Qu’entraine la décision gouvernementale de faire passer sa loi sur les retraites à l’Assemblée en usant de l’article 49.3 ? Cette accélération subite a tout de suite été accompagnée de l’annonce d’une consultation des enseignants par leur ministre. En effet, il y a urgence à détourner l’attention des enseignants de la modification importante de leur contrat de travail qui est en train de se faire en accéléré avec le 49.3. Tout simplement parce qu’ils sont les principales victimes de la loi retraites. Très mal rémunérés, les enseignants vont voir cette semaine se mettre en place un nouveau système qui rogne de façon importante leur retraite et les condamne à une médiocre vieillesse. Une consultation peut-elle occulter cela ?
Une consultation liée à la loi retraites
Le 2 mars les organisations syndicales sont invitées à prendre connaissance de la consultation qui sera adressée aux enseignants par le ministère. Cette invitation des syndicats est faite dans le cadre « du chantier de la réforme des retraites ».
Le 29 février, le gouvernement a engagé sa responsabilité sur le texte du projet de loi retraites en application de l’article 49 alinéa 3 de la constitution. Cet article permet de faire adopter un texte sans discussion à l’Assemblée, les députés votant seulement pour ou contre le renversement du gouvernement.
Le gouvernement a la possibilité de modifier le texte du projet de loi et il ne s’en est pas privé. Ainsi, dans le texte soumis à la procédure du 49.3, les alinéas 14 et 15 de l’article 1, ceux qui prévoient une loi de programmation sur la revalorisation des enseignants, sont retirés. Ils se retrouvent dans un nouvel article 1bis. Cette disposition respecte l’amendement extraordinaire adopté par l’Assemblée le 24 février. La majorité a adopté cette modification en sachant que cet article 1bis sera annulé par le Conseil constitutionnel. Le gouvernement, qui sait aussi ce qu’il en est depuis l’étude d’impact réalisée par le Conseil d’Etat, agit de même. Il fait donc une promesse solennelle aux enseignants en sachant qu’il en sera libéré par le Conseil constitutionnel dans quelques mois.
Deux ans et demi de promesses
La situation présente est très éclairante sur les intentions du gouvernement. Depuis 2 ans et demi , le ministre de l’éducation nationale promet de relever les salaires mais agit en sens contraire. Après le gel du point dès l’arrivée du nouveau gouvernement , ce sont les accords de revalorisation PPCR qui ont été gelés une année. Le flot des promesses a enflé sans que les enseignants ne voient rien venir si ce n’est le jour de carence.
Depuis 4 mois, des discussions ont lieu sur cette revalorisation. Le premier ministre a parlé de 10 milliards puisque c’est l’augmentation de la masse salariale nécessaire au maintien des retraites des enseignants. Puis on a promis 500 millions pour 2021. Finalement le montant réel de la revalorisation s’avère être seulement de 200 millions : une somme moins importante que la revalorisation liée aux accords PPCR pour l’année de gel de 2018. Le reste c’est du travail supplémentaire exigé des enseignants à un taux horaire inférieur à leur salaire normal.
Les enseignants au pied du mur
Alors l’annonce du 49.3 alors que rien d’officiel n’est fait pour une revalorisation qui n’existe que dans des promesses, pourrait ouvrir les yeux des enseignants. L’application de la loi retraite c’est très concrètement leur retraite amputée d’un quart. JM Blanquer sort alors de sa poche l’annonce d’une grande consultation des enseignants.
FO, qui ne se rendra pas à la réunion du 2 mars, parle de « véritable provocation ». La FSU « s’indigne de l’utilisation du 49.3 pour faire passer sans débats à l’Assemblée nationale la loi retraites ». La FSU « appellera à de nouvelles initiatives ». Des syndicats locaux de la FSU ont déjà pris l’initiative de manifestations un peu partout dans le pays. Laurent Escure, secrétaire général de l’Unsa, annonce que l’Unsa « va examiner le nouveau texte intégrant 180 amendements. Pour la Cfdt, « le gouvernement a décidé d’actionner la procédure du 49.3 et d’engager sa responsabilité sur le projet de loi de réforme des retraites. C’est son choix. La Cfdt déplore que les débats n’aient pu se tenir jusqu’au bout. La multiplication stérile d’amendements sans aucun intérêt tout comme le recours au 49-3 sont deux stratégies politiques qui n’offrent pas de perspectives aux travailleurs… Le gouvernement doit.. intégrer ce droit à une réparation en cas de pénibilité comme il doit répondre aux agents des trois fonctions publiques qui ont peu ou pas de primes afin qu’ils aient la garantie que le nouveau système n’engendre pas une baisse de leurs pensions ».
En réalité les enseignants sont au pied du mur. De tous les salariés ils sont ceux qui ont l eplus à perdre avec cette loi puisqu’on va à la fois diminuer leur retraite et leur imposer « un nouveau métier » c’est à dire du travail supplémentaire encore plus mal payé. Promenés depuis des mois par leur ministre de promesse en promesse, ils ont vu leur principal fédération syndicale, la FSU, exclue des négociations sur les retraites ce qui était déjà un signal clair. Ils voient maintenant se refermer sur eux la loi retraites. Vont ils se contenter d’une « consultation » ?
François Jarraud
Le texte gouvernemental et les deux motions de censure
L’Assemblée adopte le vrais faux engagement de revalorisation