Si l’Ecole s’attache à faire réussir les élèves elle vise aussi leur bien-être global, rappelle une récente livraison de « Pisa à la loupe », une analyse par l’OCDE des résultats de Pisa 2015. Que sait-on de leur santé mentale ? La motivation profite-elle vraiment à tous les élèves en terme de réussite scolaire ? Rend-elle les élèves plus anxieux ? Pisa apporte des réponses nouvelles à ces questions pour les pays de l’OCDE mais aussi pour la France.
Pour la première fois, Pisa 2015 proposait tout un questionnaire aux élèves de 15 ans sur leur bien être mental à travers 5 questions :
Je veux avoir d’excellentes notes dans la plupart ou dans tous mes cours.
Je veux pouvoir choisir parmi les meilleures opportunités possibles après avoir obtenu mon diplôme.
Je veux être le/la meilleur(e) dans tout ce que je fais.
Je me considère comme une personne ambitieuse.
Je veux être un(e) des meilleurs élèves de ma classe.
Les jeunes de 55 pays ont répondu permettant des constats inattendus.
Des pays plus motivés que d’autres
» D’importantes différences de motivation s’observent entre les pays. Ainsi, moins de 40 % des élèves de Belgique, de Finlande, du Japon, des Pays-Bas et de Suisse affirment vouloir être les meilleurs dans tout ce qu’ils font, contre plus de 90 % des élèves de Colombie, des États-Unis, d’Israël, du Royaume-Uni et de Thaïlande. Plus de neuf jeunes de 15 ans sur dix en Tunisie, mais à peine plus d’un sur quatre en République dominicaine, disent se considérer comme des personnes ambitieuses. Ces variations entre les pays pourraient néanmoins traduire davantage que de simples disparités de motivation ; elles reflètent aussi, par exemple, des différences entre les pays de la mesure dans laquelle il est socialement acceptable d’admettre son ambition et de rechercher sa réussite individuelle, ou de types de comportements associés à une motivation faible ou forte », explique l’OCDE. Ajoutons que selon l’OCDE « vouloir être le meilleur » ou se déclarer ambitieux n’est pas corrélé avec de meilleurs résultats.
Par contre l’OCDE note un lien entre le pourcentage d’élèves motivés et la performance scolaire. » Les élèves faisant part d’une plus forte motivation à réussir obtiennent également de meilleurs résultats que les autres élèves de leur pays ». On notera une exception intéressante : Singapour.
Cela ne surprend pas l’OCDE qui voit dans la motivation une condition de la réussite. » Les élèves qui visent plus haut finissent par aller plus loin. Ces élèves sont souvent plus disposés à consentir les efforts nécessaires pour réussir et atteindre leurs objectifs. Les effets positifs de ces efforts supplémentaires s’accumulent progressivement au fil de leur scolarité, avec par exemple l’obtention de meilleurs résultats aux devoirs et aux tests. Ils gagnent ainsi en confiance en eux, ce qui peut à son tour alimenter un cercle vertueux ».
La motivation liée à la position sociale
Mais l’OCDE note aussi que motivation et performance sont liés à la position sociale des élèves. » Les élèves favorisés et ceux scolarisés dans un établissement favorisé (indépendamment du milieu socio-économique dont ils sont eux-mêmes issus) obtiennent systématiquement de meilleurs résultats que leurs pairs défavorisés ou fréquentant un établissement défavorisé, et ce dans tous les cycles de l’enquête PISA et tous les domaines d’évaluation. Parallèlement, dans la quasi-totalité des pays, les élèves favorisés font aussi part d’une plus forte motivation à réussir que leurs pairs défavorisés. Ainsi, en moyenne, dans les pays de l’OCDE, les élèves favorisés étaient en 2015 plus susceptibles de déclarer se considérer comme des personnes ambitieuses (dans une mesure égale à 13 points de pourcentage) et vouloir être un des meilleurs de leur classe (dans une mesure égale à 11 points de pourcentage) ».
On notera quand même qu’en France la motivation a bien un impact mais moins important que la plupart des pays de l’OCDE. Ce qui renvoie aussi aux fortes inégalités sociales entre élèves et entre établissements. Cela laisse à penser qu’une partie des élèves sont dans des difficultés scolaires qui ne peuvent s’améliorer de cette façon.
Pour l’OCDE si les élèves favorisés sont à la fois plus performants et plus motivés c’est aussi parce que » leurs parents et enseignants croient et aspirent à leur réussite, tout en leur offrant les ressources et les possibilités d’enrichissement qui les aideront à atteindre leurs objectifs. Ces élèves sont par ailleurs en général exposés à tout un ensemble de modèles de personnes exerçant des professions très qualifiées après avoir suivi de longs parcours éducatifs, souvent sélectifs ». Ils connaissent l’importance de l’école pour réussir et ont des objectifs précis. Autant de différences avec les élèves défavorisés.
La motivation rend-elle heureux ?
Ces élèves motivés et performants sont-ils heureux ? Pisa leur demande s’ils ressentent du stress lors des devoirs même quand ils sont bien préparés. Selon Pisa, » une plus forte motivation est associée à un niveau plus élevé d’anxiété. En Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas, en République tchèque et en Suisse, où les élèves sont relativement peu nombreux (moins de 45 %) à indiquer vouloir être un des meilleurs de leur classe, ils sont aussi relativement peu nombreux (également moins de 45 %) à déclarer se sentir très angoissés pour un contrôle même s’ils se sont bien préparés. C’est l’inverse qui s’observe en Colombie, au Costa Rica, en République dominicaine et à Singapour, où les élèves sont particulièrement susceptibles d’être à la fois motivés à l’idée de réussir et de se sentir angoissés avant un contrôle ».
On notera au passage que la France n’est pas loin du cas allemand ou belge. Nos élèves sont peu angoissés et peu ambitieux. On a assez dit, notamment pour introduire le thème de la « bienveillance », que les élèves français étaient parmi les plus stressés du monde par l’Ecole. Les données Pisa 2012 pouvaient le laisser penser. Mais Pisa 2015 s’inscrit en faux. Les élèves français sont parmi les moins angoissés des pays de l’OCDE. Ils ne sont pas aussi parmi les plus performants…
La morale des ces constatations c’est que la motivation et l’ambition sont à manier avec précaution en éducation.
» Il existe une relation nette entre motivation et performance : les élèves qui visent plus haut réussissent davantage », souligne l’OCDE. « Le bien-être des élèves très motivés peut toutefois se trouver mis à mal lorsque leur motivation ne se nourrit que de la comparaison avec les autres ou des aspirations de ces derniers. Parents et enseignants doivent réfléchir aux attentes qu’ils nourrissent à l’égard des élèves. Des attentes insuffisantes, en particulier envers les élèves évoluant dans des milieux défavorisés, peuvent être source de démotivation et de manque d’efforts ; en revanche, si la visée d’objectifs ambitieux peut renforcer la motivation des élèves à travailler dur à l’école, ceux-ci doivent néanmoins comprendre – et intérioriser – que les revers et les échecs n’ont rien de honteux, mais sont au contraire de précieux alliés de l’apprentissage ». Faire de ses erreurs des alliés, voilà une révolution pédagogique.
F Jarraud