Le bulldozer redémarre… Alors qu’au premier étage le 5 novembre on présentait une nouvelle politique remplaçant l’éducation prioritaire, au rez de chaussée les syndicats examinaient « les lignes directrices de gestion ministérielle » des enseignants et autres personnels de l’éducation. Autrement dit les principes de gestion en matière de mobilité telles qu’elles ressortent de l’application de la loi de transformation de la fonction publique adoptée en août 2019. La loi supprime les compétences des commissions paritaires en la matière. La gestion des carrières devient du seul domaine de l’administration et des chefs directs des enseignants et personnels. Cet effacement des syndicats signe la revanche de l’administration. Une véritable révolution pour les enseignants se joue dans ce CTM.
La loi qui met fin à la cogestion
Adoptée cet été, la loi de transformation de la fonction publique a profondément transformé le statut des fonctionnaires et, en première ligne, des enseignants. Le texte met à plat le statut de fonctionnaire et prépare la généralisation de la contractualisation alors que le président de la République souhaite 120 000 suppressions de postes de fonctionnaires. Parmi les mesures adoptées en 1ère lecture, signalons la fin du contrôle par les commissions paritaires de l’avancement et de la mobilité des agents, la généralisation de la contractualisation pour quasiment tous les emplois, l’évaluation du mérite par le supérieur hiérarchique direct avec effet salarial, la possibilité de rompre le contrat de fonctionnaire simplement, le détachement d’office dans une entreprise privée, etc. Avec cette loi, le gouvernement « modernise » la Fonction publique en faisant sauter les verrous du contrôle syndical. L’avenir du fonctionnaire semble être le management privé.
Le texte présenté le 5 novembre en commission technique ministérielle porte sur les mobilités. Il concerne tous les personnels. » La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a introduit dans la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat des dispositions prévoyant l’élaboration de lignes directrices de gestion par les administrations en matière de mobilité. Les présentes lignes directrices de gestion du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse en matière de mobilité sont applicables : aux personnels enseignants des premier et second degrés, d’éducation et aux psychologues de l’éducation nationale ; aux personnels administratifs, techniques, sociaux et de santé (ATSS) ; et aux personnels d’encadrement : personnels de direction d’établissement d’enseignement ou de formation, personnels d’inspection ». Le texte aborde le recrutement et les mouvements annuels de ces personnels.
Postes à profil
Le texte prévoit la multiplication des postes à profil. « Le ministère souhaite développer le nombre de postes spécifiques aux niveaux national, intra académique et intra départemental.. Dans le cadre du mouvement intra académique, les recteurs s’attachent à identifier, en lien avec les corps d’inspection, et avec les chefs d’établissement, les postes requérant des qualifications, compétences ou aptitudes particulières, au regard des besoins locaux et des spécificités académiques ».
La mobilité sous controle de l’administration directe seule
Durant les démarches de mobilité seule l’administration peut informer les personnels. « Des conseils et une aide personnalisés sont ainsi apportés aux agents dès la conception de leur projet de mutation et jusqu’à la communication du résultat d’affectation ».
Car la procédure sera totalement retirée aux commissions paritaires. Les syndicats ne pourront plus vérifier la procédure utilisée par l’administration et sa régularité au regard des textes. Ils ne pourront pas plus intervenir pendant la phase de mobilité.
L’enseignant seul face aux erreurs et aux pressions
C’est seulement après que la décision de mutation ait été prise que l’enseignant (ou le membre du personnel) pourra attaquer l’administration devant le tribunal administratif. « Les personnels peuvent former un recours administratif contre les décisions individuelles défavorables prises au titre de l’article 60 de la loi du 11 janvier 1984 lorsqu’ils n’obtiennent pas de mutation ou lorsque devant recevoir une affectation, ils sont mutés dans une académie ou un département ou une zone ou sur un poste qu’ils n’avaient pas demandé(e). Dans ce cadre, ils peuvent choisir un représentant désigné par une organisation syndicale représentative de leur choix pour les assister ». La loi fixe des contraintes aux organisations qui pourront intervenir.
Le 5 novembre les syndicats Fsu, Unsa, Cfdt, FO, Cgt et Snalc ont voté unanimement contre ce texte qui dynamite plus d’un demi siècle de gestion paritaire de la Fonction publique et livre les personnels entièrement dans les mains de leur chef direct sans aucun controle.
Une rupture définitive des statuts
Les syndicats Cgt, FO, Fsu, Snalc, et Unsa ont présenté un voeu affirmant « leur opposition « aux principes hérité de la loi du 6 août 2019″… et rappelant « leur attachement à l’égalité de traitement des agentes et agent pour tous les éléments de leur carrière et à la transparence sur les modalités de leur gestion, égalité et transparence qui ne peuvent être garanties que par le maintien et le renforcement des compétences des commissions administratives paritaires ».
Le rejet de ce texte le 5 novembre entraine la convocation d’un nouveau CTM pour examiner très probablement le même texte. Il aura lieu le 13 novembre.
La réforme vise à effacer l’influence des syndicats et à les affaiblir définitivement. Elle met aussi les enseignants et personnels sous la gestion directe et sans controle de leur chef immédiat. Ce mercredi 13 devrait voir s’amorcer un tournant dans le statut des fonctionnaires de l’Education nationale. Ce sera la date de l’enterrement de la cogestion des carrières. Avec ce texte c’est un verrou que le ministre veut faire sauter définitivement. S’ily parvient une nouvelle ère commence.
François Jarraud