A peine rentré et déjà à la peine. JM Blanquer a consacré beaucoup de temps, le 3 octobre, à tenter d’apaiser la colère résultant du suicide de C. Renon. Après des interventions maladroites dans les médias, où il n’a pu s’empêcher de remettre la responsabilité de la crise sur les journalistes, JM Blanquer a fait des annonces lors d’un comité technique ministériel. Pour résoudre la crise, il annonce un comité de suivi national et des groupes de travail dans les départements. Il s’engage à chercher le consensus avec les syndicats sur le statut des directeurs. Alors que la question du statut des directeurs oppose les syndicats, ceux ci ont réussi à s’unir dans leurs propositions. Les conditions d’un vrai consensus sont-elles réunies alors qu’à l’Assemblée s’engage une manoeuvre pour créer des chefs d’établissement du premier degré ?
Maladresses sur RTL
Alors que l’intersyndicale du premier degré a fait du 3 octobre une journée d’hommage à C Renon et, avec elle, à toutes les victimes du travail enseignant, JM BLanquer voulait désamorcer les tensions par une annonce en intervenant tôt le matin du 3 octobre. Il a bien fait son annonce, un « comité de suivi » supplémentaire. Mais avec des maladresses qui ont mis au second plan son offre de dialogue.
« Je suis resté deux heures. J’ai dialogué avec les collègues de la directrice le temps nécessaire », répond il sur RTL à la question de la journaliste sur son retard à avoir rencontré l’équipe de l’école de Pantin. Quand on lui fait remarquer que certains directeurs font 60 heures pars semaine il répond que « quand on est en responsabilité il arrive qu’il y ait des dépassements d’heures. Le surcroit de travail est le propre des fonctions de responsabilité ».
Le problème ce sont les journalistes pas le ministère
Et quand la journaliste de RTL lui demande si les réformes ne risquent pas de créer une situation du même type que France Telecom, JM BLanquer répond que « poser la question fait partie du problème. Vous les journalistes quand vous mettez de l’huile sur le feu, quand on donne le sentiment sans arrêt que tout est en crise, que rien ne va plus, à la fin on crée cette nervosité qui évidemment a des conséquences ».
Du coup ses annonces : la création d’un comité de suivi des fonctions de directeur, la nécessité de faire évoluer le statut des directeurs mais en cherchant le consensus, deviennent inaudibles.
Comme si cela ne suffisait pas, JM Blanquer débarque, un peu plus tard, en pleine émission des Grandes Gueules, d’une façon aussi maladroite.
Des syndicats unis avec des propositions communes
Pourtant JM Blanquer a visiblement l’intention de dénouer vraiment la crise. On le voit lors du comité technique ministériel où un vrai dialogue s’engage avec les syndicats. Pour une fois, les syndicats, fort divisés sur la question des directions d’école, se sont unis et présentent un cahier de revendications à JM Blanquer.
La FSU, l’UNSA-Education, le Sgen-CFDT, la CGT et Solidaires « demandent des actes forts, des décisions rapides et concrètes non seulement pour la direction d’école et pour le premier degré, mais aussi pour tous les personnels ». Leurs revendications tiennent en 6 points.
« Les directeurs et directrices ont besoin de temps pour assurer leurs missions auprès du public et de l’équipe dans les écoles, il faut davantage de décharge de direction, un remplacement effectif des directeurs et directrices sans décharge pour que les jours de direction ne soient plus un leurre », demandent-ils. « Il faut limiter drastiquement les sollicitations faites aux directeurs et directrices pour que cesse la taylorisation de leur travail ».
Concernant les enseignants, » les enseignants sont experts de leurs métiers, il faut sortir d’un pilotage injonctif », disent les syndicats. « Les remplacements doivent être assurés. Des postes doivent être créés et pourvus par des titulaires pour que l’intensification du travail cesse et que le travail reprenne sens pour toutes et tous. Une réelle médecine du travail et de prévention doit se déployer. L’analyse des suicides déjà réclamée collectivement en CHS-CT MEN doit enfin voir le jour : l’analyse de la prévalence des suicides et des congés maladies au prisme des conditions de travail doit servir à construire une réelle politique de prévention des risques psychosociaux pour tous les personnels ».
Un budget qui ne permet pas de répondre à la crise
Autant de points qui auraient un impact budgétaire. Comme le fait remarquer le Sgen Cfdt en séance, » certes le budget progresse, certes globalement le ministère ne supprime pas de postes, cependant, il ne résoudra pas la problématique d’intensification du travail que nous avons développé. Afin de proposer un service public d’Éducation de qualité et de répondre aux missions tentaculaires et chronophages que rencontrent tous les personnels de notre Ministère de tutelle, les chevilles ouvrières seront encore contraintes de mal faire leur travail ».
Blanquer lance une consultation et promet le consensus
JM Blanquer n’a pris aucun engagement sur ces points. Mais il explique que « l’immobilisme ne peut pas continuer » mais que « le consensus est indispensable ». « Il n’avancera pas sans les syndicats », même s’il a des idées sur ce qu’il faut faire.
Il annonce « un comité de suivi » sur la fonction de directeur avec les syndicats, doublé de groupes de travail départementaux qui pourront travailler à partir d’un questionnaire qui va partir dans les écoles. Un CHSCT sera consacré spécifiquement àla question du risque de suicide dans l’éducation nationale.
Voie consensuelle ou voie politique ?
Ainsi s’amorce une fin de crise. Mais tout reste à construire. Comment le ministre utilisera-t-il le questionnaire et les groupes de travail ? Ne s’agit-il pas de s’affranchir des organes existants : CHSCT, CTM , CSE ? Alors qu’il renvoie la responsabilité de la crise à la presse et n’y reconnait aucune part, est-il vraiment capable d’aller au bout d’un consensus ? Alors que depuis des années il a pris position pour la mise en place de chefs d’établissement dans les écoles, peut-on croire qu’il n’imposera pas cette mesure ? Alors qu’il a tenté de le faire avec les EPSF et qu’à nouveau une manoeuvre s’engage à l’Assemblée avec une proposition de loi, le gouvernement a-t-il vraiment choisi la voie du dialogue ou compte-il simplement utiliser le suicide de C Renon pour faire passer à l’automne ce qu’il a échoué à mettre en place au printemps ? Une partie de la réponse se trouve dans le front commun des syndicats et l’émotion des enseignants.
François Jarraud