Concrètement comment améliorer la compréhension en lecture chez les adolescents ? Alors que Pisa 2018 évalue la compréhension de l’écrit, regardons ce qui se passe dans les classes. Professeure au collège Rep Molière d’Ivry (94), Karine Hurtevent travaille avec ses élèves la compréhension explicite des textes.
Vous parlez d’enseignement explicite de la compréhension. Que voulez vous dire ?
On travaille sur l’explicitation et la prise de conscience des mécanismes mis en oeuvre dans la compréhension des textes. C’est un travail qui vise à rendre conscient le travail inconscient que fait le lecteur expert. Dans mon collège, les professeurs de français, et aussi ceux des autres disciplines, font prendre conscience de ces mécanismes. Les élèves doivent comprendre que lire ce n’est pas seulement décoder le texte mais mettre en relation les éléments du texte pour le comprendre. On travaille aussi sur les implicites des textes : comment trouver des indices et les mettre en relation. Un texte peut aussi avoir des références culturelles.
Comment on travaille les implicites ?
On s’appuie beaucoup sur les travaux de R Goigoux et S Cèbe. Déjà il y a un travail sur les textes supports : il faut prendre des textes qui permettent à l’élève d’aller au bout de sa lecture en lecture cursive. Mais en classe on choisit des textes résistants , qui demandent une participation du lecteur car tout n’est pas dit.
On fait ecrire les élèves sur ce qu’ils ont compris et ils confrontent leurs idées. Là ils voient qu’ils n’ont pas tous la même vision. On leur donne l’habitude de revenir ainsi sur leur première impression.
Une autre technique c’est de leur faire dessiner le texte : chacun dessine ce qu’il a compris du texte et on confronte. Ainsi se mettent en place des ilots de compréhension à relier. On peut aussi théatraliser le texte et faire réfléchir les élèves sur les indices qu’ils ont repéré. On travaille aussi beaucoup l’écriture des élèves et leur plaisir de lire.
On a la chance d’avoir une classe d’allophones au collège. Ca nous oblige aussi à réfléchir sur la compréhension. Finalement on utilise aussi en classe « normale » des techniques des classes Upe2A.
Comment avez vous appris ces techniques ?
En arrivant en Rep j’ai été confrontée à des élèves pas du tout autonomes et les formations du PAF m’ont peu aidé. J’ai cherché d’autres références : Goigoux, Cèbe, Boimare, Escol… Dans le collège on a initié une formation d’équipe qui dépasse l’équipe de français qui est animée par E Bautier.
Et vous voyez les résultats ?
ON a conçu une évaluation précise de la maitrise de la langue que les élèves passent en début de 6ème : fluence, compréhension, orthographe, grammaire. Elle nous permet de voir les difficultés des élèves. Pour les élèves les plus en difficulté, l’établissement a mis en place un atelier pour les lecteurs précaires sur la compréhension explicite et le plaisir de lire.
Tout cela n’est pas magique. On n’a pas réglé tous les problèmes. Mais on remarque que les élèves qui décrochaient avant en 6ème tiennent jusqu’en fin de 5ème. C’est pas magique mais c’est mieux.
Vous accordez une place au plaisir de lire. C’est important ?
On s’appuie beaucoup sur la professeure documentaliste. Comprendre un texte qui ne dit pas tout, où l’auteur joue avec le lecteur, quand les élèves réussissent cela ils en tirent un grand plaisir. Cela créé de la connivence avec les élèves. D’autres pistes de plaisir c’est quand le professeur lit et théatralise le texte. Ou encore quand on travaille sur l’objet livre.
Une technique intéressante : plutot que donner un questionnaire sur un livre aux élèves, leur demander de choisir des objets qui représentent el livre et d’expliquer pourquoi. C’est aussi la boite de lecture : mettre dans uen boite les éléments qui rendent compte de leur lecture. Avec le même livre, ils voient qu’ils ne sont pas sensibles aux mêmes choses.
Propos recueillis par François Jarraud