Moins nombreux pour cette seconde journée de grève contre la réforme des retraites décidée par l’intersyndicale Cgt , Fsu, Fo, Sud, Snalc, les enseignants semblent pourtant mobilisés et prêts à redémarrer. Si les promesses ministérielles sont accueillies avec scepticisme, beaucoup attendent la déclaration d’Edouard Philippe devant le CESE le 11 décembre à 12h. Ce qui se dessine pour les enseignants sera t-il à même de résoudre la crise ? Le gouvernement devra donner des garanties sérieuses de revalorisation pour tous et sans contreparties. Or ce n’est pas ce qu’il annonce…
Une mobilisation qui reste forte
Mardi 10 décembre le ministère de l’éducation nationale a compté 12% de grévistes dans le 1er degré et 19% dans le second. Les syndicats annoncent 30 et 62%. Dans les deux cas c’est moins , notamment dans le premier degré où la procédure de déclaration préalable a bloqué de nombreux enseignants. Plus significatifs est le chiffre annoncé pour le second degré. Pour la Fsu la grève reste majoritaire même s’il y a moins de grévistes que le 5 décembre (70%). La décrue n’a donc rien de significatif et la capacité des enseignants à se remobiliser semble être importante. « La population nous soutient « ,nous a confié un enseignants dans la manifestation et visiblement cela compte pour la durée du mouvement.
Des promesses qui ne convainquent pas
Points communs à ces enseignants rencontrés dans la manifestation parisienne : ils ne croient pas aux promesses de JM Blanquer. « On attend des actes. Je n’y crois pas car il nous a envoyé une lettre fumeuse. Et pour mettre mon salaire à un niveau permettant de maintenir ma retraite il faudrait l’augmenter de 1500€. Macron a dit qu’il ne le fera pas et je ne crois pas que le gouvernement le fera », nous a dit Laurence, une enseignante de Maternelle de Maule. Marc, professeur de maths en collège à Savigny sur Orge, dit : »le ministre parle mais moi je ne crois qu’aux décrets ». Les promesses réitérées de revalorisation ont visiblement asséché la crédibilité ministérielle. D’ailleurs devant l’Assemblée nationale, le 10 décembre, JM BLanquer a eu cette phrase malheureuse : « Tout le monde reconnait que la rémunération des professeurs est insuffisante. C’ets quelque chose que je dis depuis 2 ans et demi ».
Contre les réformes
Si elle manifeste pour une retraite équitable, Gladys, professeure des écoles à Cergy (95), estime aussi que « des raisons de manifester dans le premier degré il y en a toujours ». Elle cite les conditions de travail détériorées, sa classe surchargée (28 élèves sur deux niveaux) , la disparition des Rased, les évaluation nationales « imposées sans concertation ». « Ca fait beaucoup », juge t-elle.
Marc « ne veut pas laisser une société pourrie » à ses enfants et dénonce « les réformes, la loi Blanquer et la loi Fonction publique. Dans son collège on compte encore 40% de grévistes le 10. Le manque de moyens revient aussi dans les propos de Laurence.
Des enseignants de l’école et du lycée français de Meknès (Maroc) nous disent qu’uen « majorité d’entre eux ne croit pas les paroles de JM Blanquer sur la revalorisation salariale ». Mais eux aussi évoquent d’autres motifs de grève et particulièrement la réforme du lycée : conseil de classe dépourvu de sens en 1ère, iniquité des épreuves d’E3C, accroissement des charges de travail avec des heures supplémentaires, angoisse des familles et des élèves devant la réforme.
Ce que montrent ces témoignages c’est que les enseignants attendent des réponses sur d’autres sujets que la réforme des retraites et qu’ils veulent que le ministre prenne en compte les avis de la profession au lieu d’imposer seul contre tous.
La proposition gouvernementale
Interrogé devant l’Assemblée nationale et invité par France Inter le 10 décembre, JM Blanquer a pu longuement présenté ce qui sera annoncé aux enseignants par le 1er ministre le 11. « On garantira dans la loi le fait que les retraites des professeurs seront du même ordre que celles de la catégorie A de la fonction publique. La conséquence immédiate sera la revalorisation de l’entrée au milieu de la carrière. Pour arriver à cela on augmentera les traitements ». Il s’est quand même gardé de confirmer le chiffre de 400 millions lancé par lui même sur BFM le 6 décembre.
Comment se fera la revalorisation ? « Ce sera des primes. C apeut être un peu des deux (salaire et prime) dans une proportion à définir mais c’est sur les primes que les professeurs sont en retard. Tout ce qui se fera au titre de la réforme des retraites concernera les 15 ou 20 premières années de carrière. Les enseignants nés avant la date retenue (par le premier ministre : 1973 ou 1979) ne seront pas concernés par la hausse des rémunération. Par ailleurs il y aura une politique générale d’amélioration de la rémunération « , mais JM BLanquer n’en a rien dit.
JM BLanquer a donc confirmé les choix annoncés le 6 décembre. Il n’y aura pas de revalorisation générale ou alors celle ci sera très secondaire. La « revalorisation » liée à la réforme des retraites consistera en primes. Elle ne sera donc pas automatique mais liée à l’acceptation par les enseignants d’une évolution du métier, comme E Macron l’avait annoncé le 5 octobre à Rodez.
Pas de revalorisation mais la personnalisation
Peut-être pour éviter une contagion dans la Fonction publique, le gouvernement semble avoir écarté le principe d’une revalorisation générale des enseignants. Il semble vouloir lier l’effort sur les retraites à de nouvelles charges et missions. On sait que les femmes et les corps les moins bien rémunérés chez les enseignants sont moins en situation d’accepter ces missions. Ces choix devraient augmenter les inégalités entre les enseignants. Pour le ministre ce serait un nouveau levier pour faire accepter ses réformes jusque là peu populaires chez les enseignants. Cette personnalisation des rémunérations correspond aux objectifs gouvernementaux fixés par la loi de transformation de la fonction publique. Les enseignants seraient donc la seule catégorie frappée à la fois dans le montant des retraites et dans l’exercice du métier. Si ces orientations étaient confirmées par E Philippe le 11 décembre, l’Ecole pourrait bien s’engager dans un conflit long.
Dans l’expectative, des assemblées générales d’enseignants ont adopté le renouvellement de la grève jusqu’à vendredi comme l’AG du 1erdegré de Paris. Ailleurs on prépare une 3ème journée de grève pour le 16. Mais d’ici là E Philippe aura parlé. Aura t-il les mots répondant aux attentes des enseignants ?
F Jarraud
Sur les annonces ministérielles et les attentes enseignantes