On peut faire de la vraie géographie – et la faire aimer – dès le CM1. C’est ce qu’a découvert Julie Bidi. Professeure des écoles à Paris, elle organise une véritable sortie de terrain pour ses élèves de Cm1 qui découvrent les réalités de la ville et les fonctions urbaines. Si faire de la géographie c’est expliquer les localisations, alors ça passe mieux sur le terrain qu’en classe.
Jeune enseignante dans une école du quartier République de Paris, Julie Bidi ne manque ni d’énergie ni d’initiative. Sortir une classe de jeunes enfants de Cm1 pour les faire travailler en ville, sur les trottoirs, suppose une solide organisation rien que sur le plan de la sécurité. La sortie de terrain géographique suppose aussi un bon bagage géographique. Julie Bidi n’en manque pas après un master de géographie. Elle revient sur cette expérience relatée dans un article de la revue de géographie Feuilles de géographie.
Lors d’une sortie sur le terrain avec de jeunes élèves, qu’apprend-on sur leur représentation de l’espace ?
C’est la première étape de la sortie : leur faire représenter leur espace. Puis y aller. On constate une grande diversité entre les enfants. Certains sont perdus. Ils n’ont jamais remarqué tel ou tel lieu important. D’autres connaissent leur quartier en détail. Tout dépend des sorties avec leurs parents. Certains parent leu font observer des choses. Certains élèves sont aussi plus autonomes dans leurs sorties que d’autres.
Alors c’est intéressant de leur faire confronter leurs représentations. Ils constatent qu’ils ne voient pas la même chose. Ca permet de leur faire saisir ce qu’est une représentation de l’espace et qu’on ne voit pas le même espace de la même façon car on ne l’habite pas de la même façon. C’est important car le programme du cycle 3 met l’accent sur l’habiter.
Vous dites qu’ils ont une représentation égocentrique de l’espace .Que voulez vous dire ?
Le Cm1 ce sont les premières leçons de géographie. Ils n’ont pas encore de compréhension de l’espace. Ils ne connaissent ni les types d’activités ni les types d’espace.
Alors ils ramènent leur espace à eux. Ils dessinent tous leur maison en premier. Puis tout ce qui contribue à leur vie quotidienne: « leur » boulangerie etc. C’est tout à fait normal. Mais c’est difficile pour le professeur de les en détacher…
Vous dites qu’il doivent apprendre à raisonner la géographie. Que voulez vous dire?
Ils doivent apprendre à se poser des questions. Ils doivent se demander pourquoi tel objet d’étude est là.
Pour cela la sortie est d’une grande aide. En classe c’est moi qui pose les questions. Quand on est dehors le questionnement vient davantage d’eux. Par exemple ils se sont demandés pourquoi les stations de métro sont à tel endroit plutôt qu’à tel autre. Ils se sont interrogés aussi sur l’emplacement de leur boulangerie et aussi de leur école. Ils ont aussi une foule de questions sur des détails, des façades d’immeubles par exemple.
Dans le quartier qu’ils ont visité il y a beaucoup de commerces africains dans une rue, une rue avec des théâtres et des cafés. Le regroupement et la spécialisation de ces rues est apparu dans la discussion. Ils ont tous vu la même chose dans la même promenade et ça aide à faire comprendre ces principes d’organisation de l’espace. Ca resservira plus tard…
Quelles difficultés rencontrez vous dans l’organisation des ces sorties ?
Il y a la question de la sécurité. Il faut diviser la classe en petits groupes et donc trouver des accompagnateurs. On prépare soigneusement en classe la sortie en étudiant un plan. Et on rappelle les règles juste avant la sortie. Ca demande donc une certaine préparation. Des collègues peuvent avoir peur aussi des réactions des enfants dehors. Mais en fait les groupes sont plus faciles à gérer dehors qu’en classe.
Quel bilan personnel faites vous de cette sortie ?
Qu’il est nécessaire de sortir les élèves. On apprend mieux lors et après une sortie de terrain que dans un enseignement frontal classique. Un autre enseignement c’est que la sortie fait aimer la géographie, une nouvelle discipline qu’ils découvrent. Et c’est important pour leur avenir qu’ils aiment les disciplines.
Propos recueillis par F Jarraud