Il aura fallu trois jours à l’éducation nationale pour donner des consignes claires et conformes aux consignes gouvernementales. Après les propos de JM Blanquer le 13 mars, où il prévoyait que la moitié des enseignants soient dans les écoles et établissements à partir du 16 mars, le 14 mars le ministre annonçait encore que 10% des enseignants auraient à venir. Finalement il a fini par prendre en compte les consignes claires données par le premier ministre le 15 mars en fin d’après-midi. Dans une lettre aux recteurs et dans la FAQ mise en ligne sur le site du ministère, JM Blanquer revient sur tout ce qu’il a dit. Ne doivent venir dans les écoles et établissements que des enseignants volontaires pour accueillir les enfants des soignants, là où il y en a.
Clarification à quelques heures de lundi
Le 15 mars en fin d’après-midi, le ministre a accordé ses propos avec ceux du premier ministre. Dans une lettre aux recteurs, il lâche « notre priorité est de garantir la sécurité et la santé des personnels. Les consignes sont donc claires : les déplacements, les réunions, les contacts doivent être limités ; le télétravail doit être prioritairement utilisé, partout où cela est possible et sous réserve bien entendu du maintien de la continuité des fonctions essentielles dans chaque service… Dans les écoles et les établissements, seuls les personnels absolument nécessaires seront présents et seules les réunions indispensables pourront avoir lieu. Les autres réunions doivent être reportées ou réalisées par audio ou visio-conférence. Il s’agit notamment des conseils de classe, des conseils d’administration, des conseils d’école ainsi que les réunions nécessaires à l’organisation de la continuité pédagogique. La continuité pédagogique est assurée uniquement à distance, via le bouquet d’outils numériques sécurisés (Cned, ENT, logiciels de vie scolaire) et sous format papier si les familles ne disposent pas d’un matériel informatique adéquat… Lundi, les seuls personnels présents dans les établissements seront donc ceux dont la présence est indispensable notamment pour l’ouverture et la sécurité des locaux, l’information des familles et des élèves et pour l’accueil des enfants des personnels soignants ». Ceux-ci ne pourront être que des volontaires.
Enfin en ce qui concerne les examens et concours, « ils sont reportés jusqu’à nouvel ordre, y compris pour ceux qui devaient avoir lieu demain lundi ».
La FAQ ministérielle est mise à jour. Elle évoque le cas des conseils de classe et de parcoursup. Les conseils de classe sont en effet nécessaires pour renseigner les dossiers des candidats de parcoursup avant le 2 avril. Ils sont maintenus mais organisés à distance via l’ENT ou le téléphone. Les bulletins scolaires doivent être faits et les avis des équipes pédagogiques portés dans Parcoursup, ce qui peut être fait à distance.
Il faut espérer que ces nouvelles consignes soient parvenues à tous les enseignants et qu’aucun ne prenne le risque des transports en commun en vain.
Un ministre dépassé par les événements
Le 12 mars, JM Blanquer affirmait que la fermeture des écoles n’était pas envisagée… jusqu’à ce que le président de la République annonce leur fermeture jusqu’à nouvel ordre le 12 mars au soir. Le 14 mars, rebelote. Le ministre de l’éducation nationale annonce dans l’après-midi que « le principe c’est que les adultes sont au travail… C’est le chef d ‘établissement qui décide », dit-il. « Un professeur qui a une raison de ne pas venir (parce qu’il est malade ou a des enfants à garder) le fait valoir. La moitié des professeurs en permanence dans les établissements c’est une moyenne. Chaque chef d’établissement a besoin d’une équipe pour assurer le fonctionnement de l’établissement », dit JM Blanquer. Le ministre « peut concevoir que certains soient en télétravail certains jours et présents à d’autres moments ». Il maintient le droit pour la hiérarchie d’organiser des réunions dans les établissements. On notera que la circulaire de la Dgesco du 13 mars n’a pas validé les paroles ministérielles. De façon étonnante, elle laisse cette question de côté…
Dès le 14 mars au soir, JM Blanquer est contredit par le premier ministre. E. Philippe annonce de nouvelles mesures de lutte contre la pandémie. « L’immense majorité des scientifiques dit que la meilleure façon de freiner l’épidémie c’est la distanciation sociale… On doit impérativement limiter les déplacements et les contacts. Ça s’applique dans les entreprises et les administrations qui doivent lundi engager l’organisation massive du télétravail ».
La matinée du 15 mars, JM BLanquer court les médias pour revenir sur ce qu’il a dit la veille mais tout en maintenant le plus possible d’enseignants dans les établissements. Sur France Info, le ministre de l’éducation nationale dit que « c’est le chef d’établissement ou le directeur ou la directrice (qui) sont en situation de piloter qui vient et qui ne vient pas. Les choses vont se passer sur un mode consensuel.. Le chef d’établissement ne fera venir que le strict minimum, le but n’est pas de faire venir qui que ce soit, pour le principe de venir, certainement pas ». Pour lui 5 ou 6 professeurs sur 70 seraient suffisants. Et puis il maintient les examens et concours. « Nous avons considéré que ces types de concours sont beaucoup trop importants pour les personnes concernées pour les reporter. Par contre, on va être d’une très grande vigilance sur les conditions de passation ».
Souvenirs inoubliables
Du 12 au 15 mars, JM Blanquer a tenu des propos qu’il devait contredire dans les heures qui suivaient. Il s’exprimait comme s’il n’était plus tenu informé des décisions du gouvernement. Pire encore, en invitant les enseignants à aller dans leurs écoles et établissements alors que le premier ministre le déconseillait, il a donné l’impression de faire peu de cas de la santé des enseignants face à une épidémie d’une grande gravité.
Vendredi, samedi et encore dimanche, les enseignants ont reçu des messages différents des recteurs et de leur hiérarchie immédiate. Ils ont vu la réticence qu’elle mettait à leur dire de ne pas venir dans les écoles et établissements alors que la gravité de la pandémie exige que l’on reste chez soi. À de nombreux endroits, les recteurs, les inspecteurs ou les chefs d’établissement ont convoqué pour lundi l’ensemble du personnel. Tout cela a finalement été annulé dimanche 15 mars seulement.
Les enseignants vivent aussi l’impréparation de leur ministère. Alors qu’on allait vers la fermeture générale et que c’était clair au moins depuis le 5 mars, il aurait été possible de familiariser les élèves et les enseignants aux outils de l’enseignement à distance pendant une semaine, au moins là où le matériel le permet. Il aurait été possible partout de roder la communication avec les parents. Rien n’a été fait en ce sens puisque le discours officiel était que la fermeture était exclue. Cette semaine a été perdue. Maintenant les équipes se débrouillent comme elles le peuvent pour faire face à la situation.
Durant ces 3 journées, à l’angoisse qui a touché généralement la population, les enseignants ont pu ajouter celle résultant du jeu de leur institution avec leur santé. Ils ont vu les ordres et les contrordres se succéder heure par heure. Ils ont vu comment on s’ingéniait à les maintenir en établissement malgré les risques. Des souvenirs inoubliables.
François Jarraud
Le 15 : JM Blanquer et ses contradictions
La lettre aux recteurs du 15 mars
La FAQ ministérielle mise à jour
Coronavorus : Notre Dossier : instructions, ressources, société