Après le Snes Fsu, c’est au tour du Se-Unsa de demander la suppression de la session de janvier des nouvelles épreuves de contrôle continu du bac. Les « E3C » suscitent aussi l’inquiétude des associations de spécialistes. La Fcpe annonce une enquête auprès des parents sur les dysfonctionnements de la réforme du lycée. Plus grave : les personnels de direction s’invitent dans le débat et menacent de ne pas les organiser s’ils ne sont pas écoutés.
« Tous les voyants sont aujourd’hui au rouge pour l’organisation des épreuves d’E3C : les sujets ont été commandés en retard par les corps d’inspection, les collègues concepteurs de sujets ont travaillé dans l’urgence. Manifestement la relecture des sujets s’est également faite dans la précipitation, conduisant à des erreurs ou des coquilles. C’est en particulier le cas en espagnol où on demande même aux élèves de rédiger un argumentaire pour les inégalités entre les sexes au lieu de contre ! Les documents audio/video ne sont pas tous finalisés et exigent un montage dans l’établissement. Le système de référencement est opaque et son décodage parvient seulement aux collègues via les IA-IPR. Les applications numériques ne fonctionnent pas toujours correctement, l’accès aux sujets peut être compliqué et les enseignants n’ont toujours pas bénéficié de formations et d’accompagnement. Les collègues sont parfois en difficulté pour choisir des sujets qui correspondraient à la réalité de ce qu’ils ont pu étudier en classe. C’est particulièrement le cas en mathématiques pour la voie technologique », note le Se Unsa. Le syndicat a demandé la suppression de la session de janvier. Cerise sur le gâteau, « Le SE-Unsa a dénoncé l’hypocrisie qui consiste à publier un texte pour organiser les sanctions pour fraude tout en demandant aux établissements de ne pas installer les salles en mode examen ».
La Conférence des associations de professeurs spécialistes regroupe 14 associations d’enseignants du 2d degré (ADEAF, APBG APHG APMEP APLettres, APPEP, APSES, APEMU, APFLA, CNARELA, SAUVER LES LETTRES, SLNL, UBPM, UDPPC). Elle rend compte d’une réunion avec le conseiller pédagogique du ministre le 13 décembre. « La réforme présentée par la communication ministérielle comme simplifiant le lycée et le bac semble pour le moment engluée dans divers dysfonctionnements (« usine à gaz »), qui accentuent le stress, la fatigue des élèves comme des collègues. En l’état actuel, elle donne aux élèves et aux parents une image d’impréparation, d’improvisation, dégrade les conditions de travail et d’apprentissage et ne remplit pas ses objectifs », estime la conférence.
Les E3C sont venues dans la discussion : « De nombreux collègues sont inquiets en raison des retards successifs et du flou entourant la mise en place de ces épreuves. Nous soulignons que la numérisation n’était pas prévue à l’origine et qu’elle semble compliquer inutilement l’organisation (écrans ; établissements mal équipés … nombre de postes informatiques insuffisant ; problèmes de réseau, d’internet…). La BNS montre, selon les disciplines, un nombre très variable de sujets, soit suffisant, soit trop faible, soit peu adaptés aux progressions (maths). En langue, les deux épreuves devraient être interverties pour des questions de cohérence programmatique… » Selon le ministère, « Les sujets qui sont très choisis sortiront de la banque ; comme ceux qui ne seront que peu ou jamais choisis ».
Parmi les problèmes soulevés sur la réforme du lycée reviennent les maths où l’Apmep demande une nouvelle spécialité tenant compte du niveau réel des élèves. En histoire-géo, « L’APHG souligne que les injonctions contradictoires du ministère, le calendrier annoncé et non respecté, les discours variables d’une académie à l’autre, le manque de clarté de certains textes, la difficulté à les trouver… ne facilitent pas la tâche des collègues, mais génèrent au contraire du stress ». L’Apses se plaint de la dégradation des conditions d’enseignement.
A cela , le conseiller pédagogique répond que « nous avons le lycée le plus cher d’Europe avec des dépenses qui ont lieu depuis des années au détriment de l’école primaire, parent pauvre de l’éducation. Que c’est un choix assumé d’affecter des moyens, en dédoublant les CP… Il ajoute qu’il y a actuellement une croissance démographique qui atteint le collège et le lycée, mais la décrue à l’œuvre en amont, entraînera la baisse mécanique du nombre d’élèves par classe dans le secondaire plus tard »…
Sur RTL, R Arenas, co-président de la FCPE, souligne « le stress supplémentaire des élèves » pour des épreuves auxquelles ils ne sont pas prêts. « C’est une réforme à marche forcée. Le cœur de cette réforme était l’orientation, l’occasion de permettre aux enfants de faire le libre choix. Or, il n’a pas été réalisé car les spécialités n’ont pas été à disposition pour tous et partout. Et surtout les 54 heures d’orientation se sont déguisées en souvenir, car sur le terrain nous n’avons pas les moyens de les mettre en oeuvre ».
» Les personnels de direction, Monsieur le Recteur, sont en colère. Ils ne supportent plus d’être ainsi maltraités par un ministère qui prône pourtant la confiance », écrit le secrétaire académique de Lyon du Snpden Unsa, le 1er syndicat de personnels de direction. Il relève que les proviseurs sont seuls pour négocier avec les enseignants l’organisation des E3C. Deux visions s’affrontent en effet pour cette organisation, les enseignants étant plutôt favorables à une organisation type examen classique alors que le Snpden Unsa préfère que les E3C se passent comme des devoirs ordinaires.
» Au sujet des E3C, le SNPDEN-UNSA mobilise ses adhérents et appelle les personnels de direction à refuser de mettre en oeuvre les E3C si les conditions d’organisation et de correction ne sont pas garanties tant sur le plan technique que sur le plan humain », menace Gérard Heinz. Il promet le krach pour janvier : » les initiatives de syndicats d’enseignants fleurissent : boycott du choix du sujet, grève lors des journées programmées pour les épreuves E3C, refus de corriger. Tout cela, fin janvier, lorsque vont arriver les enveloppes de DHG fortement contractées. Tout est décidément mis en oeuvre pour nous conduire vers un accident industriel majeur ».
F Jarraud