Pour éduquer aux médias, rien de tel que créer son propre média. Aurélie Mercier-Richard, professeure des écoles à l’école élémentaire Jules Ferry de Suresne (92) s’est lancée dans l’aventure avec ses CE1. ERUN (Enseignante référente pour les usages du Numérique) à mi-temps, le défi ne lui fait pas peur, bien au contraire. Et pour ce faire, elle inscrit sa classe au projet Classe média porté par l’académie de Versailles. Comment motiver ses collègues de se lancer dans l’aventure si elle ne teste pas par elle-même ?
Enseigner, c’est un choix qu’Aurélie a fait très jeune, comme une vocation. « Très tôt j’ai eu envie d’enseigner, de transmettre, j’ai donc directement suivi des études destinées au professorat des écoles. En 2000, j’ai intégré l’IUFM de Paris où j’ai eu mon concours en 2001 ». Au bout de quatre ans, elle quitte la capitale pour l’académie de Versailles. Elle atterrit à l’école Jules Ferry de Suresnes où elle exerce depuis.
L’informatique et son usage ont très vite intéressés Aurélie, alors, quand le PNE (Plan Numérique École) arrive à Suresnes, elle est volontaire pour tester une valise de tablettes avec ses élèves. « Je deviens alors CNE – Correspondant Numérique École, ce qui me donne accès à une formation spécifique à l’usage des outils numériques ». L’administration repère très vite son investissement et la recrute dès l’année suivante sur un poste d’ERUN à mi-temps. Ses missions ? Faire connaître et développer les outils numériques, mais aussi leur bon usage dans le cadre du volet éducations aux médias. « Je me sens extrêmement privilégiée d’occuper ce poste, d’avoir la chance d’avoir du temps dégagé de classe pour me former, réfléchir, construire. J’essaie donc de rendre ce que je reçois en me rendant disponible auprès de mes collègues de la circonscription, en créant des outils pour leur faciliter le numérique, en les accompagnant dans la transformation numérique de l’école. J’aime aussi beaucoup le fait de garder un pied dans ma classe. Cela me permet de continuer à être au cœur de mon métier. Mes deux fonctions se nourrissent l’une de l’autre ».
« Classes médias » du CLEMI
Au printemps 2019, l’inspectrice d’Aurélie lui parle d’un appel à projet « classes médias » du CLEMI. Projet bien connu des établissements du second degré mais souhaite s’élargir aux écoles élémentaires. Aurélie se lance immédiatement dans l’aventure. « J’ai monté, avec l’aide de mon IEN, un projet de magazine numérique, il a été retenu. C’est ainsi que depuis la rentrée 2019, avec mes élèves de CE1, nous nous sommes lancés dans la grande aventure de l’éducation aux médias par le biais, justement, de la construction d’un média ». La classe de CE1 se lance dans un magazine numérique, sur la plateforme Madmagz. « Ce magazine numérique interactif offre la possibilité de mêler textes, audio, vidéos… C’est une forme de média qui impose une distribution mise en ligne. Il y a donc un gros travail à faire avec les élèves sur ce qu’on peut mettre ou pas dans le magazine ». Un journal d’école diront certains. Mais non, la forme de ce média est plus ambitieuse – même si construire un journal d’école est déjà en soi un véritable challenge. « Avec ce magazine en ligne, on n’écrit pas que pour les parents, on dépasse les limites de la classe, de l’école ».
Des apprentis reporters enquêtent sur les coulisses de l’école
Pour le premier numéro, Aurélie impose le sujet aux élèves : présenter la classe et l’école. Cette thématique s’inscrit dans sa programmation de questionner le monde. « Nous avons listé tous les mots se rapportant à cette thématique, et nos grands sujets sont apparus : les personnes de l’école, de la classe, le matériel, les locaux, les responsabilités. Pour chacune de ces thématiques, les enfants ont réfléchi aux questions qu’ils se posaient, et ont rédigé, dessiné et filmé les différents acteurs de l’école ». C’est ainsi que l’école est devenue le premier lieu de reportage de ces journalistes en herbe. « L’enquête portait sur les acteurs de l’école et leurs missions. Les élèves ont listé les personnels de l’école : directeur, animateur, gardienne, personnel de cuisine… et ce qu’ils pensaient qu’était leur travail. Par groupe, ils sont ensuite allés sur le terrain pour confronter leurs représentations au réel. C’était un moment très important pour nous, pour réaliser qu’on ne peut pas écrire ce qu’on veut. Lorsqu’on donne une information, il nous faut toujours la vérifier. Le groupe qui a travaillé sur les missions du personnel de cantine nous a rapporté avoir découvert que les plats n’étaient pas préparés sur place, mais dans la cuisine centrale de la ville, et qu’une diététicienne s’occupait des menus. Cela a ouvert des perspectives pour un futur article, cette fois-ci en dehors de l’école… »
Pour donner une dimension professionnelle à son projet, Aurélie a sollicité le magazine local, le Suresnes Magazine. Un partenariat est en cours afin de permettre aux élèves de bénéficier de ‘expérience professionnelle des journalistes mais aussi de visiter les locaux. « Mes apprentis reporters pourront poser aux journalistes des questions qu’ils auront préparées en amont ».
Un projet transdisciplinaire
En maîtrise de la langue, les élèves apprennent à écrire en situation réelle de communication, « cela donne du sens aux apprentissages du quotidien en classe et cela permet de se rendre compte que ce qu’on apprend en classe nous sert pour mieux communiquer. Ils travaillent aussi sur toute sorte de types de textes : informatif pour les reportages, BD, devinettes, avis de lecteur… ». Aurélie en profite pour aborder l’importance des images avec une réflexion autour du droit à l’image, « les élèves apprennent à respecter le droit à l’image mais aussi à protéger le leur ». C’est aussi l’occasion d’utiliser différents outils numériques pour les élèves, « ils apprennent à se servir d’un certain nombre d’outils numériques utiles pour nos présentations : diaporama, livre numérique, webtv, webradio, application de dessin animé image par image… » Mais aussi l’occasion pour l’enseignante de découvrir des ressources pour enseignants qu’elle ne connaissait pas jusque-là. « Je me sers des outils créés par certains médias pour les enseignants, comme la nouvelle plate-forme Lumni, qui regroupe une série de vidéos EMI bien adaptées aux élèves, ou bien les capsules « Info ou intox » d’Alexandre Capron que j’ai découvertes en visitant les coulisses des studios de France 24 avec le CLEMI ».
Ainsi, Classes médias est un projet riche pour les élèves, qui ont créé un blog pour rendre accessible à tous leur magazine , mais aussi pour les fonctions d’ERUN d’Aurélie. « Je compte me servir de ce magazine comme ouverture à l’éducation aux médias pour les enseignants de ma circonscription, pour montrer concrètement comment on peut faire de l’éducation aux Médias en classe. C’est d’ailleurs l’un des objectifs de la rubrique « les coulisses » du magazine »
Lilia Ben Hamouda
Classes média est un projet qui souhaite « soutenir la mise en œuvre d’une éducation aux médias et à l’information (EMI) tout au long de l’année, dans une démarche transversale intégrée aux disciplines. Il doit être fondé sur une démarche caractérisée par la mise en œuvre de pratiques médiatiques, plaçant les élèves dans des situations concrètes de production médiatique ».