Professeur de français à Montreuil au lycée d’arts appliqués Eugénie Cotton, Philippe Maurel a invité ses élèves à réaliser des affiches pour la pièce de Musset « On ne badine pas avec l’amour ». La mission était d’éclairer le propos de l’œuvre par un travail visuel. Dans cette écriture d’appropriation plastique, les créations soulignent les oppositions entre les personnages, mettent en évidence des éléments significatifs de la pièce, cherchent à « symboliser les dangers ou les fragilités du sentiment amoureux »… Explications de Philippe Maurel sur les enjeux et les productions des élèves …
« Alors, en plus de transmettre à mes élèves des connaissances et des outils littéraires, je cherche d’abord à leur permettre une lecture sensible des œuvres que nous étudions. Passer par des réalisations plastiques peut-être une manière d’y parvenir. Je travaille à Montreuil dans un lycée d’arts appliqués ; tous mes élèves, secondes ou premières, préparent un bac STD2A, ils sont donc plutôt enclin à apprécier les activités plastiques mais ne sont pas toujours aussi doués qu’on pourrait le penser ; je pense que d’autres élèves de filières générales, technologiques ou professionnelles pourraient pratiquer le même type d’activités. Parfois, mes collègues d’arts appliqués interviennent pour les aider à réaliser ce que je leur demande mais pas systématiquement.
Au début de l’année de seconde, dans le cadre de l’objet d’étude sur « récits et romans », je leur avais déjà demandé de réaliser des cartes de jeux (type cartes pokémon) correspondant à certains personnages des « Liaisons dangereuses » alors que nous avions entamé un parcours de lecture. Il s’agissait, en plus d’en réaliser les portraits, d’attribuer à chacun personnalités, caractères et pouvoirs, en sachant qu’on avait essentiellement travaillé sur le style et les armes linguistiques de chacun. C’était plutôt une réussite.
Avant les vacances de Noël, on s’est lancé dans une lecture intégrale d’« On ne badine pas avec l’amour ». J’ai choisi cette pièce parce que c’est une pièce singulière dans le répertoire, avec un chœur, ce qui permet donc de questionner la nature et les origines du théâtre, mais aussi parce qu’elle traite des sentiments amoureux chez deux jeunes gens. Rapidement, les élèves se sont orientés vers deux lectures : l’une privilégiait l’opposition entre la foi de Camille et la rationalité de clerc de Perdican, l’autre les craintes de Camille et les dangers de l’amour.
En cours de séquence, je leur ai demandé de réfléchir, puis de réaliser une affiche pour la pièce. La consigne était d’abord qu’on puisse comprendre le propos de la pièce par leur travail. Avec mes collègues d’arts appliqués, on les a plutôt orientés vers un travail graphique sur le titre, qui est long, donc intéressant à travailler, plutôt que sur la représentation des personnages (ce qu’ils avaient fait pour « Les Liaison dangereuses »). On leur a montré les lignes graphiques de certains théâtres, en privilégiant l’idée qu’on pouvait dire des choses avec des moyens assez simples.
Certains ont fait leurs affiches à la main, d’autres les ont réalisées numériquement avec des logiciels adaptés (ils sont plusieurs à avoir utilisé des silhouettes pour représenter les personnages). Nombreux sont ceux qui ont joué de la symétrie présente dès la scène d’exposition et soulignant l’opposition Camille/Perdican ; d’autres ont utilisé des éléments du décor ou des objets significatifs (la fontaine, le billet), représenté une scène importante (la scène à témoin caché) ; enfin d’autres on plutôt cherché à symboliser les dangers ou les fragilités du sentiment amoureux (un coeur-grenade, un coeur-puzzle) avec pas mal de réussite. Au final, je suis très content de leur travail, j’ai même été surpris par les trouvailles de certains, et, dans l’ensemble, leurs affiches m’ont confirmé qu’ils avaient plutôt été des lecteurs intéressés et attentifs de la pièce. »
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
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