Pisa 2018 confirmera t-il ou non hausse des inégalités sociales et ethniques de résultats scolaires ? Enquête phare sur les système éducatifs, Pisa permet de suivre depuis 2000 l’évolution du système éducatif français. Ces dernières années ils ont été marqués par une hausse des inégalités dans l’école française. Cette dimension sera la première observée dans ces nouveaux résultats. Viendra ensuite le temps des analyses. Vous retrouverez les résultats de Pisa et nos experts mardi 3 décembre dans la matinée.
Pisa, une évaluation phare
Si Pisa est loin d’être la seule évaluation nationale ou internationale qui concerne la France, c’est à coup sur la plus connue. Les tests Pisa, réalisés par l’OCDE en accord avec les administrations éducatives nationales, sont passés dans 79 pays.
En France les tests de Pisa 2018 ont été passés par plus de 6000 élèves âgés de 15 ans, répartis dans 252 établissements, avec un pourcentage comparable à la réalité d’élèves en avance (en seconde ou même en première) ou en retard (en 3ème ou même en 4ème). 64% des jeunes de 15 ans sont en seconde générale et technologique, 14% en 2de professionnelle et 17% en 3ème. Ce sont des jeunes nés en 2002, qui ont découvert en CP les programmes de 2008 et ont suivi en collège les anciens programmes d’avant la réforme de 2015. Leur bilan éducatif sera celui des anciens programmes.
Il faut le rappeler car Pisa sert avant tout à comparer l’évolution de la France.. à elle-même. En fait il y a peu d’écart entre les pays développés. Seuls quelques uns caracolent en tête (Corée, Finlande, Canada, Japon). Les autres sont regroupés dans un bloc de résultats à peu près identiques.
Un système éducatif qui éclate
Tous les trois ans Pisa met l’accent sur les compétences dans un domaine : maths, sciences ou compréhension de l’écrit. En 2018 c’est ce dernier thème qui est à l’honneur et on pourra comparer l’évolution des jeunes français depuis 2009 et 2000.
En 2009, les résultats de Pisa situait la France dans la moyenne avec des résultats stables sauf en maths où la France perdait 20 points par rapport à 2006. En lecture, la FRance se singularisait par de fortes inégalités sociales. Avec Israël, la Belgique et l’Autriche, la France faisait partie des pays où les écarts de réussite scolaire étaient les plus importants. La part des élèves faibles en lecture atteignait 20% des jeunes, nettement au dessus de la moyenne Ocde. 8% des élèves avaient un niveau très faible (Ocde 6%). On comptait aussi davantage d’élèves très forts en lecture : 10% contre 8% dans l’Ocde. Ainsi s’amorçait un éclatement du système scolaire.
Ces écarts étaient liés à l’origine sociale : les résultats des élèves favorisés etaient supérieurs de 50 points à ceux des défavorisés, soit presque égaux à deux années d’école. L’écart était encore plus important selon l’origine ethnique : les immigrants de 1ère génération avaient un score de 420 (le score de Trinidad ou la Thaïlande) contre 448 pour la 2de génération et 502 pour les autochtones. 448 renvoie au Chili et 502 à la Norvège. C’est comme si nore système éducatif réunissait 3 pays aussi différents !
La dernière édition de Pisa est celle de 2015, où les sciences étaient à l’honneur. Mais la lecture a à nouveau été évaluée. Pisa 2015 montrait une nouvelle plongée en maths mais une stabilité en sciences et en lecture. Dans ce dernier domaine on est un peu au dessus de la moyenne Ocde avec 499 points contre 493 pour la moyenne Ocde. Mais par rapport aux éditions antérieures de Pisa, le pourcentage d’élèves vraiment faibles s’est maintenu alors que celui des élèves performants a légèrement augmenté. Pisa 2015 confirmait donc l’éclatement du système éducatif français en lien avec la montée des inégalités sociales.
Ce que nous apprend Pirls en 2017
Depuis 2015, d’autres évaluations internationales ont eu lieu concernant la lecture , comme Pirls en 2016. Portant sur des écoliers de Cm1 et non des adolescents de 15 ans, Pirls signalait un net recul de ,performance par rapport 2001 (525 points en 2001, 520 en 2011 et 511 en 2016). La FRance apparaissait au dernier rang européen.
Pirls a confirmé la nature des problème en lecture des jeunes français. Le problème n’est aps dans le déchiffrage qui globalement est acquis. Il est dans la compréhension des textes c’est à dire le vocabulaire et aussi la compréhension fine des texte. Les jeunes français savent retrouver des informations dans les textes mais ne savent pas inférer des résultats ou justifier une opinion sur un texte.
Plusieurs facteurs ont été avancés pour expliquer ce recul. D’abord la faiblesse de la formation continue des enseignants français. Au moment de Pirls on sait qu’il y avait deux fois d’enseignants ayant suivi récemment une formation en France que dans la moyenne de l’Ocde. Cette situation devrait perdurer : le budget 2020 prévoir la stabilité des crédits de formation dans le second degré et leur baisse dans le premier. Une autre enquête Ocde, Talis, montre que les enseignants français sont très critiques sur la formation qui leur est donnée qui est perçue comme détachée de leurs besoins. Autre facteur lié à la formation : les enseignants français sont moins nombreux à faire travailler la compréhension en classe , par exemple à demander aux élèves de comparer les textes à des faits vécus ou à déterminer les intentions de l’auteur.
Mais Pirls montrait lui aussi le poids des facteurs sociaux. Pas seulement dans les résultats scolaires mais aussi dans l »environnement des enfants. Ainsi en France seulement 22% des parents déclarent aimer lire contre 32% dans l’Ocde. La France compte aussi moins de parenst satisfaits de l’école et moins d’enseignants satisfaits de leur métier.
Et les enquêtes nationales ?
Tout cela est cohérent avec les enquêtes nationales. Intervenant à la conférence du Cnesco sur la lecture en 2016, T Rocher (Depp) montrait l’aggravation des écarts sociaux de réussite scolaire. » On a une augmentation du nombre d’élèves en difficulté face à l’écrit depuis le début des années 2000 particulièrement en fin de collège », disait-il. Ce n’est pas tant une baisse du niveau moyen que l’augmentation rapide (de 15 à 20%) du nombre d’élèves très faibles. On observe aussi des difficultés spécifiques en compréhension. Le décodage s’est plutôt amélioré. Mais pas la compréhension : on a un appauvrissement des compétences langagières. Les progrès constatés au début de la scolarité sont effacés. Les jeunes français savent prélever des informations mais ne savent pas en tirer des inférences pour comprendre les textes. Ils ont plus de difficultés sur les textes informatifs que narratifs. Les données montrent que le décrochage de niveau en fin de collège est particulièrement fort en collège de l’éducation prioritaire.
Quelles conclusions vont être tirées de Pisa 2018 ?
Gageons que deux points vont se retrouver au coeur du débat dès le 3 décembre. Le premier ce sera l’avenir de l’éducation prioritaire. En 2015, l’Ocde avait invité le gouvernement français à veiller à ce que le système éducatif soit socialement plus équitable. Mais pour l’OCDE cela passait par des incitations financières aux établissements plutôt que par la labellisation. On sait que c’est le chemin vers lequel le ministère semble vouloir aller. Plusieurs rapports, dont le dernier rapport Azema Mathiot, préconisent de supprimer le label Rep et de le remplacer par un indice social affecté à tous les établissements. Cela aboutirait à supprimer la politique d’éducation prioritaire sauf pour les rares Rep+. On peut craindre que cela n’aboutisse à la dilution des moyens donnés aux établissements des quartiers de relégation sociale. Permettre un pilotage local d’un indice social c’est prendre le risque d’une affectation des moyens sur des critères de politique locale beaucoup plus que sur celui de l’équité sociale.
L’OCDE devrait soulever la question de la formation des enseignants. Le ministère pourrait répondre par les « bonnes pratiques » qu’il encourage, celle des nombreux « vademecum » et « livret orange » qui sont autant d’injonctions envoyées aux enseignants.
En 2015,l’OCDE demandait la poursuite de la scolarisation à deux ans, la limitation des redoublements et la poursuite des efforts pour le primaire. En 2019 ces deux premières politiques ont été annulées par le nouveau ministre. Il reste les efforts pour le primaire, cheval de bataille du ministre. Ils sont réels sur le plan budgétaire (même s’ils sont financés par des prélèvements sur le 2d degré). Par contre leur efficacité, comme celle des dédoublements, n’est pas démontrée. Beaucoup de moyens sont dépensés pour de faibles résultats.
Parlera t-on vraiment de pédagogie ? La conférence du Cnesco de 2016 a indiqué des pistes pour travailler la compréhension au collège et au lycée. C’est sur ce terrain là que le Café pédagogique vous conduira dès le 3 décembre et la publication des résultats de Pisa.
F Jarraud