On se sent parfois prisonnier d’un programme scolaire et d’une grammaire de l’école qui empêche de se libérer pédagogiquement. L’idée est de réserver une semaine de l’année à l’expression de la créativité pédagogique et au bien-être de chacun dans le cadre scolaire. Ce temps est destiné à nous fournir un réservoir de pratiques pour tout le reste de l’année, et de mettre en réseau les établissements intéressés par cette question du bien-être et de la qualité de vie et de travail. Du 16 au 23 mars 2020, la « semaine du bonheur à l’école » est une semaine de liberté, de respiration et d’initiatives où l’objectif est d’inventer collectivement l’école de nos rêves.
Fédérer des énergies
Cette semaine n’a pas été choisie au hasard dans le calendrier. En effet, depuis 2013, l’Organisation des Nations Unies célèbre la Journée internationale du bonheur le 20 mars. L’ONU invite tous les États Membres, les organismes des Nations Unies ainsi que la société civile, à célébrer cette Journée dans le cadre d’initiatives éducatives.
En avril 2012, lors d’une réunion sur « Le bonheur et le bien-être : La définition d’un nouveau paradigme économique », le Secrétaire général avait estimé que le monde avait besoin d’un nouveau paradigme fondé sur les trois piliers du développement durable : « Le bien-être social, économique et environnemental sont indissociables. Ensemble, ils définissent le bonheur brut mondial ». Organisée lors de la 66ème session de l’Assemblée générale, cette réunion avait été lancée à l’initiative du Bhoutan, un Etat qui reconnaît la primauté du bonheur national sur le revenu national depuis le début des années 1970.
Cette semaine du bonheur à l’école s’inscrit dans cette perspective internationale. L’idée d’une semaine – plutôt que d’une journée – semble plus adaptée au temps scolaire. Pendant cette semaine, les écoles, collèges ou lycées peuvent y participer en promouvant des dispositifs nouveaux (limités ou non dans le temps) ou en présentant des dispositifs pérennes existant.
La semaine du bonheur à l’école peut être inscrite dans le cadre de dispositif de formation. Par exemple, dès cette année, elle constitue un moment fort de la formation des fonctionnaires-stagiaires conseillers principaux d’éducation de l’académie de Versailles (INSPE de Versailles, Université de Cergy-Pontoise).
Pour un établissement labellisé « Ecole du bonheur », l’idée est de fédérer les énergies autour d’un temps donné et de projets concrets. Une semaine du bonheur avant d’imaginer par capillarité que toute l’année puisse devenir le temps du bonheur d’apprendre, voire de l’apprentissage du bonheur…
Cinq axes
Les dispositifs pourront s’articuler autour de cinq axes, prolégomènes d’une réforme profonde de notre Ecole :
1. La transformation des instances et des modalités collectives (comme la multiplication des lieux et temps de débat, notamment par la mise en place de débats régulés ou de débats philosophiques sur le bonheur et les sujets de la vie qui intéresse nos élèves)
2. Les pratiques de développement personnel (activités de relaxation ou de méditation comme le yoga et la sophrologie, suivi et atelier de mise en confiance, atelier de formation à la bienveillance, réflexion autour de son parcours de vie, mentorat etc.)
3. L’aménagement architectural sur des espaces communs
• en développant des pratiques écologiques et solidaires autour d’un jardin communautaire
• en consultant les élèves qui seront invités à imaginer un espace bonheur dans leur établissement en lieu et place du « foyer »
• en réaménageant la salle des professeurs (peinture apaisante, espace « détente » avec un canapé fait, par exemple, grâce des palettes en bois par le personnel de l’établissement ce qui peut entraîner un meilleur esprit de cohésion)
4. Le bien-être de l’ensemble des personnels de l’éducation, à commencer par les enseignants
Des séquences pourront être imaginées visant à transmettre une éthique relationnelle : renforcement de l’esprit d’équipe, accueil des parents, relations entre la vie scolaire et les enseignants, etc.
5. Le bonheur d’apprendre, le bien-être dans la classe
• instauration de nouveaux rituels, autour de l’attention et de la motivation
• intégration des arts (musique, danse, théâtre etc.) et intégration des activités sportives
• essais pédagogiques dans les différentes disciplines (plaisir de faire des maths par le jeu – awalé etc. -, lecture interactive dans la continuité de la démarche « silence on lit », utilisation de supports créatifs, intégration de la culture numérique). etc.
De la relation éducative à l’éducation relationnelle
Bien évidemment, cette semaine du bonheur s’adresse à tous, aussi bien aux élèves qu’aux enseignants, CPE, personnel de direction, personnel administratif, infirmier/e, agent d’entretien ou de service. Elle impliquera les parents d’élèves. Et sera à penser au sein des territoires dans la perspective d’une école qui agit sur son environnement.
Cette semaine est à penser comme le laboratoire de l’école de demain. Dans cette perspective, une réorganisation expérimentale de la division disciplinaire pourra être envisagée. Le défi du XXIe est celle du savoir-relation. La relation des savoirs, avec l’émergence de la globalisation et des nouvelles technologies, impose un décloisonnement des disciplines traditionnelles, et donc la prise en compte d’un savoir de la relation. A l’intérieur de l’Ecole, cela induit un savoir-être en relation. Il s’agit de passer de la réflexion sur la relation éducative à la conversion à une éducation relationnelle.
Les disciplines traditionnelles peuvent se travailler de manière transversale à travers l’acquisition de ces connaissances et compétences relationnelles. Le Labo Bonheur se fera l’écho des initiatives mises en oeuvre partout en France (hexagone et outre-mer) et dans le monde. Le lien ci-dessous est ouverte aux équipes enseignantes, chefs d’établissement, élèves, parents qui souhaitent mettre en oeuvre des idées.
François Durpaire
Maître de conférences Sciences de l’éducation, responsable du Master MEEF 3 Parcours CPE (UCP, Inspé de Versailles)
Contact : lauricella.delphine@me.com