Comment les enseignants de sciences de la vie et de la Terre réussissent-ils à expliquer les notions clés du programme aux élèves ? Entre visioconférences, quiz en ligne, fiches à compléter et même travaux-pratiques à la maison, les méthodes sont nombreuses pour garder ce précieux lien qui unit enseignant et apprenant. Damien Vallot, Lucie Pelrat, Grégory Michnik et Philippe Cosentino présentent leur quotidien pour faire travailler les élèves en temps de confinement. Ces professionnels de l’éducation glissent aussi leurs conseils pour « éveiller l’envie et la curiosité » mais aussi pour « ne pas surcharger les élèves ».
Damien Vallot, enseignant de SVT au collège Jules Verne de Villebon sur Yvette (91)
Avec la direction et les collègues, nous avons privilégié 3 éléments pour la continuité pédagogique : Pronote et leur ENT qui sont des éléments que les élèves maitrisent et l’utilisation de la classe virtuelle du CNED dans « Ma classe à la maison ». Côté professeur, nous avons réalisé des visioconférences pour faire un point entre nous, partager nos différents points de vus et remarques.
Actuellement, avec les 6e, nous terminons la séquence sur la production d’aliments transformés à l’aide de micro-organismes et les techniques de conservation. J’ai envoyé une fiche où ils doivent décrire une expérience sur la production de gaz par les levures. Pour les 4e, je termine la séquence sur le fonctionnement des appareils reproducteurs. Ils ont une vidéo sur le site Corpus (Réseau Canopé) à visionner et répondre à différentes questions.
Des conseils à donner ?
Ne pas surcharger en travail les élèves. Ce n’est pas évident pour les élèves de s’adapter et on ne peut demander à rendre le jour même un travail. Il faut penser qu’il n’y a qu’un ordinateur de disponible pour certaines familles et que celui-ci est aussi pris par les parents pour leur télé-travail. On sait également que certains élèves ont leurs parents qui travaillent et ne sont pas disponibles pour les suivre.
Malgré les problèmes de connexions et la surcharge des serveurs, de nombreux services ont lâché (notamment notre ENT) mais ce n’est pas une raison pour mettre de côté la RGPD dans le choix des outils utilisés. Il ne faut pas céder à la tentation de rejoindre Instagram, WhatsApp ou Discord pour assurer la continuité pédagogique.
Lucie Pelrat, enseignante de SVT au collège d’Istrie de Prayssac dans le Lot
Pour notre collège, nous passons par l’ENT principalement. J’ai choisi de remplir mes séances comme d’habitude, avec « le travail à faire » en contenu de séance et « pour aller plus loin » en devoirs, facultatif – selon leur envie et curiosité.
Par exemple, niveau 5°, nous commencions les modes de reproduction des êtres vivants. Avant le confinement nous avions observé les cellules reproductrices au microscope. Pour les deux prochaines séances , ils ont un travail à partir d’un ensemble de documents. L’idée est de retrouver les mots clés et qu’ils ressentent la « généralisation » des mécanismes…
Pour la reproduction des animaux, les collégiens doivent réaliser une carte mentale avec une partagée sur mur virtuel ; et pour la reproduction des plantes à fleurs : réalisation d’une carte mentale par eux-mêmes. Pour aller plus loin, je propose la dissection d’une fleur de Forsythia ou de jonquille. Je les invite à observer à la loupe une coupe qu’ils auront fait eux-mêmes dans un ovaire de jonquille, tulipe ou lys. Les photos sont ensuite partagées à la classe. En ouverture, ils peuvent rechercher dans leur jardin des plantes qui profilèrent sans faire de fleurs.
Niveau 6° : les besoins des plantes vertes sont abordés en classe. On a réfléchi à des hypothèses. Je vais leur demander de faire l’expérience « Témoin » et le « test » de leur choix, d’après leurs hypothèses.
Niveau 4° : nous étudions l’organisation du vivant pour répondre aux besoins des cellules -chez les végétaux
Avec un TP réalisable chez eux : il s’agit de la mise en évidence de l’évapotranspiration (buée dans sac plastique), poussée racinaire avec colorant (céleri, lys, tulipes…). Au retour en classe, nous pourrons nous poser la question de comment sort l’eau des feuilles.
Grégory Michnik, enseignant de SVT au lycée de l’Escaut à Valenciennes (59)
Je pratique régulièrement la classe inversée. Je transpose donc cela à la maison en mettant à disposition des élèves : un plan de cours, des capsules vidéos, des documents et diaporamas et des tests en ligne. Ils ont ensuite beaucoup de temps à leur disposition pour construire le cours en toute autonomie en d’auto-organisant. Je suis enfin présent plusieurs fois par semaine, présent en classe virtuelle pour aider, accompagner et répondre aux questions des élèves qui le souhaitent. Les créneaux de disponibilité en ligne correspondent aux heures de rencontre en classe dans l’emploi du temps. Dans les semaines qui vont suivre je leur donnerai des exercices d’entraînement, des défis ludiques à essayer de réaliser en rapport avec le cours qu’ils ont construit.
Quels outils utilises-tu ?
L’ENT en priorité lorsqu’il est disponible, Classroom en solution de secours, la classe virtuelle du CNED. En ce qui concerne la réalisation de capsules vidéos : je fais du screening à partir des diaporamas que je donne aux élèves avec Screencast-o-Matic que je mets en ligne sur un Drive. Enfin, j’utilise Genially pour mettre à disposition de belle façon toutes les ressources.
Quelles séquences fais-tu actuellement ?
En TS, nous commençons la convergence lithospherique. J’aimerais tenter un TP à distance reposant sur Tectoglob 3D, le logiciel Chef d’œuvre de Philippe Cosentino.
En Seconde, je suis dans la continuité du plan de travail sur la procréation et la sexualité humaine que nous avions commencé avant le confinement. Les élèves ont une semaine pour réaliser un TP incluant l’observation d’IRM cérébrale.
Curieusement, je constate un fort enthousiasme des élèves qui d’habitude sont assez en difficulté d’habitude en Seconde. En Terminale, les élèves sont conscients des enjeux et sont presque tous très impliqués et sérieux dans la construction de leur cours. J’ai déjà eu des retours très encourageants.
Des conseils à donner ?
Donner du temps aux élèves, leur donner la possibilité de s’organiser, de d’auto-discipliner et leur faire confiance. Éviter de mettre de la pression en leur demandant de rendre des travaux dans l’heure et leur donner le droit à l’erreur, la situation de confinement est déjà suffisamment difficile comme cela. Avoir beaucoup de patience concernant la maîtrise des outils de communication et avoir conscience de la fracture numérique, être à l’écoute des difficultés. Je pense vraiment que ce n’est pas une situation où il faut essayer de faire un cours comme on pourrait le faire en classe. On a l’occasion rêvée pour faire développer d’un coup, chez toute une génération d’élèves, l’autonomie dans le travail.
Philippe Cosentino, enseignant de SVT au lycée Rouvière à Toulon (83)
J’utilise l’ENT pour contacter les élèves et les parents, je mets tous mes devoirs sur Pronote. Mes cours sont sur Moodle (comme le reste de l’année), ainsi que les documents utilisés. Pour mes cours en visioconférence, j’utilise l’outil « classe virtuelle » du CNED.
Quelles séquences fais-tu actuellement ?
Hélas je n’utilise que des outils numériques, tels qu’EduAnat2, dont nous sommes sur le point de diffuser une version « en ligne » pour que les élèves puissent l’utiliser sans installer le logiciel. Je donne aussi des exercices, et des « devoirs maison », en prenant garde de ne pas les « surcharger ». Enfin, je m’interdis d’évaluer quoi que ce soit. D’une part ils ont assez de pression comme ça, et d’autre part cette évaluation serait trop biaisée (les élèves mutualisant leurs réponses etc… )
Quels retours des élèves ?
Les élèves étaient ravis de pouvoir m’entendre répondre à leurs questions, de sentir un lien social de type « classe », entre eux et avec le professeur. Ils ne voulaient pas que je désactive ma caméra. Plusieurs m’ont confié en privé que trop d’enseignants les ensevelissaient sous des devoirs alors que ce dont ils ont le plus besoin c’est de réponses à leurs questions, d’explications et de pédagogie en direct ou en différé. Certains se sentent isolés, voire abandonnés, et souhaiteraient pouvoir échanger plus facilement avec leurs enseignants, sans être obligés de passer par la messagerie de l’ENT pas assez réactive.
Des conseils à donner ?
Ne pas trop « charger » les élèves de devoirs, être à leur écoute, les inviter à échanger avec les enseignants, a minima via la messagerie de l’ENT, leur proposer des vidéos de soutien. Ne pas se mettre Martel en tête, un devoir par semaine suffit, inutile de corriger chaque travail individuellement (il faut par contre leur fournir une correction très détaillée, voire le corriger en visio). Idem pour la visio, un rendez-vous « visio » par classe, de 1h, par semaine, c’est déjà très bien.
Propos recueillis par Julien Cabioch
Dans le Café
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