A l’école élémentaire René Cassin de Nice (06), les élèves de CM2 s’initient à la photographie et montent même une exposition. Dans ce quartier défavorisé de l’est niçois, l’Ariane, la mixité sociale est quasi inexistante. Alors, Virgile Luigi n’hésite pas à se lancer, et ses élèves avec, dans des projets de grande envergure. Des projets pour ouvrir leur horizon, pour les doter de culture commune. Monter une expo photo et même un photo-film avec ses élèves de 10 et 11 ans ? Pas de soucis pour ce jeune enseignant ! Et le résultat est toujours spectaculaire !
Ancien animateur et directeur en centres de vacances dans des mouvements d’éducation populaire, pour Virgile, devenir enseignant était dans la continuité de son parcours. Il passe le concours en 2001 et très vite il obtient un poste à l’école René Cassin, classée réseau d’éducation prioritaire renforcée et dans laquelle il enseigne toujours. Un choix qui n’est pas anodin, Virgile ayant travaillé dans le même quartier en tant qu’animateur auparavant.
Un projet pour un nourrissage culturel
Très rapidement, il constate que ses élèves ont besoin de projets pour se mobiliser mais aussi pour que leur soient apporter les connaissances culturelles nécessaires pour une scolarité réussie. Il évoque Serge Boimare et l’empêchement d’apprendre. « Le nourrissage culturel s’offre comme une complémentarité à leur culture familiale et comme un apport indispensable aux besoins scolaires » explique Virgile. Afin de permettre ce nourrissage culturel, depuis quinze ans, ses élèves de CM2 se transforment en apprentis photographes dans le cadre d’un projet photo. Un après-midi par semaine, tandis que Virgile mène une activité de géographie, Orphée Grisvard-Pontieux et Benjamin Walter, les intervenants de l’association Sept Off, sont dans le couloir avec un groupe d’élèves : des élèves qui se mettent en scène, d’autres qui les photographient et d’autres qui gèrent lumière et accessoires.
Un projet qui ne se résume pas à de la photo
Ces séances photos, vingt-cinq de trois heures tout au long de l’année, sont menées par l’association Stept off. Elles répondent aux objectifs du parcours à l’éducation artistique et culturelle. « L’intervention de l’association permet aux élèves non seulement de réaliser le projet mais de travailler en relation directe avec des artistes et des professionnels de l’image et du son, d’expérimenter avec eux des techniques pour créer de nouvelles images, de découvrir, explorer et inventer de multiples formes créatrices, de libérer un imaginaire ». Mais le projet ne se résume pas aux ateliers photos. Il s’agit aussi d’apporter aux élèves un nourrissage culturel fort avec la visite des différents lieux de culture de Nice. Le Théâtre de la Photographie et de l’Image avec un travail autour de l’image, le Musée d’Art Moderne et Art Contemporain, des espaces d’exposition comme Magnan ou encore le cinéma Mercury sont autant de lieux où les élèves ouvrent leur champ culturel. Ils échangent aussi lors de visites à la Station qui est une résidence d’artistes et un lieu d’exposition. Des visites qui sont loin de leur quotidien. « Dans le contexte socioéconomique du quartier, il est difficile pour les parents de soutenir les enfants, de leur apporter des connaissances culturelles suffisantes pour faire face à une scolarité classique ». Ces visites permettent ainsi aux élèves d’acquérir une culture artistique personnelle, fondée sur des repères communs, de les initier aux différents langages de l’art, de diversifier et de développer leurs moyens d’expression.
Des expos comme des pros
En fin d’année, plusieurs expositions viennent mettre en valeur le travail de la classe : au à l’école, dans le cadre du festival des courts-métrages et à la bibliothèque Léonard de Vinci,. Autant de moments riches de valorisation mais aussi d’apprentissage. « C’est l’occasion pour les élèves de prendre conscience de leurs avancées. Ils ont acquis des connaissances et lors de la présentation de leur travail, ils en prennent pleinement conscience ». En juin 2019, Vigile et ses CM2 ont aussi publié un album photo qu’ils ont écrit, fabriqué et vendu en 50 exemplaires. Le travail de cette année sera, quant à lui, présenté dans le cadre de Sept Off en octobre 2020, grand festival de photographie où sont exposés les plus grands photographes.
Un projet qui demande un fort investissement financier
Mais monter un tel projet prend du temps et coûte de l’argent, 4200 euros l’année pour payer les adultes-intervenants, le matériel et l’accrochage de l’expo. Demander des financements, trouver des intervenants extérieurs, tels que le photographe, le monteur preneur de son mais aussi une graphiste et une librairie, ce n’est pas toujours évident. Pour financer ces différents intervenants, il démarre une classe à projet artistique et culturel (classe APAC) qui lui permet de mobiliser des financements. Mais depuis quelques années, les budgets alloués à ce type de projet ont fondu comme neige au soleil. « Maintenant, il faut se transformer en producteur. Ce qui n’est pas sans poser des problèmes d’éthique et d’équité ». Son projet est actuellement financé par une cagnotte mise en ligne par l’intermédiaire de la Trousse à Projets. La mairie de Nice ainsi que la délégation académique aux arts et à la culture (DRAC) ont aussi participé au financement.
Des élèves de REP+ qui peuvent prétendre à un concours national de photographie, c’est l’ambition de Virgile. Et le résultat est fabuleux. Virgile prouve à ses élèves que lorsque l’on veut on peut. Un projet à suivre de très près…
Lilia Ben Hamouda