« Le rapport ne rend pas compte de la réalité concrète ». Interrogé par le Café pédagogique, Benoit Hubert, secrétaire général du Snep Fsu, le syndicat ultra majoritaire des professeurs d’EPS, réagit de façon modérée au rapport de la Cour des comptes sur le sport scolaire. Pour lui le rapport « pose des problématiques qu’il serait intéressant de creuser pour voir comment avancer sur certaines questions ». Mais il récuse les éléments sur l’efficacité de l’EPS : » Difficile de faire plus et mieux dans les conditions actuelles et surtout sans recrutement supplémentaire ».
Une approche comptable
« Après les précédents rapports essentiellement à charge celui-ci se place davantage sur une recherche de pistes pour développer la pratique physique et sportive », estime le secrétaire général du Snep Fsu. Le syndicat représente 9 enseignants d’EPS sur 10.
« Un des problèmes majeurs mais c’est inhérent à la fonction de la cour des comptes, tout est analysé en termes de coûts et non d’investissement. Son travail devrait se continuer en intégrant les coût de santé induits par la sédentarisation, le surpoids et l’obésité et en cherchant à savoir si l’augmentation de la pratique a une incidence ou pas sur ces coûts.
Le rapport ne rend pas compte de la réalité
Un des éléments qui transparait, et qui pointe l’éloignement progressif de l’EPS de la culture sportive, revient à ce que nous dénonçons de longue date : manque de précision sur les contenus spécifiques aux APSA, manque concernant une évaluation par APSA qui donne à voir les acquisitions des élèves, faiblesse des horaires et notamment dans le premier degré etc. L’évolution récente des textes va encore plus loin dans cette problématique. Par sa rédaction il offre potentiellement prise aux propositions qui veulent réunir EPS et mouvement sportif. Une EPS forte sur ses objectifs visant à doter l’ensemble des élèves d’une culture sportive et artistique de qualité aurait rendu caduque une grande partie du rapport. En même temps il faut dire que le rapport reste à la surface des choses : ce n’est pas parce que les textes officiels sont ce qu’ils sont que les enseignants dans leur grande majorité ne font pas au quotidien une éducation sportive et artistique de qualité. En clair le rapport ne rend pas compte de la réalité concrète », affirme Benoit Hubert.
Efficacité : difficile de faire mieux
« La problématique de ce type de rapport c’est que, comme d’habitude, l’EPS est sommé d’administrer la preuve de son intérêt et de son « efficacité » dans le système éducatif. Jamais ces questions ne sont posées pour les autres disciplines scolaires. Nous attendons donc le rapport sur les maths ou le français… », poursuit-il.
« Le jargon pointé est un jargon professionnel au même titre qu’on en trouve dans tous les programmes disciplinaires. A force d’épuration les programmes ne sont plus des outils professionnels efficaces et rendent opaques les différenciation entre le sport « civil » et l’EPS. Ainsi la proposition d’évaluer des « performances sportives » entretient ce flou. Il s’agit sur la base de contenus exigeants d’évaluer une performance scolaire dans les pratiques et non de revenir à des tables Letessier de performances ou des tests standardisés par trop discriminants et non révélateurs des apprentissages réalisés.
Par contre, les remarques sur le sport scolaire nous semble infondés. Rapporter que le rapport coût / efficacité n’est pas probant semble exagéré. Selon leurs chiffres 95% des 37621 enseignants d’EPS assurent le sport scolaire soit 34600 pour 1 187 200 élèves soit plus de 30 élèves par animateurs. Difficile de faire plus et mieux dans les conditions actuelles et surtout sans recrutement supplémentaire. La cours fait état de 540 ETP depuis 2013? peut être mais cela n’avait pas permis de revenir sur l’ensemble des pertes subies sous le mandat de Nicolas Sarkozy et le décrochage avec la démographie est flagrant. De plus 540 ETP ne font pas 540 postes et 540 forfait AS loin de là…
Dire que le forfait d’animation du sport scolaire partie intégrante de nos ORS est quelque chose de facultatif est une contre vérité. Vouloir rapprocher les deux structures USEP-UNSS pour au final n’en former qu’une seule est utopique et nécessiterait soit de supprimer les statuts sui generi de l’UNSS ou d’en finir avec l’intervention de la Ligue de l’enseignement ».
Pour développer le sport, développer l’EPS
En conclusion, B Hubert estime que « ce rapport pose des problématiques qu’il serait intéressant de creuser pour voir comment avancer sur certaines questions. La réponse du ministre de l’Education me fait penser à une forteresse assiégée qui réfute toutes les propositions de réflexion et les balaie d’un revers de main. Je trouve par exemple assez drôle le passage sur les référentiels par champ d’apprentissage. Jusqu’alors l’institution s’enorgueillissait du fait que grâce aux référentiels par APSA on pouvait dire et notamment à la représentation nationale, ce qui était appris par les élèves. Maintenant, après des dizaines d’année, on trouve ça trop complexe et on se contente de généralités qui seront déclinées localement. Le localisme de la certification gagne également le terrain de l’EPS.
Enfin nous craignons que la volonté de proposer un rapprochement structurel entre l’EPS et le sport se fasse pour de mauvaises raisons : réduire encore l’investissement de l’Etat en laissant libre cours à des porosités du point de vue de intervenants. Il faut au contraire affirmer que la seule garantie aujourd’hui du développement de la culture sportive pour tous reste l’obligation scolaire avec des enseignants bien formés pour ça. Développer la pratique sportive et artistique c’est d’abord développer l’EPS pour tous et toutes.