On aurait presque envie de dire « ouf ». L’éducation nationale a présenté le 27 septembre son projet de budget pour 2020. En hausse d’un milliard, comme annoncé en juillet, il prévoit 440 créations de postes dans le premier degré et 440 suppressions dans le second. C’est plutôt une bonne nouvelle même si les postes d’enseignants manquants dans le second degré devraient en réalité approcher 1500 emplois. Pour atteindre ce résultat, le ministère n’opère pas de réelle revalorisation, utilise les évolutions démographiques et reporte à plus tard l’exécution d’une partie des promesses présidentielles. Au final, on a, pour la première fois depuis 2017, un budget présenté normalement, sans artifices et embrouilles. Et ça on n’y était plus habitué.
Un budget en forte hausse ?
Avec 52.7 milliards, le budget de l’éducation nationale augmentera d’un milliard en 2020. Dans l’entourage ministériel on souligne que ce milliard est la « seconde plus forte augmentation » (derrière les armées) et que le budget est en « forte hausse » avec une augmentation de près de 2%. On souligne aussi que cet effort « va profiter au personnel ».
En effet, cette hausse d’un milliard en 2020 est importante par rapport à des dépenses ministérielles totales qui ne vont augmenter que de 4.85 milliards. Mais , compte tenu de sa masse budgétaire, la hausse ne représente qu’une croissance de 2%. C’est moins que la santé (+6%), les armées (+4%) et l’intérieur (+4%) et autant que l’écologie (+2%). Somme toute l’éducation nationale augmente à peine plus que le budget total des ministères (+1.8%). La hausse sera t-elle supérieure à celle de l’inflation en 2019 ?
A écouter l’entourage du ministre la hausse d’un milliard est exceptionnelle et supérieur à ce qui était attendu. Mais pour situer cette hausse il faut la comparer à celle des années précédentes. En 2017, N Vallaud Belkacem avait arraché 3 milliards à Bercy. En 2018, JM Blanquer avait obtenu 1.3 milliard, ce qui s’est avéré insuffisant pour les premiers dédoublements. D’autant que le ministre a eu la mauvaise idée de ne pas dépenser 260 millions. Le message a été reçu à Bercy : ces 200 millions sont perdus à jamais. En 2019 le budget de l’éducation nationale n’augmente que de 0.9 milliard. C’est pratiquement le cas encore en 2020.
440 postes seulement créés dans le premier degré
La surprise de ce budget c’est la création de seulement 440 emplois dans le second degré et la suppression d’autant dans le second. Ces dernières temps ce sont 2500 postes qui ont été supprimés dans le second degré chaque année. Ramener ces suppressions à 440 est une surprise.
Le budget doit pourtant tenir compte des promesses d’Emmanuel Macron le 25 avril. E Macron a annoncé le passage à 24 élèves par classe dans toutes les classes de la grande section (GS) de maternelle au Ce1 et le dédoublement des GS de l’éducation prioritaire d’ici 2022. Cela représente environ 10 000 postes sur trois ans. Il faudrait donc financer environ 3 300 emplois par an dans le premier degré.
Le ministère mise sur deux points pour se contenter de 440 créations de postes. D’une part il va bénéficier de la baisse du nombre d’élèves dans le premier degré. En 2020 on devrait avoir 54000 élèves de moins au primaire ce qui représente environ 2100 postes. D’autre part le ministère a décidé de reporter une partie des mesures d’Emmanuel Macron à plus tard. D’après l’entourage du ministre, toutes les GS seront bien portées à 24 élèves en 2020. Mais les dédoublements des grandes sections en éducation prioritaire seront en partie reportés. Au ministère on explique que les municipalités vont avoir à payer les maternelles privées et qu’il de bon ton de ne pas trop les charger. Le ministère peut aussi reporter à plus tard cette mesure car la réforme de la formation des enseignants, avec le report du concours en fin de M2, devrait supprimer 25 000 postes en 2022. Au total le ministère pourra compter sur 2500 postes supplémentaires disponibles en 2020.
Cela ne couvre quand même pas toutes les promesses inscrites dans le document budgétaire ministériel. Ainsi l’accueil de 26 000 élèves supplémentaires en maternelle par application de la loi Banquer nécessiterait un millier d’enseignants dont on a besoin pour les dédoublements et le passage à 24 élèves par classe.
En réalité 1500 postes manquants dans le second degré
Si l’on regarde du coté du second degré, les effectifs élèves vont là aussi jouer leur rôle. Si l’on tient compte de la hausse de 28 000 élèves attendue en 2020, il faudrait environ 1100 postes supplémentaires. Ce ne sont donc pas 440 postes qui sont supprimés dans le second degré en 2020, mais 1500 qui vont manquer. Le déficit est plus bac qu’en 2018 et 2019 mais il est bien réel.
« La hausse du budget 2020 va profiter au personnel » assure t-on dans l’entourage du ministre en estimant à 800 millions les crédits dépensés pour la revalorisation. Et on promet pour cette année une réelle revalorisation en y ajoutant les autres mesures gouvernementales.
Quelle revalorisation ?
Selon le ministère la masse salariale augmentera de 823 millions en 2020. En effet les effets de carrière (GVT) vont consommer 300 à 400 millions. S’y ajouteront l’application, retardée jusque là , des accords PPCR signés en 2016. Cela représente 300 millions d’après le ministère. Enfin la prime de Rep+ sera augmentée de 1000 € annuels, pour un cout total de 59 millions. L’entourage de JM Blanquer précise que la prime sera attribuée de façon conditionnelle. Il avait été question de lier son versement aux résultats des élèves. Cela n’est pas confirmé. Au ministère on affirme que ce sera l’objet d’une négociation avec les syndicats.
Pour le ministère il faut ajouter à ces mesures d’autres points inscrits dans la loi de finances. D’abord les heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées. Selon l’entourage de JM BLanquer un certifié en milieu de carrière ayant 2 HSA toucherait 461 € de plus par an. A cela s’ajoutent les mesures fiscales générales prises par le gouvernement : la baisse du taux d’imposition sur les deux premières tranches de l’impôt sur le revenu : 350€ par an pour la première tranche.
Avec tout cela on est encore loin de ce qui est nécessaire pour une réelle revalorisation. Et la loi de finances n’annonce qu’une hausse de 800 millions du budget de l’éducation en 2021 et 2022. Pour le ministère le président et le premier ministre ont pris des engagements envers les enseignants et ils les tiendront.
La dernière mesure d’ampleur concerne le pré recrutement d’AED dans un parcours de pré professionnalisation. C’est une des mesures de la loi Blanquer. Pour l’entourage du président cela touchera 3000 AED en 2020 qui s’ajouteront aux 1500 de l’année précédente. On atteint ainsi un pourcentage important de recrutement d’enseignants hors de la voie habituelle.
Une interrogation demeure : les enseignants vont-ils attendre plus longtemps une revalorisation qui s’avère indispensable pour maintenir leur retraite et récupérer une partie de leur pouvoir d’achat ? Avec le budget 2020, rien ne change réellement sur ce terrain.
François Jarraud