Comment faire face aux besoins et aux promesses ? Après bien des ministères, l’Education nationale dévoile le 27 septembre les propositions du gouvernement pour le budget 2020. De premiers documents budgétaires, publiés en juillet, complétés par des fuites courant septembre en font déjà connaitre les grandes lignes. Avec un milliard supplémentaire, JM Blanquer n’a pas les moyens de faire face aux engagements pris par le président de la République en avril et encore moins ceux d’une revalorisation réelle des salaires enseignants. Deux questions restent en suspens : combien de postes seront supprimés dans le second degré ? Comment faire face aux attentes des enseignants attisées par des années d’attente et le nouveau mode de calcul de leur retraite ?
Les grandes lignes du budget
Publié le 11 juillet, le premier « rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques » apporte des éclairage sur les plafonds de dépense des différents ministères. Retenons en les termes. « L’éducation nationale devrait voir son budget passer de 51.68 milliards à 52.72 milliards soit une hausse de 1.04 milliard. « Le budget du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse sera en hausse (+2,6 Md€ en 2022 par rapport à la LFI 2019), permettant notamment de mettre en oeuvre les annonces du Président de la République relatives au dédoublement de classes et à la limitation du nombre d’élèves en CP, CE1 et grandes sections de maternelles, ainsi que la montée en charge du service national universel », précise le ministère des comptes publics. « Par ailleurs, les effectifs seront stabilisés sur 2020 – 2022. Au total, la hausse sur le quinquennat atteindrait près de 4,5 Md€ pour permettre le renforcement des moyens de l’enseignement scolaire ».
Cette hausse d’un milliard en 2020 est importante dans des dépenses ministérielles totales qui ne vont augmenter que de 4.85 milliards. En fait l’éducation nationale est le second ministère qui voit son budget progresser, derrière les armées (+1.53 milliard) et devant la santé (+0.82), l’intérieur (+0.72) et l’écologie (+0.64). Mais , compte tenu de sa masse budgétaire, cela ne représente qu’une croissance de 2%. C’est moins que la santé (+6%), les armées (+4%) et l’intérieur (+4%) et autant que l’écologie (+2%). Somme toute l’éducation nationale augmente à peine plus que le budget total des ministères (+1.8%). Il suit simplement le taux d’évolution de l’inflation.
Pour situer cette hausse il faut la comparer à celle des années précédentes. En 2017, N Vallaud Belkacem avait arraché 3 milliards à Bercy. En 2018, JM Blanquer avait obtenu une hausse de 1.3 milliard, qui s’est avérée insuffisante pour les premiers dédoublements. D’autant que le ministre a eu la mauvaise idée de ne pas dépenser 260 millions. Le message a été reçu à Bercy : ces 200 millions sont perdus à jamais. En 2019 le budget de l’éducation nationale n’augmente que de 0.9 milliard. C’est pratiquement le cas en 2020 encore.
Un apport suffisant pour les nouvelles charges de l’éducation ?
Il faut aussi évaluer le budget par rapport à la hausse des charges de l’éducation nationale en 2020. On peut déjà retirer du milliard environ 300 millions correspondant à la hausse automatique du glissement vieillesse technicité (le fait que les fonctionnaires « montent » en ancienneté et gagnent plus). S’y ajoutent la revalorisation liée aux accords PPCR adoptés par le gouvernement précédent et repoussés d’un an par E Macron. Cela représente 300 millions. Le doublement des primes Rep+ devrait couter environ 100 millions. Plus difficile à évaluer est la prise en charge des AESH sur le budget éducation nationale. En 2019 cela représentait 200 millions. Il y a aussi le SNU dont les effectifs vont passer de 2000 jeunes en 2019 à 40 000 en 2020. Le cout estimé pourrait être un peu inférieur à 100 millions. On a dépensé le milliard.
De nouvelles suppressions de postes dans le second degré ?
Il y a pourtant un dernier élément à prendre en compte. Le 25 avril, E Macron a annoncé le passage à 24 élèves par classe pour toutes les classes de la GS de maternelle au Ce1 et le dédoublement des GS de l’éducation prioritaire. Cela représente 10 000 postes sur trois ans. Il faut donc financer environ 3 300 emplois par an dans le premier degré. Cela représente une charge d’environ 200 millions si le ministre veut créer des postes.
Mais c’est là qu’il faut se rappeler les termes du document budgétaire de juillet annonçant que « les effectifs seront stabilisés sur 2020 – 2022 ». Selon Le Parisien, la loi de finances 2020 prévoit bien une quasi stabilité avec 1 027 391 postes pour l’éducation nationale soit -0.1% par rapport à 2019.
Les ministères qui sont sacrifiés en 2020 seraient la Santé (-6%), l’écologie, les Comptes publics et l’Economie (-5%), le sport (-4%), les affaires étrangères (-3%). Ce sont les mêmes ministères qui gagneraient des emplois : armée, Intérieur (+1.5%), Justice (+4.5%), soit le pôle sécuritaire.
Si le nombre de postes est stable et qu’il faut trouver environ 3000 postes dans le premier degré, cela veut dire qu’automatiquement on en supprime autant dans le second degré. Le budget 2020 devrait porter un premier paradoxe : supprimer des postes là où les effectifs élèves augmentent (+ 28 000) et en ouvrir là où ils diminuent (-54 000). Second paradoxe : supprimer des postes là où on met en place une réforme au risque de confirmer que le principal objectif de la réforme n’était pas de mieux préparer les élèves mais d’équilibrer le budget…
Deux inconnues
La présentation du budget 2020 comporte quand même deux inconnues. La première c’est que la situation dans l’Education nationale a radicalement changé. Le ministre a du en rabattre sur ses projets par exemple lors de la loi Blanquer. Il s’est affaibli. Il a alimenté une contestation qui a atteint des sommets jamais vus avec le mouvement lors des épreuves du bac. Il a multiplié les promesses de revalorisation. La réforme sur les retraites devrait pénaliser lourdement les enseignants. Les enseignants n’en peuvent plus d’attendre une revalorisation et la pression va être forte si le budget ne répond pas à ces attentes.
Enfin il y a le style. Si JM Blanquer est assez prévisible puisqu’il applique en 2019 la politique de 2010, il faut reconnaitre que son cabinet fait preuve d’une remarquable inventivité conceptuelle et lexicale dans la présentation du budget. Tout l’art consiste dans une présentation adroite des suppressions de postes. Le premier exercice (2018) retirait 2600 postes en présentant l’opération comme indolore car « postes non pourvus ». En 2019, on en supprime autant mais là aussi sans douleur puisque ces postes sont « compensés par la hausse des heures supplémentaires ». On saura le 27 septembre quelle nouvelle formule peut farder une troisième ablation…
François Jarraud