Retraites
Comment le gouvernement veut réformer le travail enseignant
« Le temps doit nous donner l’ambition de repenser la carrière des enseignants et l’organisation du travail », a déclaré E Philippe le 11 décembre en présentant son projet de réforme des retraites. Si la réforme des retraites est présentée comme une opportunité par JM Blanquer c’est qu’effectivement c’est celle de transformer en profondeur le métier enseignant. Pour avoir un revenu permettant d’assurer leurs vieux jours les enseignants, au moins ceux nés après 1975, vont devoir se plier au nouveau métier voulu par JM Blanquer et E Macron. Car il n’y a rien de neuf dans cette perspective. Les livres du ministre, une série de rapports gouvernementaux ou parlementaires ont déjà défini le cadre de ce nouveau (futur ?) métier. Déjà une grande partie du travail est fait. On arrive maintenant au moment où le gouvernement pousse les dernières pièces et où les yeux s’ouvrent…
A Nancy, E. Philippe et JM. Blanquer dévoilent le nouveau métier enseignant
Face à la grève historique des enseignants, JM Blanquer était venu vendre un « moment historique » pour l’Education nationale. Dans le gymnase fissuré du lycée Georges de la Tour de Nancy , le 13 décembre, les deux ministres ont fait face à 100 enseignants qui ne s’en laissent pas conter. Deux visions s’affrontent. JM Blanquer décrit longuement son projet de nouveau métier enseignant à des professeurs pleins de ressentiment qui parlent des difficultés réelles du métier. Les ministres n’ont pas convaincu. Une enseignante résume la soirée. « Comment voulez vous que nous vous croyons quand vous dites que vous allez prendre en compte notre avis ? » demande t-elle à E Philippe et JM Blanquer. JM Blanquer répond par l’opportunité d’un nouveau métier enseignant, liant revalorisation et redéfinition du métier. Et il confirme que les enseignants vont perdre une semaine de congés pour être formés…
Christian Maroy : Qu’est ce que le nouveau métier enseignant ?
Spécialiste de l’évolution du travail enseignant en France , en Europe et au Québec, Christian Maroy (Université de Montréal) décrypte ce que le New Public Management fait au métier enseignant. Redéfinition du temps de travail, élargissement des tâches, contrôle serré des enseignants et de l’enseignement, mise en concurrence des professeurs il montre le coût humain coûteux d’une réforme qui n’apporte pas de réelle amélioration du niveau des élèves. Lisez pour mieux comprendre les projets ministériels…
Réforme : Le travail des enseignants français au regard de l’Europe
Que sait-on du travail des enseignants français ? Est-il moins lourd que celui de leurs collègues européens ? Alors que le premier ministre annonce qu’avec la réforme des retraites on va revoir « l’organisation du travail » des enseignants, le moment est venu de faire le point. D’autant que JM Blanquer annonce une conférence pour comparer le travail enseignant en France et en Europe. Avant que la vaste réforme du métier enseignant soit lancé, la mise au point s’impose.
Retraites : L’intersyndicale appelle à une journée d’action le 9 janvier
A l’issue des discussions avec le premier ministre le 19 décembre aucun accord n’a été trouvé avec les organisations syndicales. Mais une fracture s’installe entre ces dernières, certaines, comme la Fsu, n’étant même pas invitées à Matignon. L’âge pivot risque de devenir le seul trait d’union entre les syndicats. L’Unsa ferroviaire appelle à la trêve. Le gouvernement met en place un simulateur dont les multiples erreurs suscitent l’ironie chez des enseignants sur Twitter.
Retraites : Le conflit peut se refermer sur les enseignants
Finalement, les enseignants seront ils les grands perdants de la réforme des retraites ? Alors que le gouvernement cherche une issue et qu’on semble approcher d’un accord avec au moins une partie des organisations syndicales, la position des enseignants se fragilise. Malgré leur imposante mobilisation, un accord sur les retraites pourrait se faire sur leur dos. Pour une raison très simple : ce sont eux qui ont le plus à perdre dans la réforme et ceux pour qui les solutions sont les plus difficiles à obtenir.
Retraite : Les syndicats pas convaincus par JM Blanquer
Les syndicats ont réagi aux dernières déclarations du premier ministre. Certaines ont été reçues le 13 décembre par JM Blanquer. Ce fut le cas de la Cfdt, l’Unsa et FO. Le gouvernement n’arrive pas à les convaincre et le mot d’ordre de grève le 17 décembre fait l’unanimité. Mais les organisations marquent leurs différences dans l’approche de la question.
Benoit Teste : « Les contreparties ce n’est pas raisonnable »
Elu lors du congrès de la FSU le 13 décembre, Benoit Teste devient secrétaire général de la première fédération syndicale de l’éducation. Il le fait en pleine tourmente. Bien sur avec le mouvement contre la réforme des retraites. Mais aussi parce que le gouvernement s’attaque avec une rare violence aux syndicats avec la loi de transformation de la fonction publique. B. Teste fait le point sur le congrès de la Fsu mais surtout sur sa vision du syndicalisme et ce qu’il compte faire dans cette situation si particulière.
Retraite : Mobilisation en hausse, réforme en berne
Un vent de défaite semble souffler sur la réforme des retraites. La troisième journée nationale de grève contre la réforme des retraites, le 17 décembre, a vu un spectaculaire rebond de la mobilisation. Le gouvernement annonce 615 000 manifestants, soit le double du 10 décembre. La CGT parle de 1.8 million. Dans l’éducation nationale, le ministère annonce 24% de grévistes chez les enseignants soit le double du 10 décembre. Les syndicats considèrent, eux, les grévistes comme majoritaires. Les explications, la soirée débat à Nancy, la réception des syndicats rue de Grenelle : tout cela n’a en rien rassuré les enseignants. Avec la démission de JP Delevoye s’ouvre maintenant une nouvelle étape politique.
Carte scolaire
Carte scolaire du 1er degré : Engagements non tenus
La confrontation entre JM BLanquer et les professeurs n’est pas près de s’arranger. Dévoilée en comité technique ministériel le 18 décembre, la carte scolaire du 1er degré met dans le rouge 14 académies. Versailles et Créteil, des académies en croissance démographique et avec un fort pourcentage d’écoles en éducation prioritaire, voient les créations de postes diminuer de moitié. Il apparait dès maintenant que les engagements sur les dédoublements ne seront pas tenus ou ne pourront l’être qu’au prix du sacrifice des remplaçants.
Carte scolaire du 2d degré : Insincère et insuffisante
Alors que le 2d degré accueille 30 000 élèves en plus, seulement 8 académies voient des moyens supplémentaires à la rentrée 2020. Le bilan officiel en postes qui devait être de -440, ce qui déjà posait problème, est de – 820. Cette année encore le ministère embrouille les calculs en prenant en compte les moyens en heures supplémentaires dans son calcul.
Réformes
Devoirs faits : Un impact qui reste à évaluer
Mesure phare du ministre, le dispositif « Devoirs faits » reste d’une grande diversité dans son fonctionnement, dans ses objectifs, dans les intervenants et dans son public, selon le dernier rapport des inspectrices générales Carole Sève et Nicole Ménager. Lancé en novembre 2017, Devoirs faits n’a toujours pas atteint la maturité. Parmi les préconisations des inspectrices, on notera qu’elles souhaitent « inscrire la mesure dans la politique de l’établissement ». Ce qui veut dire qu’on en est encore loin…
Restructuration subite à Canopé
Les représentants du personnel ont appris le 18 décembre en conseil d’administration la restructuration complète du Réseau Canopé à l’horizon 2021. Le centre du réseau, à Chasseneuil, s’est mis en grève immédiatement. L’ensemble du réseau devrait l’être le 19 décembre. Après l’Onisep, victime de la loi Travail, c’est le second opérateur de l’Education nationale qui est déstructuré. Et cette fois ci c’est bien une initiative ministérielle. Pendant que tout le monde regarde coté retraites, Canopé se fait tordre le cou.
La CNIL met en demeure des établissements scolaires pour leur vidéosurveillance
Plus de 25 plaintes ont été instruites par la Cnil concernant des établissements scolaires. « Parmi ces plaintes, certaines dénonçaient le fait que des caméras filment en continu des lieux de vie (cours de récréation, cantines, salles informatiques, terrains de sport, centre de documentation et d’information) dans des établissements », relève la commission . « Dans le cadre de ses échanges avec ces établissements, la CNIL a eu confirmation de ces faits. Les élèves étaient ainsi placés sous une surveillance systématique tout au long de leur journée, que ce soit à l’occasion de leurs moments de récréation, lors de leur déjeuner à la cantine ou même pendant leurs temps de classe. Ces caméras permettaient également de filmer de manière quasi-constante une partie du personnel ».
Choukri Ben Ayed : Blanquer « indifférent » à la mixité sociale
Manque de mixité sociale, ségrégation, discriminations scolaires… Autant de termes qui hier encore, faisaient l’objet de politiques et qui, aujourd’hui, ont pratiquement disparu de la rhétorique officielle. Pourtant, les études montrent que ces problèmes sont au coeur du fonctionnement très inégalitaire de l’école française et qu’ils nourrissent un fort sentiment d’injustice chez les populations qui les vivent, dans les quartiers populaires et certaines régions délaissées. Dans un ouvrage récent (1), « Regards croisés sur la socialisation », Choukri Ben Ayed, professeur de sociologie à l’université de Limoges, revient, dans un article fouillé, sur la mobilisation du « collectif des parents d’élèves du Petit Bard », un quartier populaire de Montpellier. Des mères, essentiellement, qui s’étaient élevées contre la ségrégation et les discriminations scolaires. Le chercheur analyse les avancées qu’ont permis leur combat, les limites et les résistances rencontrées.
L’enseignement privé à moitié associé aux règles de Parcoursup
» Nous avons transformé ce qui ne pouvait pas nous être imposé en un engagement volontaire. Nous conservons la liberté garantie à l’enseignement privé, tout en poursuivant notre volonté d’ouverture sociale », explique dans La Croix Yann Diraison, secrétaire général adjoint de l’enseignement catholique. Ainsi l’enseignement catholique acceptera des quotas de boursiers et de bacs pro dans ses classes du supérieur mais appliquer ses propres règles. Comme le remarque La Croix, les formation du supérieur du privé coutent 1000 à 2000 € par an aux familles et le nombre de candidats ne devrait pas être si important. » L’étape suivante, serait de prévoir davantage de mesures d’accompagnement pour faire grimper le nombre de boursiers et de bacheliers pro parmi les candidats »…
Lycée : La mission flash de l’Assemblée demande le maintien de 3 spécialités en terminale
Géraldine Bannier (Modem) et Frédéric Reiss (LR) ont présenté le 18 décembre le bilan de leur mission flash sur la carte des spécialités en lycée. Ils reconnaissent le maintien des inégalités sociales et de genre dans le choix des spécialités. Ils préconisent notamment le maintien de 3 spécialités en terminale.
Lycée : Des associations d’enseignants alarment
» Après une fin d’année scolaire extrêmement tendue, les méfaits de cette réforme menée à marche forcée, éclatent désormais au grand jour. Cette réforme avait pour buts de simplifier le baccalauréat, d’améliorer les conditions d’apprentissage et de mieux préparer les élèves à l’enseignement supérieur », déclarent les 16 associations d’enseignants réunies dans la « Conférence des associations de professeurs spécialistes ». La conférence réunit l’ ADEAF, APBG, APFLA-CPL, APEMu, APHG, APLettres, APLV, APMEP, APPEP, APSES, APSMS, CNARELA, Sauvez les lettres, SLNL, UdPPC, UPBM. « Les premières semaines de cours montrent qu’elle désorganise la vie des établissements et soumet les élèves à un contrôle permanent, peu propice à l’apprentissage. L’égalité des chances et des territoires, déjà mise à mal depuis plusieurs années, est aggravée. »
Expérimentations : Avis nécessaires du conseil d’école ou du conseil d’administration
Deux décrets publiés au JO du 20 décembre encadrent les expérimentations prévues par la loi Blanquer. Pour mémoire, rappelons que celles ci peuvent concerner par exemple l’annualisation des services. Le cadre général des expérimentations est fixé par le ministre. Le décret installe une double validation par le Dasen et le conseil d’école ou le CA. « Les projets d’expérimentation pédagogiques sont présentés par le directeur d’école ou le chef d’établissement, sur proposition des équipes pédagogiques, et concertés au conseil d’école ou au conseil pédagogique… Le projet d’expérimentation est transmis pour approbation au directeur académique des services de l’éducation nationale agissant sur délégation du recteur d’académie avant d’être adopté par le conseil d’école ou le conseil d’administration ». » Lorsqu’une expérimentation est évaluée positivement, le recteur d’académie peut décider, sous réserve de l’accord du conseil d’école ou du conseil d’administration, de la reconduire pour une nouvelle période limitée à cinq ans et éventuellement de l’étendre à d’autres écoles ou établissements », en respectant la procédure ci dessus. En clair, les conseils locaux devront savoir résister aux pressions des Dasen…
La liste des restructurations donnant droit à la prime oublie Canopé
Un arrêté publié au JO du 20 décembre publie la liste des restructurations permettant de bénéficier de la prime de restructuration et à l’allocation de mobilité ou à l’indemnité de départ. La liste comprend la fusion des académies de Rouen et Caen, la réorganisation des services déconcentrés et les regroupement de services en académies, les transfert des Dronisep et la modification de la carte des CIO. On relève l’absence de Canopé soumis à une restructuration particulièrement importante.
Le conseil national éducation économie supprimé
On l’avait appris lors de la signature d’une convention entre le ministère et le Medef le 5 juin 2019. C’est maintenant confirmé par un décret publié au JO du 20 décembre. Le Conseil national éducation économie, sommeillant depuis 2018, est dissous. D’après JM Blanquer il devrait être remplacé par « Comité stratégique national éducation entreprises campus ». D’après l’entourage du ministre sa composition devrait rependre celle du CNEE et comporter notamment les syndicats enseignants. En attendant ce comité, c’est la convention avec le seul Medef qui s’applique…
Numérique
Numérique : Si tout le monde s’en charge alors personne ne le fait..
« Il y a une tendance en éducation qui semble légitime : le partage de la responsabilité entre tous les enseignants et éducateurs de la transmission de certains savoirs, de certaines attitudes, de certaines aptitudes liées à des objets de savoir complexes », écrit Bruno Devauchelle sur son blog. « Les quatre parcours promus par les précédents ministres de l’éducation, Avenir, Santé, Éducation artistique et culturelle, Citoyen, en témoignent ; A ces quatre-là s’ajoutent l’ex B2i requalifié en CRCN (Cadre de Références des Compétences Numériques) et plus généralement l’éducation au numérique, ainsi que l’EMI (Education aux médias et à l’information). Tous ces domaines de connaissance et de compétences sont répartis entre tous les enseignants, même si certaines disciplines sont plus explicitement incitées à se responsabiliser… Lorsque l’on décrète qu’un enseignement doit être fait partout, en général il n’est fait nulle part. En entendant le ministre demander aux équipes de réfléchir à la manière de faire le CRCN ou l’EMI de manière transversale, j’ai l’impression qu’on est dans ce cas de figure, l’histoire bégaye parfois »…
Bruno Devauchelle : Soft Skills, une chanson douce (et numérique)…
Une des questions principales posées à tout système éducatif c’est son adéquation avec « la vraie vie ». Ainsi l’avenir des jeunes est-il à la base des questions que se pose tout responsable éducatif qui va se demander ce qu’il est, mais surtout comment faire en sorte de permettre aux jeunes d’y parvenir dans les meilleures conditions. Après une liste de savoirs, sont arrivés les référentiels de compétences qui désormais prennent le pas pour définir ce à quoi il convient de préparer les jeunes. La crainte du futur est parfois davantage présente chez les parents que chez les jeunes eux-mêmes. C’est pourquoi nombre d’adultes, poussés par les milieux professionnels, en particulier ceux des ressources humaines (développer l’employabilité), tentent de définir les compétences qui seront nécessaires dans les années qui viennent. Les grandes organisations internationales n’échappent pas à cette vague de publications sur le sujet. Aussi le monde de l’école, les enseignants, s’interrogent-ils sur leur place et leur rôle dans ce devenir.
Bruno Devauchelle : Le numérique et les parents
L’utilisation des moyens numériques par les enfants est d’abord une affaire de parents et de tous les adultes. Aller à l’école est aussi une affaire de parents mais aussi d’adultes professionnels. Les moyens numériques sont des « objets de transaction » entre les enfants, les parents, et l’école. L’école, ayant jadis et encore largement aujourd’hui rejeté la télévision, a très tôt mesuré les enjeux liés au développement de l’informatique dans la société, les nombreux séminaires, colloques et rapport depuis le début des années 1970 en témoignent. Toutefois, à penser « dans son coin », le monde académique n’a pas vu venir la transformation radicale de l’informatique en objet numérique socialisé. C’est en 2002 avec le rapport Proxima que la question est posée de manière explicite et que des pistes d’actions sont envisagées. La place des parents par rapport au système scolaire sera dès lors questionnée à de nombreuses reprises et envisagée par les différents ministres. Mais il faut attendre 2013 pour que des espaces parents soient institués dans la loi. Il reste encore à ce qu’une application réelle et fonctionnelle en soit faite et surtout que des projets s’y développent alors que dans le même temps les établissements scolaires se sont tous dotés d’outils de partage et de communication numériques avec les familles ou responsables des élèves, voir avec les élèves eux-mêmes