Dans son allocution du 14 juin, le président de la République a annoncé la réouverture complète des écoles et collèges à compter du 22 juin » selon les règles de présence normale ». E Macron n’a rien dit sur les protocoles sanitaires mais un décret publié le 15 apporte des éclairages. Il n’a pas parlé des lycées. Il n’a pas eu un mot non plus pour les enseignants, violemment calomniés par une véritable campagne de presse. Il n’a rien dit sur les raisons et l’intérêt pédagogique d’une réouverture complète un 22 juin. Rien dit non plus du 2S2C qui semble mort-né. Les syndicats réagissent à son discours. Ils sont reçus le 15 juin par JM Blanquer pour décrypter les « propos lapidaires » d’E. Macron.
Réouverture complète des écoles et collèges
« A partir de demain, nous allons pouvoir tourner la page du premier acte, en quelques sortes, de la crise que nous venons de traverser ». Emmanuel Macron a annoncé le 14 juin le passage au vert de tout l’hexagone et de l’outre mer sauf la Guyane et Mayotte.
« Dès demain, en hexagone comme en Outre-mer, les crèches, les écoles, les collèges se prépareront à accueillir à partir du 22 juin tous les élèves, de manière obligatoire et selon les règles de présence normale », a déclaré E Macron le 14 juin.
Qu’en est-il des lycées ?
Le président n’a rien dit pour les lycées. Il n’a rien dit non plus des établissements de Guyane et Mayotte, deux territoires où le virus est très actif.
D’après l’entourage du ministre, les lycées d’Ile-de-France rouvriraient mais avec les règles de la zone verte actuelle : retour en classe d’un seul niveau. Le protocole ne changerait pas dans les lycées.
Avec ou sans protocole ?
Comment sera appliquée la promesse présidentielle dans les établissements et les écoles ? Les propos du président de la République donnent à penser qu’on « tourne la page » et donc à un retour à avant le 16 mars. Mais est-ce vraiment possible ? Le président lui-même signale que le virus est toujours là et qu’il « faudra éviter les rassemblements car nous savons qu’ils sont les principales occasions de propagation du virus ».
Deux points du protocole empêchent actuellement d’accueillir tous les élèves : la règle de distanciation et celle du nettoyage. La règle de distanciation est aménagée. Un décret publié au JO du 15 juin précise : » Dans les écoles élémentaires et les collèges, l’observation d’une distanciation physique d’au moins un mètre s’applique uniquement dans les salles de classe et tous les espaces clos, entre l’enseignant et les élèves ainsi qu’entre chaque élève lorsqu’ils sont côte à côte ou qu’ils se font face. L’accueil est assuré par groupes qui ne peuvent pas se mélanger ». Rien n’est dit sur l’autre blocage : le nettoyage.
Restent deux problèmes. D’abord le cas des enseignants vulnérables. Les faire revenir alors que le virus est toujours là serait irresponsable. Ensuite la santé des élèves et de tous les personnels : rouvrir les classes alors que la plupart sont bondées à craquer c’est prendre le risque de voir des clusters apparaitre rapidement ou au moins une relance de l’épidémie début juillet.
Quelle finalité pour ce retour ?
Enfin il y a une interrogation. A quoi sert cette réouverture complète le 22 juin ? Que feraient des collégiens et des lycéens du 22 juin au 4 juillet ? Dans la plupart des établissements du second degré les élèves n’ont plus de manuels. Les conseils de classe et l’orientation sont faits. Ceux qui reviendront le feront pour voir leurs camarades un jour ou deux seulement. Quant aux lycéens, si les lycées rouvrent complètement, il ne sont habituellement plus là fin juin en année normale… Il est fort probable qu’on en verra très peu.
Pas un mot en faveur des profs
Le plus choquant du discours présidentiel est dans ses silences. Le président n’a rien dit sur les enseignants. Il a rendu hommage aux soignants et « à tous ceux qui ont continuer à travailler » permettant à la population de se nourrir. Alors que les enseignants font l’objet d’une véritable campagne de dénigrement dans la plupart des grands médias (France 2, Bfm, Lci, France Inter, Europe 1) le silence présidentiel fait sens. Alors même que le président parle d’unité il n’a pas un mot pour mettre fin au prof bashing.
Que devient le 2S2C ?
Un autre silence présidentiel concerne le 2S2C. Alors que le ministère presse les communes de signer des conventions pour sa mise en place la plus rapide possible, il faut rappeler que le dispositif a été imaginé pour prendre en charge les élèves qui ne pouvaient être accueillis en classe après le déconfinement. Si tous les élèves retournent en classe, le 2S2C à peine né est déjà décédé ! Or un millier de communes ont déjà signé. Une bonne partie a embauché du personnel pour accueillir les jeunes. L’indemnisation de l’Etat se fait par groupe d’élèves accueilli. Il y a quelques chances que les collectivités territoriales qui ont fait du zèle goutent modérement la façon dont le ministère joue avec elles…
Les réactions syndicales
« Dire qu’on va accueillir tout le monde c’est dire qu’on ne veut plus de protocole sanitaire. Est-ce bien raisonnable ? », nous a dit Benoit Teste, secrétaire général de la Fsu. « Il y a 15 jours tout le monde disait qu’il fallait respecter les prescriptions strictes des protocoles sanitaires. On a vu des établissements devenir de nouveaux clusters. Est-ce souhaitable d’accueillir tous les élèves ? On imagine qu’il y aura quand même des règles à respecter comme la désinfection des salles de classe. Le danger est potentiellement là ».
« On attendait une parole de reconnaissance du travail accompli par les enseignants. Avant, le président disait que tout le monde était formidable. C’est fini », constate B. Teste. « Avant on expliquait aux personnels vulnérables que la solidarité c’était de ne pas revenir dans les établissements. Aujourd’hui on leur reproche ces consignes ».
Pour le Snes Fsu, « le flou ne peut pas être un outil de gouvernances de l’Education nationale : il met sous tension tous les personnels et alimente les incompréhensions ». Le Snes demande « des informations claires, fiables et solides sur la rentrée de septembre ».
Stéphane Crochet, secrétaire général du Se-Unsa, attend des précisions sur l’aménagement des protocoles sanitaires. « Le retour à la normale dans une semaine c’est envisageable si le protocole est réellement allégé. A ces conditions c’est une bonne nouvelle de retrouver les élèves ». Son syndicat demandera à ce « qu’on ne prenne de risques » avec les personnels vulnérables.
« Je pensais qu’il pouvait avoir un mot pour les professeurs », nous a dit Frédéric Marchand, secrétaire général de l’Unsa Education. « Ca aurait été bienvenu. »
Philippe Vincent, secrétaire général du Snpden Unsa, évoque les « réponses très lapidaires » du président et attend des précisions sur les conditions de réouverture des établissements.
Pour Sud Education, « de nombreuses questions restent en suspens » concernant la réouverture complète des établissements. Mais le syndicat souligne aussi les propos du président sur la décentralisation. E Macron a déclaré : « je veux ouvrir pour notre pays une page nouvelle donnant des libertés et des responsabilités inédites à ceux qui agissent au plus près de nos vies, libertés et responsabilités pour nos hôpitaux, nos universités, nos entrepreneurs, nos maires et beaucoup d’autres acteurs essentiels ». Sud Education y voit « une nouvelle vague de décentralisation » et donc une nouvelle attaque contre le statut des fonctionnaires.
Les syndicats ont rendez vous demain avec JM Blanquer pour en savoir plus sur le maintien ou pas de protocoles et les catégories de personnels.
François Jarraud