Intervenant le 20 mars longuement sur BFM, le ministre de l’éducation nationale a pris le risque d’inviter les parents à venir chercher des documents pédagogiques en plein confinement. Il a également déclaré que les masques sont inutiles pour les enseignants qui accueillent des enfants de soignants. Ces déclarations sont suivies d’effets dans les académies où on fait parfois peu de cas de la santé des enseignants. Autre motif d’inquiétude : les déclarations contradictoires du ministre sur les congés d’été. La FSU saisit le premier ministre.
La sécurité des enseignants menacée
JM Blanquer a-t-il compris les consignes gouvernementales ? Amené à se contredire de façon répétée depuis le 12 mars, le ministre de l’éducation nationale a fait à nouveau peu de cas, le 20 mars sur BFM, des consignes de confinement données par le gouvernement.
Interrogé sur la sécurité sanitaire des professeurs qui accueillent des enfants de soignants, le ministre se dit « très attentif à ce que les conditions soient les meilleures possibles ». Mais les précautions qu’il présente se limitent à du savon et de petits groupes d’élèves (10 au maximum). « Normalement ça doit permettre la distance nécessaire entre les élèves et le professeur », assure t-il. « Les autorités sanitaires disent que le masque n’est pas utile dans ces circonstances », ajoute –il.
Quelques minutes plus tard, répondant à une mère de famille, le ministre l’invite à venir chercher des documents pédagogiques à l’école. Il invente un nouveau cas de dérogation. « Si vous cochez le 4ème cas c’est un motif familial impérieux d’aller chercher le travail des enfants », affirme t-il.
Ces propos ont des conséquences concrètes sur le terrain. Pour les enseignants volontaires qui accueillent les enfants de soignants (et bientôt de policiers si on en croit le débat sur la loi d’urgence), qui peuvent aussi être parfois des enseignants d’astreinte. Compte tenu de l’impréparation du pays à la pandémie , ils vont rester sans protection individuelle alors qu’ils accueillent des enfants dont les parents sont très exposés. Rappelons que le premier mort français du Covid-19 était un enseignant.
Les propos de JM Blanquer sur l’accueil des parents dans les écoles pour venir chercher des documents pédagogiques sont mis en pratique dans certaines académies. Dans l’académie de Toulouse, des directeurs d’école ont reçu la consigne d’assumer des permanences pour que des parents puissent venir chercher des documents pédagogique avec une durée d’exposition d’une heure. Dans plusieurs académies, par exemple Montpellier, le rectorat demande aux directeurs et directrices d’école de signer une attestation « maison » pour autoriser les familles à se déplacer. Les directeurs endossent ainsi la responsabilité d’une attestation très contestable.
Tout cela contredit le discours gouvernemental sur le confinement et fait prendre des risques réels aux enseignants.
La Fsu saisit le 1er ministre
C’est ce qui motive la saisie, par la FSU, du premier ministre. Dans une lettre du 21 mars, Benoit Teste attire son attention « sur quelques points problématiques et qui le deviennent davantage suite aux interventions du ministre de l’éducation nationale dans les médias qui ne sont rien d’autre que des injonctions paradoxales comme celle d’inciter enseignant.es et familles à se déplacer pour échanger les exercices ou « devoirs ». Ces interventions sont également relayées dans l’enseignement agricole et maritime où elles posent les mêmes problèmes ».
«Dans de trop nombreux cas », écrit B Teste, « les personnels sont soumis à des injonctions qui entrent en contradiction avec la priorité à la sécurité sanitaire que vous avez préconisée. Des personnels sont encore soumis à des pressions et se voient encore aujourd’hui appelés à travailler dans les écoles, établissements ou services alors que rien ne justifie leur déplacement au regard des tâches essentielles de continuité de service… D’autres sont invités à donner rendez-vous aux familles dans les commerces pour remettre des photocopies, etc… Il est d’ailleurs ubuesque que des agents publics se voient ainsi sommés par leur hiérarchie de contribuer à contourner les règles qui structurent le confinement… Nous vous demandons que les personnels de l’EN, de l’enseignement agricole et maritime et des collectivités territoriales bénéficient des protections nécessaires et que des préconisations claires leur soient adressées, contrairement à ce qui s’est fait jusqu’alors : quand leur présence ne relève pas d’une absolue nécessité et d’une immédiateté justifiée par l’organisation concrète de la continuité du service, pour l’organisation de l’accueil des enfants de soignants ou pour toute autre mission de soutien aux soignants, les personnels ne doivent pas être sommés de se rendre sur leurs lieux de travail mais recevoir l’ordre de rester confinés chez eux, soit en télétravail, soit en autorisation spéciale d’absence », écrit-il.
Le doute entretenu sur les congés d’été
La FSu demande aussi « des clarifications sur la manière dont la fin d’année est envisagée et dont la préparation de rentrée s’organise ». Après avoir déclaré le 18 mars que le calendrier scolaire pourrait être bouleversé, JM Blanquer dit dans Le Parisien du 22 mars que « le scénario privilégié (est) un retour en classe le 4 mai ».
Entre temps, le 20 mars, il dit que la situation « ne devrait pas l’amener à supprimer.. pardon à changer les vacances d’été.. Je vais m’efforcer de garder les délais prévus pour le brevet et le bac en juin », ajoute-il . Il annonce qu’il s’exprimera là dessus à la sortie du confinement. Et il annonce des modules de rattrapage durant l’été, dispositif qui existe déjà.
Le ministre, là aussi, entretient le doute et parle de « scénario » ou au conditionnel, comme si la question n’avait rien à voir avec l’engagement actuel des enseignants. Le Se Unsa a aussi réagi aux propos ministériels : « Personne ne sait ce que sera l’ampleur de la crise, ses conséquences et les mesures qu’il faudra prendre pour y remédier mais le SE-Unsa rappelle qu’actuellement les personnels de l’Éducation nationale, comme tous les salariés qui le peuvent, travaillent et participent à la gestion de cette crise inédite. Ils le font dans des conditions et une intensité qui nécessiteront de pouvoir récupérer pleinement. Le ministre doit se porter garant du maintien des vacances scolaires de printemps et d’été ».
F Jarraud