» A partir du 2 juin toutes les écoles seront ouvertes ». En s’exprimant le 28 mai à la suite du premier ministre, JM Blanquer a dressé le portrait d’une Ecole qui s’ouvrirait le 2 juin à toutes les familles qui le souhaitent. Cela concerne en priorité le second degré avec la réouverture proclamée des collèges de l’ex zone rouge et des lycées en zone verte. Mais la réalité est bien différente ce mardi matin. On est loin de la réouverture générale promise aux français.
« Toutes les familles qui le souhaitent doivent pouvoir scolariser leur enfant au moins une partie de la semaine », a déclaré JM Blanquer le 28 mai. « L’ensemble des collèges vont désormais ouvrir, que ce soit en zone verte ou en zone orange », continue t-il. « En zone verte, cela signifie donc que l’on ajoute la quatrième et la troisième après la sixième et la cinquième, qui ont déjà ouvert. En zone orange, nous allons accueillir en priorité les élèves de sixième et de cinquième. Et si les conditions matérielles sont réunies, les élèves des autres niveaux pourront ensuite être accueillis.. A partir du 2 juin, l’ensemble des lycées vont ouvrir avec un protocole sanitaire qui est le même que pour celui des collèges ». Le lendemain le ministre déclare sur France Info que « la plupart des proviseurs sont prêts ».
Ce même 28 mai seulement 14% (en zone rouge) à 22% (en zone verte) des écoliers étaient accueillis à l’école au moins un jour par semaine. C’était le cas de 28% des collégiens , uniquement en zone verte, selon les propres chiffres du ministère. Du 28 mai au 2 juin quelle « amplification » réelle est-elle possible ?
« Ni un tsunami, ni une vague »
L’accueil de masse est impossible du fait du protocole », nous a dit Franck Antraccoli, secrétaire général d’ID FO, second syndicat des personnels de direction. « Le ministre lui même a dit que la reprise serait progressive ». « Ce ne sera ni un tsunami, ni une vague », affirme Philippe Vincent, secrétaire général du Snpden Unsa, premier syndicat de personnels de direction. Tous deux estiment d’ailleurs que très peu d’établissements ouvriront leurs portes aux élèves le 2 juin. « L’essentiel ce sera entre le 4 et le 8 ».
Philippe Vincent estime que le ministre « ne pouvait pas ne pas envoyer ce signal » vers les parents. Mais il craint un « effet de ciseaux » surtout dans le 1er degré et aussi dans certains collèges. Franck Antraccoli rappelle que les établissements ont pris les devants et communiqué leur calendrier aux parents.
Qu’est ce qui empêche le retour des élèves ?
Certains médias n’hésitent pas à montrer du doigt les enseignants qui « déserteraient » les établissements et empêcheraient le retour des élèves qui le souhaitent. Ces propos surfent sur la demande de certains parents qui ne télétravaillent pas et voient avec inquiétude le changement de régime du chômage partiel à partir du 2 juin. En réalité c’est l’obligation de respecter le protocole sanitaire qui limite les retours.
« Il faut 4 salles pour accueillir une classe », explique P Vincent. Dans le second degré du fait de la limite à 15 élèves par groupe maximum chaque classe est éclatée en au moins 2 groupes, parfois trois. Chaque salle doit être nettoyée deux fois par jour. Il faut donc une rotation des salles. Au final un établissement ne pourra jamais accueillir plus du quart des élèves présents ordinairement. En supposant que le nombre des agents territoriaux permette ce nettoyage. Pour Philippe Vincent , le nombre de professeurs disponibles est suffisant pour assurer les cours en présentiel.
Le ministre a annoncé l’accueil des 6èmes et 5èmes en zone orange et celui de tous les niveaux en zone verte. Au lycée un niveau devrait rentrer en zone verte. « Les collègues s’interrogent sur la montée en puissance en 4ème et 3ème », nous a dit P Vincent. « Si on a le personnel, on organisera une rotation ». L’amplification ne pourra se faire qu’au détriment de la continuité pédagogique. Les élèves de 6ème et 5ème devraient avoir moins de cours en présentiel dans les semaines à venir.
Des lycéens professionnels bien difficiles à rattraper
En zone orange, le ministre ne rouvre vraiment que les lycées professionnels avec la mission de récupérer les élèves qui ont été perdus de vue par l’établissement durant le confinement. « Ce sera un vrai challenge » nous a dit P Vincent. « Les établissements qui ont sondé les élèves s’attendent à voir revenir 10 à 15% des lycéens. On aura du mal à aller au delà ». « A cette époque de l’année, les lycéens professionnels ne sont pas au lycée mais en stage », explique F Antraccoli. « Ce qui leur manque le plus pour leur examen ce sont les gestes professionnels en atelier. Or ceux ci sont organisés en postes partagés. Donc les lycées professionnels ne pourront accueillir les élèves que sur une base très individuelle. On ne pourra pas faire revenir de nombreux élèves ».
Le faux argument des conseils de classe
Pour appuyer ses propos sur la réouverture, JM Blanquer invite, dans une vidéo diffusée le 30 mai, les chefs d’établissement à mettre les conseils de classe le plus tard possible. « En fait ils sont fixés en fonction du calendrier de l’orientation en 3ème, 2de et terminale », nous a dit F Antraccoli. « Ce calendrier n’a pas bougé, avec des commissions d’appel vers le 18 juin ». Autrement dit les conseils de classe pour ces niveaux soit ont déjà eu lieu soit vont avoir lieu dans la semaine à venir. « On ne pourra retarder que les conseils où il n’y a pas d’orientation », explique P Vincent : les 6èmes, 5èmes, 4èmes, premières et les 2des et 1ères pro. Mais là aussi il faudra se caler sur des calendriers académiques qui n’ont pas changé et ne vont pas au delà du 15 juin.
La reprise promise pour le 2 juin n’est pas au rendez vous. Si certains parents vont pouvoir enfin mettre leurs enfants au collège ce sera le plus souvent à la place d’autres élèves qui retourneront à un enseignement à distance moins stable. En promettant médiatiquement beaucoup, tout en restant dans le cadre d’un protocole sanitaire strict, le ministre ne fait qu’alimenter son image politique et qu’ajouter une pression sur les enseignants. Des consignes modestes et réalistes auraient pu renforcer le système et finalement alimenter la confiance dans l’école publique.
François Jarraud