Qu’est ce qui motive une ingénieure commerciale ou une analyste à devenir enseignante ? C’est la question que soulève la revue Recherche et formation (n°90) totalement consacré aux reconversions féminines vers l’enseignement. Alors que le malaise enseignant est devenu public et qu’on assiste à une hausse des démissions, le métier attire toujours des femmes. Pourquoi ? On verra que la question a des conséquences sur le métier.
Basé sur des entretiens, l’article de Catherine Négroni (université de Lille) montre le poids des conditions de travail des femmes avant leur reconversion. Notamment le caractère incompatible des carrières de cadre avec la vie de famille, le refus par les entreprises de prendre en compte les grossesses. Pour certaines femmes c’est aussi le refus de l’entreprise au profit de la vie familiale. « Les choix auxquels sont soumises les carrières des femmes sont toujours des choix dans des espaces de contraintes qui sont inféodés aux exigences de flexibilité des entreprises du secteur privé. Elles imposent des conditions de travail et des attentes en termes d’implication qui sont parfois difficilement supportables par les femmes dès lors qu’elles ont la charge d’un enfant. Ces conditions vécues par les femmes amènent certaines d’entre elles à se réorienter vers l’enseignement », écrit-elle. Ce serait donc un choix contraint lié à la condition féminine, une situation très genrée.
Herilalaina Rakoto-Raharimanana et Noëlle Monin nuancent cette vision à travers leurs propres entretiens d efemmes qui optent pour devenir professeures des écoles. Elles montrent que si l’accès au métier enseignant est parfois vécu comme un choix par défaut il est souvent présenté comme une bifurcation souhaitée. Les chercheuses se sont intéressées à la période de choix de reconversion qui est souvent vécue comme une période d’inconfort professionnel où la future enseignante découvre que con métier ne l’intéresse plus. Dans les déclencheurs il peut y avoir des événements professionnels mais aussi des événements personnels comme une naissance ou un arrêt de travail. Enfin elles restituent aussi l’intérêt porté au métier par ces femmes en partie parce que c’est un métier traditionnellement féminin. « Ces personnes se sont retrouvée sà un moment donné dans une forme de marginalité professionnelle… L’entrée par la reconversion professionnelle montre tout le travail de qualification positive du métier d’enseignante grâce à l’accès à un monde du travail où on ne subit plus des contraintes hiérarchiques et temporelles ressenties comme pesantes ». Voilà donc de nouvelles enseignantes qui vivent mal les injonctions.