Après 48 heures d’agitation politique, le premier ministre a tranché publiquement le différend porté par JM Blanquer dans la majorité. Le 15 octobre, répondant à une question d’un député LR, il a déclaré en termes non ambigus que son gouvernement ne reviendrait pas sur la question des accompagnatrices voilées. Des propos qui montrent le discrédit dans lequel Matignon tient Grenelle.
» C’est bien évidemment à condamner et c’est idiot d’en arriver à ce type de situations.. Le voile n’est pas souhaitable dans notre société. On est de plus en plus dans une situation de confusion alors que ce qu’il faut ce sont des règles de droit à respecter. Là en l’occurrence, ce n’était pas interdit de porter le voile… Vous avez d’une part ce que dit la loi – elle n’interdit pas aux femmes voilées d’accompagner les enfants – mais c’est certain nous n’avons pas envie d’encourager ce phénomène ». Le 13 octobre, commentant les propos d’un élu du conseil régional de Bourgogne Franche Comté qui avait pris à partie publiquement une mère voilée accompagnant une classe, le ministre de l’éducation nationale mettait à égalité l’agresseur et sa victime et déclarait non souhaitable ces accompagnatrices. Ces propos ambigus sont récupérés par l’élu bourguignon pour justifier ses actes. Ils venaient après d’autres déclarations, comme en 2017, où le ministre annonçait l’interdiction du voile, mesure qu’il avait prise comme Dgesco en 2012.
Ces propos ont entrainé une crise interne à LREM. Aurélien Taché, député LREM, dénonce le 14 octobre « la confusion » entretenue par le ministre. En réaction, JM Blanquer demande que le député soit sanctionné voire exclu du parti. La crise éclate. Et Edouard Philippe rend son arbitrage publiquement lors des questions au gouvernement devant l’Assemblée.
Devant JM BLanquer et l’assemblée, le premier ministre déclare : « La France est une république qui a progressivement placé la laïcité au cœur de ses valeurs. L’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, du 26 août 1789 affirme – je ne crois pas qu’il soit inutile d’en rappeler les termes dans cette Assemblée – : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. » D’autre part, vous le savez comme moi, la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des Églises et de l’État, rappelle le principe de liberté de conscience puis prévoit que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » La laïcité suit donc un double principe : la liberté des citoyens de croire ou de ne pas croire et la neutralité absolue des pouvoirs publics s’agissant de faits religieux. En application de ces textes, le droit – c’est-à-dire la loi qui s’applique – est très clair. S’agissant des agents du service public, ils sont astreints à un strict devoir de neutralité, qui leur interdit de manifester leurs croyances religieuses, comme leurs convictions politiques, par des signes extérieurs, notamment vestimentaires. Quant aux usagers, ils ne sont pas soumis à l’exigence de neutralité, sauf exception prévue par la loi… Il en existe une, très importante, résultant de la loi du 15 mars 2004, qui a posé un principe très clair : « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. » Cette interdiction, vous le savez parfaitement, monsieur le député, ne s’applique pas aux parents d’élèves, non plus qu’aux étudiants. C’est la loi… On peut porter un voile quand on accompagne une sortie scolaire.. Tel est l’état du droit. Je ne crois pas inutile, au sein de l’Assemblée nationale, de rappeler ce qu’est le droit, ni de rappeler ce qu’est la loi ! Je ne pense pas, pour ma part.. que l’enjeu aujourd’hui soit de voter une loi sur les accompagnants scolaires… La laïcité à laquelle vous et moi tenons, à laquelle tous ici nous tenons, suit un principe de liberté et de neutralité ».
Pour JM Blanquer c’est un désaveu public et une défaite devant le parti LREM. Pour la majorité, après le trouble jeté par la loi sur l’école de la confiance, puis la crise de cet été sur le bac, à nouveau le ministre de l’éducation nationale est une source de problèmes. L’opposition entre le ministre de l’ éducation nationale et le premier ministre est maintenant publique.