Il y avait plusieurs vedettes le 14 janvier pour la remise du Prix lycéen du livre de SES. Monique et Michel Pinçon-Charlot étaient les stars du jour avec leur illustrateur, Etienne Lécroart. Les lycéens ont choisi leur BD « Les riches au tribunal » comme premier prix. A travers cet ouvrage, Jérôme Cahuzac était involontairement invité, puisque la BD raconte son procès. Mais c’est toute la haute bourgeoisie qui a défilé sous les yeux des 200 lycéens présents pour une rencontre qui leur aura sans doute beaucoup appris.
Un prix créé par les enseignants
Frédéric Desmedt, professeur de SES au lycée Viollet-le-Duc de Villiers-Saint-Frédéric (78), co-organise cette année encore le Prix lycéen de sciences économiques et sociales. Alors qu’existe un prix officiel « du livre d’économie », des professeurs de SES s’obstinent depuis 10 ans à associer économie et sociologie dans les lectures de leurs élèves. Un centaine de classes participe au Prix. Ils élisent l’ouvrage qu’ils jugent le meilleur. Leurs gouts le sportent plutôt vers la sociologie et d’abord les inégalités, c’est ce qui se retrouve dans le choix de « Les riches au tribunal ».
Pour préparer au post bac
« L’idée c’est de préparer les élèves au post bac », explique Frédéric Desmedt. « Dans le supérieur il va falloir qu’ils se confrontent à des ouvrages universitaires. Or le programme de SES, trop morcelé et trop chargé, ne se prête pas à cette préparation. Avec le prix on amène les élèves à avoir des curiosités en économie ou sociologie, à changer de posture et à se comporter en étudiants et en lecteurs rencontrant des auteurs ». Le prix est aussi une façon d’amener les élèves à s’exprimer et défendre une opinion. « C’est une autre façon de découvrir mes élèves », explique F Desmedt.
Le 14 janvier près de 200 jeunes sont réunis pour la remise du prix. Le matin ils ont entendu Stéphane Beaud , auteur de « La France des Belhoumi ». L’après midi est consacré à Monique et Michel Pinçon Charlot.
Le prix pour « Les riches au tribunal »
Le célèbre couple de sociologues a réalisé plusieurs BD pour toucher un public plus large, comme « Riche pourquoi pas toi ? », « Pourquoi les riches sont ils de plus en plus riches » , « Panique dans le 16ème » et maintenant « Les riches au tribunal » à propos du procès Cahuzac. « Une grosse surprise c’est qu’on s’est rendu compte que beaucoup de citoyens ne comprenaient pas la violence de classe dans laquelle ils vivent », explique Monique,, très en verve. Les Pinçon-Charlot on assisté au procès Cahuzac. Ils l’avaient rencontré avant le procès à l’époque où il agissait pour lutter contre la fraude fiscale.
Les deux sociologues répondent durant près de deux heures aux questions de lycéens venus de toute la France et même de lycées français de Niamey et Valence.
Découverte de la haute bourgeoisie
Les élèves veulent savoir pourquoi les sociologues étudient la haute bourgeoisie depuis si longtemps. « C’est la curiosité de découvrir un monde que je connaissais peu », explique Michel Pinçon. Monique Pinçon-Charlot vient d’une famille bourgeoise. Mais elle a étudié comme sociologue les entreprises pillées et fermées dans les années 1980. De là vient la rage de comprendre et un travail sur un groupe social qui était peu étudié. Comment font-ils pour pénétrer un milieu si fermé et protégé ? Monique Pinçon-Charlot raconte comment ils ont commencé à se glisser dans des événements privés comme les 400 ans de la dynastie de Wendel. « On dévoile, on ne dénonce pas » explique t-elle. « On n’a jamais franchi ce qui serait injurieux ». Pour Michel ces riches sont dans un monde où ils reçoivent beaucoup d’acquiescements. Monique explique aux élèves que les riches trouvent une forme de légitimité dans leur travail. « Ca les aide peut-être à mieux dominer ».
Un rendez vous historique pour l’avenir de l’humanité
Mais ils n’échappent pas aux questions d’actualité. Avec l’affaire Cahuzac c’est la question de la démocratie et de la séparation des pouvoirs qui est posée. « Pourquoi le peuple ne se rend il pas compte » demande un élève. Monique montre comment un simple diner auquel ils assistaient réunissait autour de la table un procureur, un banquier poursuivi, un industriel, un ministre. « Le conflit d’intérêts, ils s’en moquent. Ce qui les intéresse c’est la défense de leurs intérêts ». Et puis il y a la question des retraites sur laquelle les Pinçon Charlot ont une position claire.
Qu’auront appris les lycéens ? D’abord ce que c’est qu’être riche. Monique Pinçon Charlot montre à force d’anecdotes ce qu’est le capital social, culturel, symbolique qui définit le riche en plus du capital économique. Ensuite une certaine vision de la société et des rapports de domination qui la construisent. « On a compris qu’on fait un travail tellement important qu’il faut le transmettre avec nos livres, nos BD. On veut vous transmettre que vous êtes à un rendez vous historique de l’histoire de l’humanité et de sa survie ». Les élèves applaudissent ces grands parents qui mettent à nu l’oppression et l’exploitation.
François Jarraud