« Je n’ai pas d’inquiétude. Mais l’institution s’organise pour que les corrections aient lieu « . Le 8 janvier, devant le Sénat, JM Blanquer était serein mais quand même a annoncé que son ministère s’organise pour que les corrections des épreuves du contrôle continu du bac, les E3C aient lieu. C’est que les enseignants d’un nombre important de lycées ont déjà fait savoir qu’ils refusaient d’y participer pour des raisons d’ailleurs variables. Et que les syndicats en demandent le report ou menacent de ne pas les organiser.
Les voyants au rouge
« Tous les voyants sont aujourd’hui au rouge pour l’organisation des épreuves d’E3C : les sujets ont été commandés en retard par les corps d’inspection, les collègues concepteurs de sujets ont travaillé dans l’urgence. Manifestement la relecture des sujets s’est également faite dans la précipitation, conduisant à des erreurs ou des coquilles… Les applications numériques ne fonctionnent pas toujours correctement, l’accès aux sujets peut être compliqué.. Les collègues sont parfois en difficulté pour choisir des sujets qui correspondraient à la réalité de ce qu’ils ont pu étudier en classe ». Avec cette déclaration, le Se Unsa a rejoint les syndicats qui demandent le report de la première session des épreuves de contrôle continu du nouveau bac. Or cette épreuve doit démarrer le 20 janvier !
Une organisation complexe et tardive
Le controle continu des bacs technologiques et général concerne 3 ou 4 disciplines selon les séries. Les élèves doivent passer des épreuves en première en janvier – février, puis durant le 3ème trimestre de première. Enfin une troisième session aura lieu en terminale.
Le texte organisant ces épreuves veut à la fois un vrai controle continu et le maintien d’un examen national. On a donc une organisation complexe avec une marge de manoeuvre pour les établissements. Le principal syndicat de personnels de direction voudrait une organisation fluide et que l’E3C se passe comme un controle ordinaire. Les enseignants veulent que ce soit un examen avec des garanties d’égalité pour les élèves.
Tout cela génère des frottements et finalement l’opposition des uns et des autres avec beaucoup de stress dans les établissements. Ainsi la conférence des associations de spécialistes, qui réunit une quinzaine d’associations enseignantes, a tiré la sonnette d’alarme sur les conditions d’organisation des épreuves fin décembre. « La réforme présentée par la communication ministérielle comme simplifiant le lycée et le bac semble pour le moment engluée dans divers dysfonctionnements (« usine à gaz »), qui accentuent le stress, la fatigue des élèves comme des collègues. En l’état actuel, elle donne aux élèves et aux parents une image d’impréparation, d’improvisation, dégrade les conditions de travail et d’apprentissage et ne remplit pas ses objectifs », dit la conférence. « De nombreux collègues sont inquiets en raison des retards successifs et du flou entourant la mise en place de ces épreuves. Nous soulignons que la numérisation n’était pas prévue à l’origine et qu’elle semble compliquer inutilement l’organisation (écrans ; établissements mal équipés … nombre de postes informatiques insuffisant ; problèmes de réseau..). La BNS montre, selon les disciplines, un nombre très variable de sujets, soit suffisant, soit trop faible, soit peu adaptés aux progressions (maths) ».
Des refus de participer aux E3C
Dans l’académie de Lyon, le principal syndicat de personnels de direction menace. « Les initiatives de syndicats d’enseignants fleurissent : boycott du choix du sujet, grève lors des journées programmées pour les épreuves E3C, refus de corriger. Tout cela, fin janvier, lorsque vont arriver les enveloppes de DHG fortement contractées. Tout est décidément mis en oeuvre pour nous conduire vers un accident industriel majeur ».
Dans d’autres académies , le Snes Fsu montre qu’un nombre important d’enseignants ot déjà fait part de leur refus de participer aux E3C. Ainsi en Bretagne, un tiers des lycées sont mobilisés. Dans le toulousain , une dizaine. Ecoutons ce senseignants. » Les élèves ne sont manifestement, et en dépit de toute notre bonne volonté, pas prêts à affronter ces épreuves », écrivent des enseignants du lycée Descartes de Rennes. « Ces E3C génèrent une surcharge de travail à la fois pour les enseignants et pour le personnel administratif. Le choix du sujet et la correction des copies vont nécessiter un temps de concertation en amont et d’harmonisation en aval qui viendra s’ajouter à l’emploi du temps habituel des enseignants, avec une compensation financière qui n’est que symbolique ».
Au lycée Blum de Villeneuve de Lauragais, les enseignants soutenus par FO, le Snes et le Se Unsa écrivent au recteur : « Nous nous opposons à l’organisation locale de cet examen, qui crée une rupture d’égalité entre les élèves en n’offrant plus les garanties d’un diplôme national: rupture d’égalité entre les élèves des 1ères générales et les 1ères des séries technologiques (STMG pour ce qui nous concerne). Moins de temps de cours pour préparer les séries technologiques à cet examen et pourtant ce seront les mêmes sujets, avec le même niveau de difficulté et les mêmes grilles de notation… Les épreuves locales et le manque de cadrage national accentuent encore ces inégalités… le retard de l’ouverture de la banque de sujets le 9 décembre dans le contexte d’un mois de décembre particulièrement chargé par les conseils de classe et les réunions parents-professeurs rend impossible la tenue de réunion de concertation pour le choix du sujet, la construction de barème, la rédaction d’un corrigé ». Ils demandent la banalisation des cours durant l’épreuve, du temps de concertation et de correction et une indemnisation jusque là promise mais pas actée.
Alors on comprend les propos de JM Blanquer devant le Sénat le 8 janvier. « Ne pas corriger serait un acte de grève. J’ai confiance dans les professeurs car tout désordre serait nuisible à leur établissement. L’institution s’organise pour que les corrections aient lieu ». Justement le ministre souligne que la numérisation des copies » ça met fin a tous les incidents du bac ». C’est à voir, d’autant que le calendrier social …pourrait bien peser aussi sur ces épreuves.
F Jarraud