Aucun texte national n’impose et organise l’hommage rendu par les écoles et établissements scolaires à Jacques Chirac. Faute de cadrage, c’est localement que le « moment de recueillement » va prendre sa forme sous impulsion des rectorats et des inspecteurs. Sur les réseaux sociaux des enseignants témoignent de leur refus et proposent plutôt un moment pour Christine Renon.
Le seul texte officiel sur lequel se fonde l’hommage rendu à J Chirac est la circulaire interministérielle d’Edouard Philippe publiée au JO du 27 septembre. » Les enseignants qui le souhaitent pourront également consacrer un cours de cette journée à l’évocation de la mémoire de l’ancien chef de l’Etat », écrit le premier ministre.
Le 27 septembre, le ministère a fait savoir par voie de presse qu’un « moment de recueillement » sera « obligatoire » dans les écoles et établissements lundi à 15 heures. « Moment de recueillement » ne signifie pas forcément « minute de silence », situation dont on semble se méfier au ministère. On est donc dans une situation paradoxale où le ministère enjoint de procéder à un événement sans le définir. Dans le premier degré, l’entourage du ministre estime qu’il va falloir adapter le moment de recueillement à l’âge des élèves. On semblait conscient de ne pas perturber les élèves « au moins jusqu’à 10 ans » avec des sujets qui leur échappent. Par conséquent le ministère s’en remet à la hiérarchie locale et des instructions devraient être données localement par les recteurs et IEN.
Les enseignants pourront prolonger ce « moment » d’un cours sur J Chirac s’ils le souhaitent, ce n’est en aucun cas obligatoire. Des ressources pédagogiques sont publiées sur Eduscol. Un texte de l’Inspection générale met l’accent sur la dureté des combats pour le pouvoir et s’en tient au bilan en terme de politique extérieure et de fonctionnement institutionnel des années Chirac. En soi, cela montre la difficulté à faire un cours sur J Chirac.
Dans les académies, les instructions qui arrivent dans les établissements suivent ces consignes orales ministérielles. Seule la mise en berne des drapeaux semble s’imposer partout. « Selon les modalités qu’il vous appartiendra de fixer, vous veillerez à organiser à 15 heures un moment de recueillement permettant aux agents des services publics relevant de votre autorité ou placés sous votre tutelle de s’associer au deuil national », écrit un rectorat. La formule est reprise presque mot pour mot par un autre.
La suite relève d’une rédaction alambiquée et hyper prudente. « Les professeurs ainsi que les élèves participeront à ce moment. Cependant lorsqu’il s’agit , par exemple, d’élèves très jeunes ou d’élèves de maternelle qui font la sieste, il n’est pas toujours possible de les impliquer avec succès dans une minute de silence ni souhaitable de les réveiller à cette fin ».
Sur Twitter de nombreux enseignants manifestent leur réticence à propos de cette journée. Cet hommage pose un problème de fond aux enseignants qui est l’entrée du politique dans l’école. Si J Chirac est retiré des affaires depuis longtemps, il incarne un parti politique toujours existant et dont les membres ont encore des responsabilités. Il y a ensuite la personnalité même de J Chirac. Des enseignants rappellent les propos racistes tenus par l’ancien homme d’Etat, son populisme, les affaires… Difficile de donner du sens à cet hommage dans une école qui tient à ses valeurs.
Enfin cet appel à un « recueillement » à la mémoire de J Chirac contraste douloureusement avec l’indifférence de l’institution face au suicide de C. Renon et aux suicides ou tentatives précédents. Des enseignants le disent sans fard :s’il doit y avoir un moment de recueillement lundi c’est pour Christine et non pour Jacques. Tout cela explique peut-être la prudence, la méfiance et le curieux retrait du ministère pour cet hommage national qui sera surtout local…
F Jarraud