Comment aborder en classe la gestion des biens communs ? Patrice Robin, professeur de SES au lycée agricole F. Garcia Llorca de Théza(66), a conçu un jeu de plateau localisé, L’eau en Têt, sur la gestion de l’eau. Face à des situations de pénurie ou de pollution, les élèves découvrent la nécessité de faire société pour gérer les biens communs. Une belle expérience d’intelligence collective sur le développement durable. Patrice Robin a présenté son jeu au Forum des enseignants innovants.
Un jeu de rôle mis en forme pédagogique
Professeur depuis 30 ans, Patrice Robin est agronome de formation et c’est un des éléments qui expliquent son implication dans ce jeu. Il a aussi été mis à disposition d’un réseau de développement rural, autre raison.
L’eau en Têt est une adaptation localisée et mise en forme pédagogique d’un jeu de rôle développé par l’Irestea, Wat-a-game. En 2011, Patrice Robin le découvre et adapte ce jeu pour ses secondes. En 2016 il répond, avec l’Irstea, à un appel à projet de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et conçoit ce jeu qui simule le bassin versant du Têt.
La gestion des biens communs
Le jeu fait travailler la problématique du développement durable sur un territoire précis à partir de l’exemple de la gestion de l’eau dans deux scénarios : la pénurie d’eau et la gestion de la pollution. C’est un jeu de plateau qui se joue à 8 sur 2 à 4 heures.
« Le jeu aborde une question de SES qui est la gestion des biens communs », explique P Robin. « L’eau est un entrée intéressante sur cette question ca tout le monde l’utilise. Les usages sont concurrents. C’est donc une bonne entrée écologique ».
La nécessité de faire société pour gérer un bien commun
Par exemple dans la gestion de la pénurie, chaque joueur est agriculteur fruitier ou autre, ou une collectivité locale distribuant de l’eau ou un industriel. Chacun sait de combien d’unités d’eau il a besoin. Certaines années l’eau manque et à partir de là les élèves doivent réfléchir aux raisons du problème et aux solutions. On reste dans le réalisme : les solutions sont toujours partielles. Ca peut être un nouveau forage, un changement de culture (remplacer les pêchers par des abricotiers par exemple) ou de méthode d’irrigation.
« Ce que les élèves trouvent rapidement c’est qu’ils ont tous besoin en même temps de la ressource. Et que les décisions des uns impactent les autres. Ils découvrent que la gestion de l’eau doit être faite en commun en construisant des règles. Ils imaginent des dispositifs qui existent dans la réalité en inventant des institutions. L’essentiel du jeu ce n’est pas la manipulation des billes qui représentent l’eau mais les échanges entre eux ».
A la fin les élèves ont une fiche où ils ont noté les étapes du jeu et le bilan de leur exploitation, les échanges et les solutions trouvées. « Je leur demande de faire un bilan. Là ils découvrent que quand il n’y a pas de coopération c’est la faillite », dit P Robin.
Une question vive du monde agricole
Le jeu développé par Patrice Robin renvoie directement à une question vive dans le monde agricole. Celui ci consomme 80% des ressources d’eau. « Dans le jeu on respecte cette prépondérance des usages agricoles », explique P Robin. « Dans la formation des futurs agriculteurs, la question du développement durable est de plus en plus importante. L’enseignement agricole parle de « produire autrement ». « Un des intérêts du jeu c’est de poser la question des rapports de force dans la gestion de l’eau. Le jeu est un miroir où les élèves réfléchissent »…
F Jarraud