L’oral de français sera t-il facultatif, ouvert aux seuls volontaires ? Edouard Philippe annoncera t-il la réouverture des collèges et lycées le 28 mai ? Les décisions du ministre sont attendues avec impatience par les enseignants et les cadres du système qui n’auraient que quelques jours pour les mettre en oeuvre. Elles seraient prises alors que de nombreuses pressions s’exercent déjà pour la réouverture de tous les établissements et le retour de tous les élèves à l’Ecole.
Des pressions pour le retour des élèves à l’école
Il y a t-il encore une crise sanitaire en France ? On peut en douter tant les pressions sont fortes pour un retour à l’Ecole de tous les élèves. Au bout de deux semaines de déconfinement partiel, alors que 40% des élèves sont encore en zone rouge, des campagnes sont déjà lancées pour la réouverture intégrale.
Pression de parents inquiets de la perte éventuelle du chômage partiel à compter du 2 juin s’ils doivent garder leurs enfants. Passée cette date il faudra une attestation de non scolarisation pour bénéficier de l’allocation. Pression du ministre de l’éducation qui non seulement invite les parents à envoyer leurs enfants à l’école, mais pousse les français à dire aux parents qu’ils doivent le faire ! Pression des maires, un peu partout, pour que les écoles se remplissent. Ainsi à Amiens où le maire a enjoint aux directeurs d’accueillir 50% des élèves. Ou à Reims où le maire annonce dans la presse le retour de la moitié des élèves. Pression des présidents de région, comme R Muselier qui annonce que tout est prêt pour le retour de 200 000 lycéens en PACA. Pression bien sur des milieux économiques qui veulent accélérer le redémarrage des entreprises et qui obtiennent déjà des réouvertures d’activités parfois très risquées.
Où en est on actuellement ?
Le ministre parle de 50% des écoliers retournés en classe, essentiellement en Cp et Ce1. Mais cela n’est possible que là où les groupes alternent. Il ne s’agit pas d’un retour quotidien en classe. Dans le second degré on aurait 20 à 30% des collégiens des régions vertes qui sont revenus, là aussi avec des alternances.
Qui décide ?
Si la décision appartenait au ministre de l’éducation nationale, il est clair que la réouverture des établissements secondaires serait déjà décidée. JM Blanquer n’a pas fait mystère de ses souhaits en ce sens. Il met en avant les dégats, bien réels, causés par la déscolarisation d’une partie des élèves qui ont décroché de l’enseignement à distance.
Mais, après avoir été démenti à plusieurs reprises par le président de la République ou par le premier ministre, JM Blanquer a du être plus prudent dans ses propos. La démonstration est faite qu’il n’a pas le dernier mot sur ces questions. C’est Edouard Philippe qui annoncera le 28 mai à 16 heures ses décisions sur la réouverture des écoles. JM Blanquer devrait apporter des précisions le 29 mai.
Sur quels critères se feraient des réouvertures ?
Des pressions s’exercent pour « assouplir » le protocole sanitaire. Mais JM BLanquer a clairement déclaré que ce ne sera pas le cas. Augmenter le nombre d’élèves par classe ou réduire la distanciation serait dangereux pour les élèves et leur famille. Réduire le nettoyage des locaux, véritable goulet d’étranglement dans les établissements, le serait aussi.
La réouverture ne pourrait se faire que dans le cadre d’une nouvelle carte des régions vertes et de mesures plus générales de déconfinement. Dans les régions où le virus circule encore beaucoup, le gouvernement prendra t-il le risque de rouvrir les collèges ? Ce serait très hasardeux.
Peut-on vraiment augmenter le nombre d’élèves ?
Peut-on réellement augmenter le nombre d’élèves dans les établissements ? Aujourd’hui les écoles et collèges réouverts n’accueillent que 20% environ des élèves environ. Le ministère revendique la moitié des écoliers revenus à l’école. Mais c’est par rotation.
Il serait très difficile d’aller plus loin sans changer le protocole. La principale contrainte qui pèse sur les établissements est le nettoyage des locaux. Chaque établissement ne peut rouvrir que le nombre de salles qui peuvent être nettoyées à fond. Tout dépend donc du personnel d’entretien disponible. Même s’ils sont tous revenus au travail, ce qui est rarement le cas, le nombre de salles est inférieur au nombre habituel car le nettoyage nécessaire prend beaucoup plus de temps.
Un autre problème va se poser. E Philippe donnera sa décision le 28 mai pour une réouverture qui pourrait être effective le 2 juin. Cela laisse 48 heures aux chefs d’établissement pour faire face à tous les problème sliés à la réouverture : s’assurer des élèves et des enseignants qui seront là, fixer le nombre de salles ouvertes, organiser les circulations, établir un roulement des élèves, récupérer le matériel sanitaire. Encore une fois la mesure ministérielle va dépendre de l’engagement complet des cadres de terrain.
L’importance des 2S2C
Par conséquent pour faire revenir les élèves il faut leur proposer des activités hors des locaux scolaires de façon à ce qu’ils alternent école et périscolaire. C’est le but du dispositif 2S2C que JM Blanquer a impulsé. Mais il se heurte à sa politique de modification des rythmes scolaires. En invitant dès 2017 les municipalités à revenir à la semaine de 4 jours il a détruit l’organisation et le réseau d’activités périscolaires mis en place avant 2017. Remonter dans l’urgence des activités de qualité n’est pas facile. Plusieurs municipalité sont néanmoins signé des accords avec les rectorat et vont proposer des activités. C’ets le cas par exemple à Bordeaux, Guingamp ou Vannes.
Vers un oral de français facultatif ?
L’oral de français concerne 527 000 jeunes des bacs généraux et technologiques. Le ministre souhaite maintenir l’épreuve car il y voit une préparation importante à l’oral. En même temps son maintien symbolise la poursuite d’un examen final et pas d’un bac totalement au controle continu. Lors du CSE du 18 mai, l’oral de français a été maintenu comme la seule épreuve en présentiel du bac 2020. En même temps tous les syndicats enseignants (Snes Fsu, Cgt, Sud, Se Unsa, Sgen Cfdt, FO, Snalc) ont demandé la suppression de l’épreuve.
Professeur.es et élèves multiplient les appels au secours. Les professeurs soulignent l’impasse dans laquelle ils sont. Malgré l’allègement du nombre de textes à présenter, beaucoup d’enseignants soulignent que la préparation des élèves à une épreuve totalement nouvelle a été insuffisante. Le temps restant est lui aussi insuffisant pour remédier aux semaines de cours qui manquent. D’autant que les élèves devront alterner si jamais les lycées rouvrent.
» Je ne comprends pas. Vraiment, je ne saisis pas », nous a dit par exemple Marie-Claude Pignol. « Concrètement, nous disposerons, au mieux, de deux semaines pour préparer et entrainer en présentiel les seuls élèves qui voudront bien venir jusqu’à nous. Imaginez qu’on demande à des sportifs de haut niveau, enfermés plusieurs mois chez eux, de s’entrainer intensivement pendant deux semaines avant de reprendre des phases finales : c’est exactement le type d’effort mental qu’on veut exiger de nos élèves. De plus, si nous les retrouvons effectivement en juin, il y aurait tellement mieux à faire qu’un entrainement intensif à l’épreuve orale ! Nous ne savons pas dans quel état ils seront, y compris sur le plan psychique. Ajouter ce stress supplémentaire à ce qu’ils et elles vivent déjà et leur interdire d’utiliser l’espace du cours de français pour faire quelque chose avec cette expérience vécue, les priver des moyens de dire, de lire, d’écrire pour se limiter à les entrainer à une épreuve à toute vitesse et dans l’urgence, je ne veux même pas essayer de faire du sens avec cette idée ».
Le 27 mai, lors d’une visioconférence avec le Conseil national de la vie lycéenne, JM BLanquer a pu constater le refus unanime des représentants lycéens pour cet oral. A deux reprises il a émis une idée neuve. L’oral de français pourrait devenir une épreuve facultative, passée par les seuls lycéens qui le souhaitent.
François Jarraud