Alors que de nombreux enfants étaient déjà exclus de l’éducation en France, notre inquiétude est grande car la crise du coronavirus risque d’aggraver les inégalités.
Enseignants, enfants, familles ils doivent tous s’adapter à ce contexte particulier. Pour les enfants non scolarisés, cette crise les plonge un peu plus dans l’exclusion, alors qu’ils doivent être protégés comme tous les enfants. Pour les enfants défavorisés, le risque de rupture éducative est accru. Dans ce contexte, de nombreux enseignants se mobilisent pour accompagner au mieux les élèves à distance. Nombre d’entre eux sont très inquiets cependant : décrochage scolaire, multiplication des offres éducatives parallèles. Il est donc urgent de rappeler l’importance de suivre les instructions pédagogiques des enseignants et du Ministère, car l’éducation est un métier.
Les enfants défavorisés, premières victimes de la crise
Dans notre pays, le droit à l’éducation n’est pas garanti pour tous. Près de 100 000 enfants ne sont pas scolarisés, en particulier les mineurs isolés, les enfants du voyage, les enfants habitant des squats et bidonvilles, ceux pris en charge par le SAMU social ou logés en hôtels. Dans les territoires d’outre-mer, désormais eux aussi touchés par le virus, de nombreux enfants étaient déjà non scolarisés, car vivant en habitat précaire…certains de parents sans-papiers victimes d’un déni de leur droit à l’éducation.
Les enseignants en première ligne pour assurer la continuité éducative
Nous avons une pensée particulière pour l’ensemble des personnels éducatifs en première ligne au début de cette crise: nous savons les risques qu’ils ont pris et l’abnégation dont ils ont fait preuve pour informer et protéger les enfants et les écoliers. Aujourd’hui, les animateurs socio éducatifs, ceux qui prenaient en charge les loisirs et le péri éducatif sont au chômage technique et aussi de nombreux acteurs éducatifs associatifs, nous pensons aussi à eux. Ils assuraient la véritable continuité éducative au quotidien. Nous pensons également aux équipes de l’Aide Sociale à l’Enfance qui ne connaissent pas de pause, avec les enfants et les jeunes dont ils ont la charge.
Dans ce contexte, les enseignants sont sommés de s’adapter et d’accompagner au mieux “à distance” les élèves et les familles. Beaucoup confient dores et déjà leur désarroi face aux enfants qui n’ont pas de connexion internet, d’imprimante…qui vivent dans des conditions précaires ou simplement dont les parents sont déjà pris par leur travail, certains assurant les services essentiels à la Nation face à la pandémie. Rappelons que plus d’un million d’enfants et de jeunes vivent dans une famille en grande pauvreté. Dans ce contexte, les inégalités risquent de se renforcer et les enfants les plus défavorisés seront les moins assurés de cette “continuité pédagogique”…
Nous souhaitons rappeler qu’enseigner est un métier dont les compétences et la qualification font toute la qualité des apprentissages. Nous encourageons les parents à suivre les consignes ministérielles, les cours sur le CNED et sur France 4, à suivre les correspondances avec les professeurs via les ENT ou les sites des établissements. Il est également important de prendre du recul : réinventer la vie en famille, jouer ensemble, converser davantage, prendre le temps de s’apaiser alors que le monde à l’extérieur est bouleversé…et ne pas se focaliser uniquement sur le suivi du “programme scolaire”.
C’est une responsabilité éducative pour nos enfants qui vivent aussi ce moment anxiogène et incertain. Re-questionnons le sens de l’éducation : elle doit amener de la stabilité, du lien humain. Elle ne se limite pas aux manuels scolaires ni à l’école.
La marchandisation de l’éducation, un risque accru
Dans cette crise sanitaire exceptionnelle, on mesure bien toute l’importance du service public et de l’ensemble de ses agent·es. personnels soignants, travailleurs sociaux, éducateurs …L’éducation publique gratuite de qualité pour toutes et tous doit rester un droit et nous veillerons à son respect.
La situation actuelle ne doit pas être un prétexte pour les Etats, garants du droit à l’éducation, de réduire leurs exigences, ni une aubaine pour des organismes opportunistes de vendre des programmes éducatifs, des abonnements à des sites scolaires ou à des dérivés d’outils formatifs. Des entreprises déjà multiplient les publicités auprès des parents inquiets pour les convaincre de recourir à leurs services.
Il est dans ce contexte notre devoir de rappeler que l’Etat et le Ministère de l’éducation (pour rappel, qui donne également des agréments à des organismes de confiance) ont donné des consignes aux enseignants qui restent les véritables prescripteurs de cet enseignement exceptionnel à distance. Les parents d’élèves doivent être vigilants face aux sirènes commerciales et au pseudo sites scolaires. L’éducation, c’est un métier !
L’essentiel aujourd’hui n’est pas la continuité pédagogique mais bien la continuité du lien social pour les élèves et tous les enfants, en essayant, dans la mesure du possible, de protéger les plus vulnérables, premières victimes des décrochages. C’est notre co-responsabilité éducative.
Carole Coupez,
déléguée générale adjointe à Solidarité Laïque
Solidarité Laïque est une association reconnue d’utilité publique qui agit pour l’accès à une éducation publique et de qualité dans plus de 20 pays, dont la France. Forte de ses 50 organisations membres (syndicats enseignants, mutuelles, associations, fondations et coopératives), elle lutte contre les inégalités, le droit à l’éducation et à l’émancipation de toutes et tous.