« Ils ont besoin de notre présence ». Après un mois d’enseignement à distance et à un mois de la reprise des cours, juste au milieu de cette longue période inédite, où en sont les professeurs de langues ? Evelyne Quilès enseigne l’espagnol dans un lycée professionnel du bâtiment à Toulouse. Ludovic Champion est lui aussi professeur d’espagnol mais dans un collège rural, celui de Saint-Amand de Boixe (16). Tous deux manifestent leurs inquiétudes pour le mois à venir et partagent ce qui a réussi depuis le 16 mars, jour de la fermeture des établissements.
Enseigner avec le smartphone
« Mon objectif principal c’est maintenir le lien ». Evelyne Quilès enseigne dans un lycée professionnel toulousain du bâtiment. « Nos élèves sont souvent dans des situations de grande fragilité sociale », explique t-elle. « Quand on les appelle on leur demande s’ils ont mangé ». Beaucoup vivent en foyer et la plupart n’ont ni ordinateur ni un accès facile à une machine. Encore moins une imprimante.
« Mes élèves ont leur téléphone, et c’est tout ». Elle a donc opté pour une plateforme non officielle, Google Classroom. « J’ai préféré Google Classroom car les élèves ne peuvent pas accéder à l’ENT avec leur téléphone portable. Et Google Classroom est adapté à ce que je leur demande ». Avec cette plateforme, les élèves peuvent utiliser leur téléphone pour observer des vidéos et faire de la compréhension orale, travailler des textes en compréhension écrite. « Je peux donner une consigne à chaque élève et leur faire remplir en ligne un document sans qu’ils aient à imprimer. Ils remplissent des formulaires avec QCM ou texte à trous sur les extraits sonore sou vidéo que j’ai retenus ».
Tours de magie
Malgré cette adaptabilité, une partie des élèves ne donne plus de nouvelles. « C’est très dur pour eux de rester mobilisés dans la solitude du confinement. Ils ont besoin du professeur et e sa présence pour travailler ». Pour les garder en vue, Evelyne Quilès passe beaucoup de temps sur son téléphone pour appeler les élèves un par un et connaitre leur situation.
Durant les congés de printemps elle a donné un travail pas ordinaire. Les élèves doivent observer une vidéo sur un magicien et réaliser un tour de magie. Ils devront se filmer en train de réaliser le tour et envoyer leur vidéo à leur professeure. La magie n’est pas de trop pour garder les élèves jusqu’au 11 mai.
Maintenir le contact avec la classe virtuelle
« Ils ont besoin de contact. Ils aiment la classe virtuelle ». Les collégiens de Ludovic Champion vivent en zone rurale et une partie d’entre eux est en zone blanche et donc dépendante des envois papier faits par le collège.
La grande majorité est fidèle au rendez vous de la classe virtuelle d’espagnol chaque semaine. « Ils apprécient qu’on puisse échanger en direct et ce rapport particulier dans la classe virtuelle, à mi chemin entre le rapport habituel dans la classe et celui que l’on a avec un professeur lors d’une sortie », nous dit L Champion.
Durant le mois écoulé, les élèves ont préparé en amont du cours des exercices et lors du cours la correction est faite en commun. « On fait des exercices d’entrainement su rle tableau blanc. Ils adorent ça », explique t-il.
Chaque classe a une heure de classe virtuelle par semaine. Les enseignants se coordonnent pour établir l’emploi du temps des classes. Entre les classes, les élèves échangent avec leur professeur par courrier. « Parfois c’est 80 mails par jour ».
Ludovic Champion a décidé de lever le pied durant les vacances de printemps. Les élèves n’auront qu’une activité à réaliser en 15 jours.
Pour lui, la rentrée sera « un grand plaisir, celui de se retrouver ». « On va d’abord se retrouver comme en pré rentrée pour discuter sur ce qu’on va faire. Il y a moyen de bien travailler avec les élèves car ils ont davantage conscience d’avoir manqué des cours et que l’école c’est finalement pas si mal ».
Propos recueillis par François Jarraud