Pourquoi l’évaluation des politiques publiques est-elle si inefficace en France ? Nathalie Mons est bien placée pour le savoir. Le Cnesco, qu’elle présidait, vient d’être supprimé par JM Blanquer. Dans la Revue française de pédagogie (n°202), elle se livre à une analyse des rapports entre politique et évaluation qui vaut le détour.
» Le dispositif recherche/praticiens (du Cnesco ) a été plus aisé à construire que la chambre d’interactions recherche-monde politique. Alors que la loi le permet, le Cnesco n’a ainsi jamais fait l’objet d’aucune saisine par les ministres de l’Éducation en place, quel que soit le quinquennat considéré, à l’exception d’une saisine sur les inégalités sociales à l’école lors de son installation. Ses recommandations ont peu réussi à se transformer en politiques publiques. Au mieux ses rapports ont-ils pu éclairer les réflexions ou certaines publications ministérielles (sur les mathématiques, la lecture par exemple) », écrit-elle. « Cette distance entre le Cnesco et le politique et ce faisant entre la recherche et la décision politique se trouve certainement expliquée par plusieurs causes, dont une partie est résumée par le politiste Leca dans la formule du « paradoxe de l’évaluation » (1993) : quand elle est possible pour le décideur, elle est inutile ; quand elle utile pour le décideur, elle est impossible à mener. En effet, les temporalités de la recherche, de l’évaluation et du politique varient fortement. La recherche et l’évaluation s’inscrivent dans le temps long, le politique tel qu’il est encore conçu en France dans le temps de l’immédiat. Mais au-delà de ces disjonctions de timing, le lien complexe entre, d’un côté, décision politique et de l’autre évaluation et, plus largement, recherche interroge le processus de fabrication de l’action publique. Comme le souligne Pons (2011), la dimension savante n’est qu’une des dimensions de la décision politique, soumise à un ensemble large de contraintes administratives et de pressions de groupes d’intérêt, obligeant
souvent à des compromis flous, seuls à même de conduire au consensus ».
N Mons réfléchit aussi à l’échec des évaluations. » Ces recherches montrent que – quand les résultats des évaluations constituent des ressources et non des contraintes ou des sanctions pour les acteurs évalués, et que ceux-ci sont associés tout au long du processus – le développement d’évaluation peut conduire à une meilleure connaissance des acquisitions scolaires des élèves, à une réflexion plus approfondie sur les pratiques pédagogiques et les politiques scolaires qui peuvent être un terreau fertile pour des évolutions dans ces domaines ». Associer les praticiens à la recherche ,à travers des conférences de consensus, c’est justement ce que le Cnesco avait réussi.