille sa classe en permanence, tout le temps. Pour aller aux toilettes, je dois les laisser seuls dans la cour. On nous demande de surveiller que les élèves se lavent bien les mains, mais en même temps il faut surveiller ceux qui sont dans la cour, et toujours en même temps, ceux qui sont rentrés en classe après s’être lavé les mains. Un seul prof pour 4 lieux : les élèves sont laissés sans surveillance tout le temps, et même s’il n’y a pas trop d’accidents, chaque fois, c’est du stress pour les profs, et pour les directeurs qui sont censés être responsables de la surveillance et de la sécurité..
Instits et directeurs d’école, on a déménagé les tables et les armoires, on a collé le scotch au sol, on a mesuré l’espace entre les tables, on a organisé des sens de circulation, on a ré-aménagé les tables et les armoires, on a défait les groupes, on a changé les horaires des groupes pour échelonner les arrivées et les départs, refait les groupes, rechangé les horaires.
On a reçu les messages des parents qui trouvaient qu’on envoyait beaucoup trop de travail, qu’on n’en faisait pas assez, qu’on communiquait trop le week-end, qu’on n’utilisait pas assez les outils untel ou untel, qu’on n’avait pas à gronder Gudule qui n’avait pas fait ses devoirs.
Après, on s’est pris en pleine face la campagne de prof bashing. Presse écrite, radio, porte-parole du gouvernement, et même le JT de France 2. Ils s’y sont tous mis.
Avez-vous entendu notre ministre nous défendre à la télé après cette émission, « L’oeil du 20h, de France 2 » ? Jamais.
Il reste une semaine pour clore cette année infernale. Je sais que la situation était inédite, et pas simple à gérer, mais j’espère que le Ministère et le grand public sauront mesurer l’ampleur du désastre de la communication vers les écoles et l’étendue de la solitude des directeurs d’école.
Charivari