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Cela ressemble à un protocole. Il en a l’aspect. Il en a le vocabulaire. Mais c’est un drole de protocole. Avec ce troisième protocole sanitaire des écoles et des établissements scolaires, le ministère invente un nouveau type de règlement : celui que vous êtes invité à ne pas respecter. En effet, le protocole affiche des règles strictes de distanciation tout en invitant à ne pas en tenir compte si on l’estime nécessaire. Le protocole va très loin dans l’allègement. Mais pas assez loin pour certains syndicats qui craignent de ne pas pouvoir accueillir tous les élèves.

Un protocole longuement attendu

Attendu pour mardi matin, il aura fallu attendre mercredi 17 au soir pour que les directeurs et chefs d’établissement aient entre les mains le protocole officiel applicable… le 15 juin. Il leur reste deux jours pour le mettre en application dans leur établissement. Ca devrait être plus facile que prévu tant ce règlement validé par les autorités de la Santé et de l’Education nationale ouvre de portes complaisantes.

On se rappelle ce qui limitait le nombre d’élèves dans les écoles et établissement dans l’ancien protocole. Chaque élèves devait disposer de 4 m² ce qui en limitait le nombre dans des salles de 50 à 60m². En plus les salles devaient être nettoyées deux fois par jour. Il fallait donc deux salles pour un petit groupe de 9 à 15 élèves et donc 4 à 6 salles par groupe classe.

Des règles de distanciations posées.. pour ne pas être respectées

Le nouveau protocole commence par poser « les nouvelles règles de distanciation physique ». Sans surprise,  » la règle de surface de 4m² par élève ne s’applique plus dans les locaux comme dans les espaces extérieurs », confirme le protocole. Le protocole distingue ensuite les niveaux.

 » A l’école maternelle, entre les élèves d’une même classe ou d’un même groupe, aucune règle de distanciation ne s’impose, que ce soit dans les espaces clos (salle de classe, couloirs, réfectoire, etc.) ou dans les espaces extérieurs. En revanche, la distanciation physique doit être maintenue entre les élèves de groupes différents ». C’est l’application du principe de la « bulle de sécurité », mis en place en Belgique et adopté par le ministère.

« Dans les écoles élémentaires et les collèges, le principe est la distanciation physique d’au moins un mètre lorsqu’elle est matériellement possible, dans les espaces clos (dont la salle de classe), entre l’enseignant et les élèves ainsi qu’entre les élèves quand ils sont côte à côte ou face à face. Elle ne s’applique pas dans les espaces extérieurs entre élèves d’une même classe ou d’un même groupe, y compris pour les activités sportives. L’organisation de la classe à l’air libre est donc une possibilité encouragée ».

Le grand bond arrive : « Si la configuration des salles de classe (surface, mobilier, etc.) ne permet absolument pas de respecter la distanciation physique d’au moins un mètre, alors l’espace est organisé de manière à maintenir la plus grande distance possible entre les élèves les élèves de plus de 11 ans doivent porter le masque de protection dans la classe « . Très clairement le protocole invite à ne pas respecter la règle de distanciation ! « La distanciation physique doit être maintenue entre les élèves de groupes différents ».

« Dans les lycées, une distance minimale d’un mètre est respectée entre chaque personne dans les espaces clos et dans les espaces extérieurs ».

Evidemment avec des règles aussi larges à l’école et au collège, toutes les classes peuvent accueillir tous les élèves !

Des plans de salle irréalistes

Le ministère diffuse quand même des plans de salle où il loge sans problème 24 et même 36 élèves. Ces plans apportent pourtant une contradiction involontaire aux objectifs ministériels. Ainsi les configurations n°8 et 9 respectent la distanciation mais il n’y a que 18 ou 20 élèves. Le 10 contrevient aux règles élémentaires de sécurité incendie. Bon courage au profs et aux élèves pour les exemples 5 et 6 qui n’accueillent pourtant que 25 et 30 élèves…

Dans la théorie de la bulle de sécurité, il est essentiel d’éviter le brassage des élèves. Disons le tout de suite: cette théorie ignore le brassage des professeurs ce qui peut réserver des surprises.  » En fonction de leur taille, les écoles et établissements scolaires organisent le déroulement de la journée et des activités scolaires pour limiter les croisements entre élèves de classes différentes ou de niveaux différents. Cette limitation est d’autant plus nécessaire lorsque la distanciation entre élèves d’un même groupe est réduite comme à l’école maternelle ou, le cas échéant, à l’école élémentaire et au collège ».

Avec ce point les chefs d’établissement retrouvent une vraie contrainte pour l’organisation des déplacements et des récréations.  » Les récréations sont organisées par classes ou groupes de classes, en tenant compte des recommandations relatives aux gestes barrière ». Mais là aussi le protocole sauve la mise : « en cas de difficulté d’organisation, elles peuvent être remplacées par des temps de pause en classe ».

 » La restauration scolaire est organisée dans les lieux habituels et doit être privilégiée. Les flux et la densité des élèves sont organisés en respectant la distance d’au moins un mètre entre les groupes d’élèves appartenant à une même classe dans les écoles maternelles. S’agissant des élèves des écoles élémentaires et des collèges, lorsque le respect de la distance d’un mètre entre élèves est matériellement impossible, il convient de faire déjeuner les élèves d’une même classe ensemble et de respecter une distance d’au moins un mètre avec les autres groupes. Les élèves des lycées respectent la distance d’un mètre minimum dans les espaces de restauration ».

Un nettoyage très allégé

Le nouveau protocole adapte aussi le nettoyage. Il n’a plus lieu qu’une fois par jour.  » L’accès aux jeux, aux bancs et espaces collectifs extérieurs est autorisé si un nettoyage quotidien est assuré (ou après une période sans utilisation d’environ 12 heures). La mise à disposition d’objets partagés au sein d’une même classe ou d’un même groupe constitué (ballons, jouets, livres, jeux, journaux, dépliants réutilisables, crayons, etc.) est permise à l’intérieur des locaux lorsque qu’une désinfection au minimum quotidienne est assurée (ou que les objets sont isolés 24 h avant réutilisation) ».

Finalement très laxiste, ce protocole est-il vraiment utile ? Il ne règle pas les problèmes matériels dans les établissements, par exemple l’insuffisance des points d’eau et de l’hygiène en général. Le plus grave est peut-être qu’il encourage les personnels et élèves à ne pas respecter les règles qu’il instaure dans l’école.

Un protocole appliqué ?

Le nouveau protocole semble avoir déçu ceux qui attendaient la levée de toute règle et ceux qui s’inquiètent de la santé des enseignants et élèves.

Le Se unsa déplore « des contraintes qui pèsent toujours, comme le « mètre de distance latéral » à l’élémentaire et au collège et le non brassage des groupes… C’est un décalage sur le fond entre le retour de tous annoncé et des règles qui ne le permettront pas partout ». Le SE-Unsa dénonce cette mise en porte-à-faux des acteurs de terrain et alerte l’opinion publique.

Le Snpden Unsa partage cet avis. Il  » recommande à ses adhérents de ne pas se précipiter pour modifier en urgence et de fond en comble les organisations en place, dont les modalités ont d’ailleurs été adoptées par leur conseil d’administration. Là où ce sera possible, des ajustements seront donc réalisables pour permettre un accroissement des capacités d’accueil. Ailleurs, ce sera le respect strict des nouvelles normes qui déterminera les limites à ces capacités ».

Une analyse partagé par la Cgt Education. « L’assouplissement du protocole sanitaire, s’il permettra d’augmenter le nombre d’élèves par salle tout en leur rendant une plus grande liberté d’interagir, ne suffira pas à garantir partout la reprise de l’ensemble des élèves sur des emplois du temps normal, notamment du fait du bâti… La CGT Éduc’action considère qu’il est inadmissible que le ministre abandonne la responsabilité de cette gestion, et des éventuelles plaintes des parents, aux seuls personnels. C’est à lui et au gouvernement d’assumer clairement les limites induites par l’application de ce nouveau protocole ».

La Fsu a claqué la porte du CHSCT ministériel qui a été réuni après la diffusion du protocole sanitaire. « Ce fonctionnement vide le dialogue social de tout son sens et relève davantage de l’affichage du ministre que de la volonté de consulter les représentants des personnels, pour un sujet pourtant hautement important ».

Ces oppositions soulèvent la question de l’application de ce texte. Les établissements reverront-ils réellement leur fonctionnement ? En lycée des règles strictes sont encore exigées du protocole. Ailleurs son élasticité permettra de justifier les décisions locales.

François Jarraud

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