« On lui a dit : 100% des élèves qui reviennent ce n’est pas possible ». Le 15 juin , JM Blanquer recevait les organisations syndicales et les associations de parents d’élèves après avoir présenté les mesures de réouverture le matin à la radio. Pour R Metzger et F Popineau, co secrétaires généraux du Snuipp Fsu, tout comme pour Franck Antraccoli, secrétaire général du syndicat de personnels de direction ID FO, les nouvelles règles annoncées ne permettent pas d’accueillir tous les élèves. A nouveau, les enseignants et chefs d’établissement vont être pris en étau entre les annonces présidentielle et ministérielle et les attentes des parents.
« On va accueillir tous les élèves »
Sur Europe 1, au lendemain du discours d’E Macron, JM Blanquer justifie la réouverture complète des collèges et lycées annoncée par le président. Elle est utile. « Deux semaines c’est très important, chaque jour compte pour un élève. L’Ecole ne doit jamais être une garderie », dit-il. Une affirmation qui l’amène à l’absurde quand on lui fait remarquer qu’au collège les manuels scolaires ont déjà été rendus. « Le fait d’avoir rendu les livres n’empêche pas d’avoir cours. Parfois ça peut être salutaire. De toutes façons l’objectif n’est pas de terminer le programme ».
Le ministre dit aussi que « dans la nouvelle étape les enfants ont vocation à avoir cours tous les jours ». Au lieu de reprendre la journaliste d’Europe 1 qui insiste sur les « professeurs décrocheurs », le ministre dit que « l’absence des professeurs sera l’exception ». Sans doute le décrochage était-il la norme précédemment…
Surtout il parle du nouveau protocole sanitaire. « Dès demain la nouvelle version du protocole sera publiée. L’allègement principal est la distanciation. On passe d’un système où il y avait 4m² par élève à un système plus souple avec un mètre latéral entre les élèves ». Avec ce nouveau système, un peu obscur car les élèves n’ont pas qu’une dimension latérale, JM Blanquer lâche le plus important. « Cette nouvelle donne fait qu’on va accueillir tous les élèves ».
« On ne pourra accueillir que 70% des élèves »
Normalement une concertation est organisée le 15 au matin avec les syndicats et les associations de parents sur ce sujet. Mais la notion de « concertation » est toujours originale rue de Grenelle. Le ministre peut en donner les résultats de la concertation avant même qu’elle ait eu lieu…. mais un peu après que ces nouvelles règles aient été publiées dans un décret (paru le 15 au matin)…
A l’issue de cette réunion, R Metzger et F Popineau, co secrétaires généraux du Snuipp Fsu, sont inquiets. « On va avoir des difficultés », dit F Popineau. « Même avec la nouvelle distanciation latérale d’un mètre on ne va pas gagner tant de place que cela », dit-elle. Elle rappelle, comme nombre d’enseignants sur twitter, que beaucoup d’écoles et de collèges ont des tables à deux places ce qui limite fortement la possibilité de gain de place.
« Les enseignants vont se retrouver à nouveau pris entre les familles qui voudront que la promesse présidentielle se réalise et la réalité. Après avoir été traités de feignants, ils vont être vus comme des désobéisseurs ou des incapables », explique F Popineau.
Franck Antraccoli, secrétaire général d’ID FO, qui évoque lui aussi les nombreuses tables doubles, estime que le futur protocole permettra d’accueillir environ 70% des élèves mais guère plus. Et ce n’est pas tout. « On ne va pas refaire les emplois du temps une troisième fois », prévient A Antraccoli. Son syndicat demande la levée de toute limite de distanciation.
Des enseignants au lit cet été
Le nettoyage est un autre problème. Le protocole allègerait la norme actuelle avec un seul nettoyage par jour. Mais même cela semble impossible. « On ne pourra pas non plus nettoyer toutes les salles avec la fréquence demandée », prévient F Antraccoli. « 25 élèves au lieu de 15 ça fait plus de tables et de chaises à nettoyer », remarque t-il alors que le personnel n’est pas extensible.
L’organisation des récréations va aussi poser de nouveaux problèmes. Le ministère va appliquer le concept de « bulle de sécurité » imaginé en Belgique. Pendant la récréation les élèves d’une même classe ne sont pas tenus de respecter les règles de distanciation. Par contre la règle doit être respectée entre les groupes classe. Le décret publié le 15 juin précise que » l’accueil est assuré par groupes qui ne peuvent pas se mélanger ». Comment faire respecter cela ? Faudra t il segmenter la cours ou avoir des récréations décalées ?
La dernière question renvoie aux conséquences de ces décisions. Le virus est présent. Des écoles ont encore été fermées le 15 juin. Réunir dans un espace aussi petit qu’une salle de classe un maximum d’élèves rend optimales les conditions de transmission. « Les enseignants peuvent craindre de se retrouver au lit cet été », estime F Popineau. Le nouveau protocole sanitaire devrait être publié le 16 juin.
François Jarraud