« Seul l’Etat est en mesure d’infléchir les tendances inégalitaires de nos sociétés, de réduire les écarts entre groupes par des politiques redistributives. Cela suppose une politique multisectorielle et volontariste. Mais, depuis plusieurs décennies maintenant, les gouvernements successifs ont abandonné l’ambition démocratique de réduire les inégalités pour faire de l’Etat le moyen d’aider les plus puissants, les plus riches, économiquement d’abord, et culturellement ensuite, à prospérer et à maintenir ou accroître leurs privilèges. Le gouvernement actuel ne fait que prolonger et accentuer ce qui a commencé à se mettre en place quelques années à peine après l’accession des « socialistes » au pouvoir », dit Bernard Lahire dans Alternatives économiques. Il reprend dans le magazine les thèses de « Enfances de classe ».
« La violence objectivement faite à une grande partie de la population – qui a vu ses conditions de logement, de travail, ses revenus, ses possibilités de loisirs et aujourd’hui ses espérances d’une retraite dans la dignité se dégrader – est comme naturalisée. Beaucoup trop de gens s’habituent à voir les inégalités comme une sorte de paysage naturel de nos sociétés. On oublie que ce sont des vies humaines qui sont réduites, restreintes ou contraintes, et parfois brisées par cela. Il y a une sorte de déréalisation de toute la cruauté que cela implique », continue t-il. « L’école ne peut tout faire à elle seule. Elle n’est pas responsable des conditions matérielles d’existence des familles des élèves, de l’inégale distribution des capitaux scolaires dans la population. Les enseignants voient arriver à l’école des enfants qui sont dans des états très différents, parce qu’ils ont évolué dans des milieux sociaux très différents. »