Dans la salle de classe, dans l’établissement scolaire, on parle souvent de maintenance et de formation et souvent sous le prisme du manque. Du côté des techniciens informatiques (de l’établissement, de la collectivité ou de l’académie) et des formateurs, on discute le périmètre et la forme de chacun de ces deux termes, sans toujours être convaincus du manque. Des deux côtés, les tensions s’expriment. Du côté des enseignants s’exprime une sorte d’incompréhension et de frustration au vu des difficultés rencontrées au quotidien. Du côté des formateurs et des informaticiens, une autre exaspération s’exprime, celle de voir nombre d’enseignants ne pas maîtriser suffisamment les moyens numériques et de demander constamment de l’aide et parfois de façon désagréable. Ils ressentent d’autant plus mal les demandes des enseignants qu’elles sont presque toujours en forme de reproche ou de réclamation. D’un côté comme de l’autre, il y a de l’incompréhension et un sentiment désagréable de ne jamais y arriver.
Quel partage pour la maintenance ?
Depuis la loi de 2013, pour l’enseignement public, la maintenance est de la responsabilité des collectivités territoriales. Le texte officiel précise : Article 21, Le premier alinéa de l’article L. 213-2 du même code est ainsi rédigé : « Le département a la charge des collèges. Il en assure la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement. A ce titre, l’acquisition et la maintenance des infrastructures et des équipements, dont les matériels informatiques et les logiciels prévus pour leur mise en service, nécessaires à l’enseignement et aux échanges entre les membres de la communauté éducative sont à la charge du département. » (Loi n°2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République). Le texte prolonge cette maintenance aux lycées (généraux, techniques et agricoles). Pour le primaire les choses sont un peu différentes du fait de l’antériorité des textes comme le montre un document du DSDEN des Charentes Maritimes) qui précise bien le rôle de la municipalité.
Il faut rappeler ici que si la maintenance technique est de la responsabilité légale des collectivités et la « maintenance pédagogique » est celle de l’éducation nationale. Les choses en réalité sont rarement aussi claires que cela. Pour l’enseignant qui entend parler d’infogérance cela lui paraît exotique, car ce qu’il veut c’est que ça marche dans la classe au moment où il en a besoin. Pour les responsables c’est alors la foire d’empoigne si une véritable coopération n’a pas été mise en place. En effet nous avons souvent observé qu’un symptôme de dysfonctionnement n’est pas forcément suffisant pour identifier l’origine du problème, il faut aller voir plus loin, à condition que cette coopération existe réellement. On connait bien la technique de la « patate chaude » qui permet à chacun de reporter sur l’autre la cause du problème ou l’insuffisance des solutions… Les transferts de compétences et d’intervention entre les collectivités et les académies sont rarement aussi tranchés que les textes le suggèrent. Il y a bien sûr des zones de recouvrement comme par exemple la question de la sécurité des systèmes et la sécurisation des accès (contrôle et suivi). N’oublions pas qu’un ENT est payé par la collectivité mais que son utilisation relève de la dynamique académique et de l’éducation nationale…
De quelle maintenance s’agit-il ?
Mais de quoi a-t-on réellement besoin ? Au cœur de la pratique de classe l’enseignant a d’abord à s’assurer, en temps réel, des élèves qu’il encadre et à garantir qu’un travail d’apprentissage, conforme aux textes officiels, s’effectue. A partir de là il a la possibilité de choisir les instruments pertinents et l’organisation pédagogique et didactique qui corresponde, c’est principalement cela qui constitue la liberté pédagogique. Afin de répondre à ces attentes et ce cadre, les moyens informatiques et numériques sont désormais habituels mais très disparates d’un établissement à l’autre, parfois d’une salle de classe à l’autre. Il faut donc s’adapter… Les enseignants qui travaillent sur plusieurs établissements connaissent bien ces contraintes et souvent les déplorent. Les collectivités tentent elles de trouver un moyen terme entre équipement massif et standard, équipement par projet, mais aussi prise en compte des acquisitions propres des établissements (par choix budgétaire en conseil d’administration et ou de direction). Le cadre d’équipement est déjà à questionner. Vient alors la question du fonctionnement. Dès le début des années 1980, quand les lycées professionnels et techniques ont engagé des enseignements sur poste informatique, la question de la maintenance a été essentielle. Pour celui ou celle qui, dans l’établissement, essayait de proposer un suivi se posait deux questions principales : compétences des enseignants, fiabilité des installations. Certes il reste souvent des problèmes à résoudre, mais ils sont contenus dans le cadre de contrainte lié aux nécessités de l’enseignement professionnel. Or cela ne semble pas être le cas dans l’enseignement général !
De nombreux intervenants (animateurs TICE du premier degré par exemple) témoignent de la centration quasi systématique des demandes sur les questions techniques : résolution de dysfonctionnements locaux, évolution des compétences des acteurs locaux par la formation. En fait les deux sont liés dans de nombreux cas mais l’entrée par le problème technique reste une base qui permet à l’intervenant de ne pas trop s’affronter avec les personnes qui ne « veulent pas apprendre ». Du coup le problème remonte vers les techniciens informatiques. Le problème posé est celui des technologies en constante évolution. C’est bien sûr le cas de l’informatique, il suffit de relire l’histoire récente pour s’en rendre compte. L’arrivée sur le marché d’une nouvelle proposition technique ne signifie pas que celle-ci soit stable d’une part et qu’elle soit facile à maîtriser. Changement de version de logiciel, changement de type de matériel, etc.… ces changements induisent quasi systématiquement des ajustements. L’exemple le plus visible est celui de la liaison Internet au sein des établissements scolaires. Il suffit d’un modeste incident pour transformer un cours en séance de dépannage ou simplement en un retour à des moyens plus stables type papier/crayon.
Que veut dire adapter les moyens numériques ?
Quand on met en place une maintenance technique et pédagogique de proximité (dans l’établissement) il devient rapidement impossible de s’en passer. Tout au moins les utilisateurs le voient-ils comme cela, ils veulent du « juste à temps ». Et pourtant le coût réel de cette maintenance est important et parfois on s’interroge sur le périmètre de ces actions. A la dimension purement technique et pédagogique s’ajoute la dimension administrative qui fait aussi partie des usages sensibles. Cette dimension est prioritaire le plus souvent dans l’établissement. Les utilisateurs peuvent aussi avoir tendance à privilégier l’appel à l’aide plutôt que le développement de leurs compétences propres (parfois avec raison, certaines compétences techniques les détournant de leur mission principale). C’est là que l’articulation entre les différentes dimensions doit être pensée. Les différentes formes d’utilisation de l’informatique dans l’établissement scolaire n’imposent pas les mêmes exigences en particulier sur le plan purement technique et maintenance. Si la Cour des Comptes rappelle l’importance des infrastructures, elle ne distingue pas ces besoins, or ils sont importants et différents selon les cas.
Les enseignants sont face à des injonctions (PIX, évaluation en 6è etc.…) qui s’ajoutent aux autres injonctions des programmes. Les moyens numériques doivent être adaptés. C’est cette démarche d’adaptation constante qu’il va falloir travailler par tous les responsables d’où qu’ils soient. Articuler formation, accompagnement, maintenance, est au cœur du problème, cette articulation est trop souvent négligée….
Bruno Devauchelle
Loi d’orientation de 2013 qui précise les compétences des collectivités