« Il y aura accélération de la réouverture des écoles et collèges et des lycées en zone verte ». Edouard Philippe a annoncé le 28 mai une amplification de la réouverture des écoles et établissements scolaires à partir du 2 juin. A cette date tous les collèges vont rouvrir. Ce sera le cas des lycées en zone verte et des lycées professionnels en zone orange (Ile de France, Guyane, Mayotte). JM Blanquer a promis aux familles qui le souhaitent que leurs enfants seront accueillis dans les écoles et établissements. Il a présenté la date du 2 juin comme celle d’une véritable réouverture des écoles, collèges et lycées. Or le protocole sanitaire reste strictement en vigueur. Partout, et encore plus en Ile-de-France, peu d’élèves pourront revenir en classe ou ce sera pour très peu de temps. Ainsi, il laisse les acteurs de terrain gérer l’écart entre sa promesse et les capacités d’accueil réelles des écoles et établissements. Il laisse aussi les acteurs de terrain se débrouiller avec les élèves perdus de vue.
Trois régions en zone orange
« Les résultats sont bons sur le plan sanitaire ». En ouvrant son intervention, Edouard Philippe apporte cette bonne nouvelle qui justifie une nouvelle étape du déconfinement allant du 2 au 22 juin. Le taux de reproduction du virus est en dessous de 1 (0.77% en moyenne). Il reste actif dans 3 régions qui passent en orange : Ile de France, Guyane et Mayotte. Tout le reste du pays passe en vert.
» La réouverture des écoles et des établissements est une urgence sociale, c’est aussi un impératif éducatif », explique JM Blanquer. Pour l’éducation nationale c’est selon lui une nouvelle étape qui commence, même si l’on est à quelques jours de la fin de l’année scolaire.
Réouverture de toutes les écoles
Dans le premier degré, selon les chiffres donnés par JM Blanquer, 22% des écoliers sont actuellement accueillis, quitte à ce que ce soit par alternance, en zone verte et 14% en zone rouge. « A partir du 2 juin toutes les écoles seront ouvertes », annonce JM Blanquer. « Toutes les familles qui le souhaitent doivent pouvoir scolariser leur enfant au moins une partie de la semaine ». Le ministre dit travailler avec les communes pour qu’elles rouvrent toutes leurs écoles. Il lui reste à convaincre 10% des communes de le faire. Certaines ont déjà annoncé qu’il n’y aura pas de réouverture avant septembre.
Réouverture progressive de tous les collèges
« L’ensemble des collèges vont désormais ouvrir, que ce soit en zone verte ou en zone orange », déclare JM Blanquer. « En zone verte, cela signifie donc que l’on ajoute la quatrième et la troisième après la sixième et la cinquième, qui ont déjà ouvert. En zone orange, nous allons accueillir en priorité les élèves de sixième et de cinquième. Et si les conditions matérielles sont réunies, les élèves des autres niveaux pourront ensuite être accueillis ». Le ministre nuancera un peu plus tard ces propos en disant que les collégiens de 4ème et 3ème seraient accueillis « peut-être ». En fait il sera matériellement impossible d’accueillir en même temps les 4 niveaux. Si les 4èmes et 3èmes reviennent en classe ce sera par roulement et donc pour un temps très limité. On peut imaginer que la plupart des collèges de zone verte feront alterner deux jours les 6èmes 5èmes et deux jours les 4ème et 3ème, la journée du mercredi étant réservée à un nettoyage biologique des locaux.
Les lycées restent fermés en zone orange sauf les LP
» A partir du 2 juin, l’ensemble des lycées vont ouvrir avec un protocole sanitaire qui est le même que pour celui des collèges. En zone verte, les lycées généraux, technologique et professionnel vont rouvrir et accueillir progressivement les élèves au moins sur l’un des trois niveaux pour commencer », dit JM BLanquer. « En zone orange, nous sommes évidemment plus prudents. Les lycées professionnels ouvrent aussi, mais ils accueillent en priorité les élèves qui ont besoin de certifications professionnelles, c’est à dire les élèves de terminale et les élèves de CAP. Pour les lycées généraux et technologiques, les élèves sont accueillis sur convocation de l’équipe éducative pour des entretiens individuels et du travail en tout petits groupes ».
Autrement dit, contrairement à ce que dit le ministre , tous les lycées ne rouvrent pas. Seuls ceux de zone verte rouvrent en théorie le 2 juin pour un seul niveau. Mais pas ceux de la zone orange ou seuls les LP sont invités à tenter de récupérer leurs élèves. Ce qui ne sera pas une mince affaire mais le ministre n’en dit mot. Rien n’est dit non plus sur les élèves de BTS ou des classes préparatoires. Dans des déclarations précédentes le ministre souhaitait les faire rentrer. Mais la plupart des établissements devront choisir entre les niveaux…
L’oral de français n’aura pas lieu
Par suite, l’oral de français est annulé. Le ministre le justifie par « les inégalités de préparation » dont lui aurait parlé le CNVL le 27 mai. En fait , à partir du moment où les lycées généraux et technologiques de zone verte ne rouvrent pas, l’examen ne peut pas être tenu. Mais JM Blanquer ne veut visiblement pas être le ministre qui n’ouvre pas les lycées. Il explique par exemple que « les entretiens individuels » auxquels seront (peut-être) convoqués les élèves relèvent de la personnalisation de l’enseignement…
Double défi pour l’Ecole
Dans les trois niveaux, le protocole sanitaire reste en vigueur. « C’est parce qu’on a un protocole strict qu’on évite qu’il y ait des foyers » épidémique, dit JM Blanquer. Il n’est pas question de l’alléger comme certains esprits aventuriers l’ont demandé.
Ecoles, collèges et lycées vont donc se retrouver devant ce défi. Comment accueillir davantage d’élèves dans le cadre du protocole ? Il est clair que le protocole fixe des maximas dans l’accueil des élèves qui sont indépassables.
Il y a les 4 m² nécessaires par élève qui pour le ministère sont compatibles avec la présence de 15 élèves dans une salle de classe ordinaire. JM Blanquer a rappelé ce chiffre de 15 élèves. Mais en réalité la plupart des salles de classe ne peuvent pas accueillir dans le respect du protocole 15 élèves. Il y a la circulation des élèves avec un cheminement d’entrée et de sortie, qui condamne toutes les salles de classe en impasse.
Il y a surtout la capacité de nettoyage dont dispose le directeur ou le chef d’établissement. Il ne peut ouvrir que les locaux qui peuvent faire l’objet d’un nettoyage biologique. Cette contrainte, celle du personnel de la collectivité locale, a peu de chances d’évoluer après le 2 juin. Dans la plupart des écoles , collèges et lycées, on a est déjà au maximum d’ouvertures de salles.
Par conséquent la seule marge de manoeuvre des écoles et établissements va être le roulement entre les élèves. Vu la façon dont le ministère compte le pourcentage d’élèves revenus en classe, il attend visiblement un roulement plus rapide des groupes d’élèves. Ce roulement fera du chiffre, il satisfera la communication ministérielle. Mais il a une limite. A un mois de la fermeture des établissements, faire venir les élèves pour 3 ou 4 heure de français ou 2 heures d’anglais d’ici les vacances n’a pas d’intérêt pédagogique, si ce n’est de renouer le contact. Peu d’élèves retourneront en classe vraiment. Quelques uns seront gardés dans le cadre du dispositif 2S2C improvisé par les communes à la demande du ministre qui les a invité à diminuer leur offre périscolaire. La plupart continueront à suivre un enseignement à distance qui semble s’essouffler à beaucoup d’endroits. La nouvelle « continuité pédagogique » qui se dessine après le 2 juin sera aussi mensongère que celle d’avant.
Les promesses politiciennes et l’Ecole ?
JM Blanquer n’a pas dit grand chose sur la façon dont il espère faire revenir les « 500 000 » élèves qui restent sans lien avec l’école. On sait qu’ils sont nettement plus de 4% en zone prioritaire et dans les LP. Il a évoqué la « mobilisation des assistantes sociales, des élus, des professeurs, des directeurs d’école ». C’est un peu court comme campagne.
Surtout il a promis aux familles qui le souhaitent que leurs enfants seraient accueillis. Or on sait qu’il y a déjà des tensions à ce propos à de nombreux endroits et des parents mécontents que l’école n’accueille pas leurs enfants. Ce mécontentement est aggravé par les nouvelles conditions d’indemnisation du chômage. Avec cette promesse, JM Blanquer a très directement dirigé le mécontentement des parents vers les acteurs de terrain.
Gérer ce mécontentement des parents sera l’autre grand défi des directeurs et des chefs d’établissement. Alors que le confinement a plutôt rapproché parents et enseignants, le ministre joue les uns contre les autres.
Le discours de JM Blanquer est donc très ambivalent. On peut approuver la nécessité de faire revenir à l’Ecole les élèves et particulièrement les enfants défavorisés. Il justifie le déconfinement comme un impératif social. Ce qu’il est. Mais il n’assume pas un réel programme de détection et travail vers les élèves déscolarisés. Surtout JM Blanquer utilise l’Ecole pour sa carrière politique personnelle en n’assumant pas la réalité des conditions de réouverture et en poussant les parents contre les acteurs de terrain.
Premières réactions
Sophie Vénétitay, secrétaire générale adjointe du Snes Fsu, salue, sur France Info, la suppression de l’oral de français, une mesure attendue par les enseignants. Elle a « du mal à voir comment concrètement, dès mardi prochain, dans un collège de zone verte, tous les niveaux, de la 6e à la 3e, pourraient être accueillis ». Philippe Vincent, secrétaire général du Snupden Unsa, le principal syndicat de chefs d’établissement, salue « une reprise symboliquement positive dont les impacts quantitatifs seront nécessairement limités. Elle doit être prioritairement qualitative et donc ciblée vers les élèves qui en ont le plus besoin. Les EPLE et les perdir sauront faire et seront comme d’habitude au rendez-vous ». Du coté des parents on est moins optimiste. Pour Rodrigo Arenas, co président de la Fcpe, « à partir du 2juin, il sera toujours impossible d’accueillir tous les élèves dans les écoles. Les collectivités qui les accueilleront dans les espaces publics en seront de leur poche. Les mieux dotées pourront proposer mieux que les autres ».
François Jarraud