On se rappelle de l’article 1 de la loi Blanquer qui impose « l’exemplarité » aux enseignants. Cet article avait fait débat après la publication par le Café pédagogique de l’argumentaire proposé par le ministère aux députés pour expliciter le contenu d’un article 1 qui paraissait très vague. Déjà le ministère montrait l’usage disciplinaire qu’il comptait faire de cet article. La lettre d’information juridique du ministère reprend cette argumentaire.
Les réactions à cet article avaient conduit le ministre et la majorité à promettre une réécriture de l’article qui s’est avérée fort modeste au final. La lettre d’information juridique du ministère, dans son édition de novembre, vient rappeler de façon claire les intentions ministérielles.
« L’article 1er inscrit, dans un nouvel article L. 111-3-1 du code de l’éducation, le « lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation », auquel contribuent « l’engagement et l’exemplarité des personnels de l’éducation nationale »… Ces dispositions reprennent les termes de la jurisprudence du Conseil d’État qui, dans une affaire impliquant un enseignant pour des faits d’atteinte sexuelle sur mineurs en dehors du service, avait invoqué « l’exigence d’exemplarité et d’irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, y compris en dehors du service, et compte tenu de l’atteinte portée, du fait de la nature des fautes commises par l’intéressé, à la réputation du service public de l’éducation nationale ainsi qu’au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service » (C.E., 18 juillet 2018, Ministre de l’éducation nationale, n° 401527, aux tables du Recueil Lebon). Cette jurisprudence est, depuis, régulièrement appliquée par les juges du fond (cf. C.A.A. Douai, 8 novembre 2018, Ministre de l’éducation nationale, n° 16DA01028, ou C.A.A. Douai, 21 février 2019, n° 17DA00665, LIJ n° 206, mai 2019) », écrit la lettre.
C’est exactement ce qu’exprimait déjà la direction des affaires juridiques en présentant la loi. L’article 1 n’est là que pour donner une base légale à des sanctions des enseignants pour des cas qu’il n’est pas possible de sanctionner autrement. La référence reste la même : le cas d’un enseignant pédophile mais non sanctionné en justice mais écarté du service par l’administration au nom de l’exemplarité.
Dans le justificatif de la loi Blanquer l’administration donnait d’autres exemples qui ne sont pas repris comme les propos d’enseignants sur les réseaux sociaux sur l’institution.
La finalité de l’article 1 reste la sanction au nom de l’exemplarité de ce qui ne peut être sanctionné autrement. En d’autres termes, il ouvre la porte aux abus d’autorité et dans l’immédiat aux pressions hiérarchiques. C’est peut être pour cela que cet exemple apparait deux fois dans la Lettre d’information juridique.
Cela ne concerne d’ailleurs que les enseignants. La LIJ cite le cas d’un gestionnaire insultant copieusement et publiquement son principal mais qui ne sera pas inquiété. L’obligation d’exemplarité ne concerne pas les cadres…