Travailler la résolution de problème en maternelle ? Pas toujours évident mais pourtant nécessaire. Beaucoup de professeurs des écoles ne savent comment s’y prendre. Séverine Haudebourg s’en est très rapidement aperçue lorsqu’elle-même s’y est attelée. Cette jeune enseignante et directrice de l’école maternelle d’Arudy (64), petit village de la vallée d’Ossau dans les Pyrénées Atlantiques et titulaire d’un CAFIPEMF (ndlr : formatrice), a toujours aimé se lancer des challenges. Problemater en est un exemple.
« Ce projet, c’est vraiment la combinaison d’un besoin et d’une envie. Le besoin de travailler un domaine que je ne savais pas trop comment aborder et l’envie de travailler à plusieurs, en collaboration avec d’autres enseignants et enseignantes. C’est donc tout naturellement qu’elle a pensé à Twitter. C’était à l’époque le seul endroit où je pouvais trouver des collègues motivés pour se lancer. Il y avait clairement un vide… C’est ce qui m’a décidée. L’idée a fait ensuite écho auprès de nombreuses personnes qui se rendent compte que la résolution de problème est peu abordée en maternelle…. Et ça c’est un problème justement » explique Séverine.
Aborder la résolution de problème de façon ludique
L’idée est simple, à priori, aborder la résolution de problème avec des enfants de moins de six ans de façon ludique. La mise en réseau permet aux enseignants d’échanger leurs pratiques et aux élèves de se lancer des défis. « Chaque classe participante travaille avec une ou deux classes partenaires sur un thème commun qu’elle ont choisi. Cela peut être dans le domaine de la numération, des formes géométriques, des grandeurs et des mesures, de la programmation de robots … ». Séverine reçoit les inscriptions des enseignants volontaires à chaque période et en fonction des profils, niveau, thème de travail choisi, elle associe les classes. Et puis après ? Chacun travaille comme il le souhaite. Sévérine les met en relation et assure une sorte de « service après-vente » pour aider les participants. « Ce qui est important, c’est de s’inscrire pour avoir accès aux ressources qui sont collaboratives. Ensuite le parcours est assez libre. Je laisse ces classes définir entre elles leur fréquence d’échanges, de problèmes créés, etc. Je propose le cadre des échanges et des pistes de progression et des exemples d’énoncés. Les collègues se l’approprient ensuite à leur manière. Et je tiens à cette liberté proposée ». Les classes communiquent ensuite entre elles et sur différents types de médias, Twitter, Edutwit ou tout simplement par mail. « Il y a des partenariats entre classes distantes de milliers de kilomètres… »
Un projet en trois phases
Dans un premier temps, les enseignants familiarisent leurs élèves à la résolution de problème, le projet servant de prétexte à cet apprentissage. C’est toujours plus agréable de travailler à cet âge-là lorsqu’on pense participer à un jeu… « Chaque classe s’entraîne pour faire de la résolution de problème une habitude avec un travail sur le vocabulaire. Pour cela, l’enseignant peut piocher dans une banque-ressource de problèmes que je mets à disposition ». C’est dans un second temps qu’intervient la, ou les, classe binôme, « les élèves en viennent à comparer leurs procédures, à tester d’autres démarches, à valider ou invalider des solutions… Ils s’encouragent et se corrigent ». La dernière étape est la plus importante. Les élèves devront créer un ou plusieurs problèmes qu’ils soumettent à la classe partenaire. « C’est la phase plus riche pédagogiquement car elle permet de passer à un autre niveau de maîtrise. Les élèves savent que leur énoncé devra être clair et pertinent sans quoi leurs correspondants ne pourront le résoudre. La comparaison des procédures et la correction sont toujours importantes dans cette dernière phase ». Le langage est la clé du projet. « Problemater permet de développer ces compétences langagières plus expertes et propres au milieu scolaire ; celles qui éclairent ce qui est attendu à l’école et qui favorisent une meilleure réussite des élèves ».
Enseigner la résolution de problème en maternelle, innovant ?
Enseigner la résolution de problèmes, en tout cas sous cette forme, est assez innovant ou pour ne pas froisser les allergiques à ce terme, est assez rare pour être mentionné. Pour Séverine, « Innovant je ne sais pas, mais il est certain que ce domaine est trop peu travaillé à l’école maternelle. Il est devenu ces derniers temps un enjeu majeur de l’école élémentaire avec le Plan Vilani/Torossian par exemple. Pour ma part, je suis convaincue qu’il ne faut pas attendre l’élémentaire pour aborder la résolution de problème. Les enseignants et enseignantes de maternelle ont leur part à faire également ! Il est tout à fait possible de travailler ceci dès le plus jeune âge. C’est ce que Problemater cherche à démontrer. On peut faire entrer les enfants dans la complexité, pourvu qu’elle soit bien pensée et ludique ».
Problemater, tout comme de nombreux projets innovants, permet de créer du lien, de réinventer et se réapproprier la professionnalité. Les enseignants veulent travailler en équipe, la preuve, ils se consistent en collectifs informels à la première occasion… Problemater en est à sa cinquième année d’édition. Dix classes participaient au projet lors de la première année, plus de cinquante en 2018-2019. Les inscriptions pour la prochaine période qui débute en novembre ne sont pas encore terminées, alors plus qu’à s’inscrire….
Lilia Ben Hamouda