« Vous le savez, j’avais pris l’engagement de replacer l’humain au coeur de l’entrée dans le supérieur. C’est chose faite ». Frédérique Vidal a présenté le 20 septembre la rentrée étudiante en mettant l’accent sur la démocratisation de l’accès au supérieur, notamment à travers le devenir des bacheliers technologiques et professionnels. Si la ministre se déclare satisfaite de cette rentrée, les résultats de Parcoursup, dans la mesure où on peut les juger avec les rares chiffres donnés, sont décevants. Non seulement le nombre de jeunes laissés sur le carreau est impressionnant mais la sélection sociale semble augmenter avec cette deuxième année de fonctionnement.
Une gestion mise en question
« En cette deuxième campagne (de Parcourusp), comme l’an dernier, l’objectif reste le même : améliorer l’orientation des jeunes afin d’accroître leurs chances de réussite en premier cycle, et nous avons déployé cet effort dans toutes les directions : information, conseil, accompagnement, tout au long de la procédure », déclare F Vidal le 20 septembre. « Vous le savez, j’avais pris l’engagement de replacer l’humain au coeur de l’entrée dans le supérieur. C’est chose faite, grâce à la mobilisation sans faille des professeurs principaux de chaque classe et des services spécialisés des universités ».
La déclaration d’intention de la ministre arrive alors que Les Echos viennent de publier un rapport exclusif qui demande la mise en place d’une gestion particulièrement sauvage des universités. Ce rapport officiel de l’IGAENR et de l’IGF recommande par exemple que l’Etat ne finance plus la progression de carrière des personnels (GVT) en dehors du PPCR. L’Etat ne remplacerait plus que 2 enseignants pour 3 partant en retraite et diminuerait également le nombre des personnels techniques. Si ce rapport est appliqué, les universités rentreraient dans un nouveau dialogue de gestion d’une rare brutalité et verraient leurs emplois amputés. Est-ce pour tourner cette page que F Vidal a annoncé consacrer 50 millions à un nouveau dialogue de gestion avec les universités pour donner de la souplesse au soutien ministériel ?
46 millions supplémentaires pour le Plan étudiant
F Vidal peut mettre quelques chiffres en face de sa déclaration d’intention sur la démocratisation du supérieur. Le budget de l’enseignement supérieur augmente de 175 millions en 2020. Sur cette somme on note une hausse de 46 millions pour le Plan étudiant censé agir pour la démocratisation. Il sera porté à 142 millions. A cet apport de l’Etat il faut ajouter une centaine de millions prélevés sur les étudiants en 2020 et 325 millions de projets investissements avenir pour financer de nouveaux parcours dans le supérieur. Cette somme là est fixée pour le quinquennat. La ministre évoque aussi 38 000 places ouvertes dans le supérieur en 2 ans. C’est impressionnant mais moins convaincants : il faudrait voir de quel type de formation il s’agit et à quel endroit. La ministre annonce aussi 21 835 boursiers en plus dans l’enseignement supérieur. C’est un signal positif mais la création des bourses à taux zéro, destinées aux classes moyennes, limite la portée de ce calcul.
Parcoursup, comment évaluer son efficacité ?
Aussi on peut lire les résultats de Parcoursup d’une autre façon, en tentant de reconstituer les parcours étudiants avec les données limitées livrées par le ministère. Et surtout celui des bacheliers concernés par la démocratisation de l’accès au supérieur : les bacs pros et les bacheliers technologiques.
Regardons d’abord l’efficacité de Parcoursup. Le ministère annonce 897 956 inscrits ayant émis au moins un voeu sur la plateforme en 2019, une hausse de 11%., due en partie à l’inscription apparemment inattendue de 110 000 personnes souhaitant reprendre une formation supérieure. Sur ces presque 900 000 inscrits actifs 774 244 ont reçu une proposition soit 86%. Les autres n’ont rien reçu. Le ministère a considéré par exemple que les 110 000 reprises de formation devaient être traitées à l’extérieur de ses réseaux. Et 606 864 personnes ont accepté une proposition soit seulement 68% des inscrits actifs. Ce n’est pas une si grande réussite.
Démocratisation : que deviennent les bacs pros ?
Regardons les choses du coté des nouveaux bacheliers. En 2019 il y a eu 775 900 candidats au bac et 665 900 reçus dont 359 668 bacheliers généraux, 156 385 bacheliers technologiques et 209 499 bacheliers professionnels. De ces 665 900 bacheliers on retrouve 639 885 inscrits sur Parcoursup. On notera que cela veut dire que presque tous les bacs pros sont inscrits et envisagent à un moment des études supérieures. On estime généralement qu’au moins 100 000 d’entre eux ont un projet sérieux dans le supérieur, une réalité contestée par la ministre l’année dernière.
Mais en 2019, selon les chiffres du ministère, 96 542 bacheliers professionnels ont confirmé au moins un voeu en BTS sur Parcoursup. 64 018 ont reçu une proposition de Parcoursup soit 4931 de moins qu’en 2018 (-7%). Et seulement 42 504 ont jugé la proposition acceptable soit 1329 de moins qu’en 2018. On mesure comment partant d’un vivier de 200 000 bacheliers, on arrive à seulement un cinquième en STS. Et ce nombre décline cette année. On est loin de la démocratisation proclamée par la ministre. Du coté des BTS il y a plutôt un recul.
Dans son discours, F Vidal dit que « quant aux bacheliers professionnels, la proportion de ceux qui ont reçu une proposition d’admission s’établit à 78%, un peu en retrait par rapport à 2018 ». On ne sait pas comment est construit ce chiffre de 78% mais ça ne semble pas être réellement 78% des bacheliers professionnels. Notons aussi que « 90% (de) ceux qui ont reçu un avis favorable de leur conseil de classe pour poursuivre leurs études » ont été pris. Cela veut dire que le ticket d’accès donné par les conseils de classe finalement n’est pas valable passé une certaine limite..
La ministre a repris cette année encore l’idée de formations bac +1 pour les bacheliers professionnels. « Tous les bacheliers professionnels ne sont pas prêts, au sortir du baccalauréat, à s’engager dans des études supérieures. Pour ceux-là, nous avons imaginé, avec Jean-Michel Blanquer, les classes passerelles : cet outil qui fait ses preuves, nous devons le conforter, comme nous devons travailler à imaginer de nouveaux parcours de type bac+1 pour qu’une demande de formation ne reste, là aussi, jamais sans réponse ». On se demande ce que pourrait être ce type de formation qui ne sera probablement ni qualifiante ni diplomante mais qui permettra de répondre à la demande…
Et les bacs technos ?
Du coté des bacs technologiques, « 88% des bacheliers technologiques ont reçu une proposition d’admission », dit la ministre. Mais du coté des IUT, aboutissement naturel des bacs technologiques, on assiste à un tri du même ordre que celui des bacheliers professionnels. 80 074 bacheliers technologiques demandent un IUT (+3%). 30 759 reçoivent une proposition. Et seulement 17 153 la jugent acceptable. Au final on n’a cette année que 274 bacheliers technologiques en plus en IUT . 80% des demandeurs d’IUT n’obtiennent rien.
La démocratisation reste à la porte
A défaut de mobilité sociale, on peut mettre à l’actif de la ministre des progrès en terme de mobilité géographique. 280 986 lycéens ont reçu une proposition pour une formation située dans une autre académie et 125 848 l’ont accepté. Cela permet de mieux remplir les places disponibles au prix d’efforts financiers des familles. En Ile de France, +7% de lycéens de l’académie de Créteil ont reçu une proposition d’admission sur Paris et +11% pour les lycéens de Versailles. Les chiffres sont encore plus forts de Paris vers Créteil et Versailles.
En conclusion, la ministre déclare « l’engagement plein et entier du Gouvernement pour démocratiser nos formations et accompagner chaque étudiant vers la réussite, quels que soient son histoire, ses aspirations, son parcours ou son origine ». Devant le ministère, le 20 septembre, des étudiants soutenus par l’Unef demandaient leur affectation. Selon l’Unef près de 400 jeunes demanderaient une formation à Nanterre et resteraient sans affectation. Parmi eux des diplômés étrangers demandant à suivre une licence à Nanterre. La démocratisation est restée à la porte du ministère…
François Jarraud