Voilà un mot qui nous est cher, qui l’est aussi à Laurence De Cock, professeure de lycée et chargé de cours à Paris Diderot, mais qui appartient à tout le monde. K. De Cock le marie avec enthousiasme à celui de démocratisation. Ce nouveau livre est un plaidoyer pour l’école publique, qu’elle connait bien. Pas tant l’école qui existe aujourd’hui que l’école qu’elle appelle de ses voeux : une école où la démocratisation est une réalité, une école émancipatrice. Alors qu’avec les réformes Blanquer on semble tourner le dos à un siècle d’efforts pour démocratiser l’Ecole, lelivre de L De Cock est aussi un cri d’alarme lancé aux enseignants et aux parents. Elle s’en explique dans cet entretien.
Vous avez déjà écrit récemment plusieurs ouvrages sur l’école. Pourquoi ce nouveau livre ?
C’est une proposition de la jeune maison d’édition Anamosa qui sort la collection « Le mot est faible ». Elle m’a demandé si je voulais bien faire le mot « école ». Pour moi l’enjeu c’était de recharger politiquement un mot utilisé par tout le monde. Il m’a paru que le contexte étaiot propice à ce travail.
C’est à dire ?
Quand le projet de ce livre est apparu, en mars dernier, on avait les premières discussions sur la réforme du lycée. On savait que le ministre faisait circuler des livrets d’application en maths et français. On se doutait de la loi Blanquer. Tout cela pour moi faisait déjà un tout cohérent en rupture avec le ministère précédent. Mais cette cohérence était peu perceptible par l’opinion publique. C’est un des objectifs du livre.
Tout le livre traite de la démocratisation scolaire. Vous dites qu’on entre dans une ère de contre démocratisation. Pourquoi ?
Jusque là les réformes de l’école avaient toutes comme boussole commune la démocratisation. Ce n’était pas toujours réussi. Parfois ce n’était qu’un prétexte. Mais maintenant le principe de la démocratisation de l’Ecole est abandonné. Le ministre peut prétendre remédier aux inégalités scolaires. En réalité, de la maternelle à l’université les décisions prises vont à l’encontre de cette boussole.
Par exemple ?
Je montre cette cohérence dans le livre. Avec Parcoursup on a fermé volontairement la possibilité de choisir leurs études post bac. C’est une dénaturation du mot même d’unersité. Détenir un bac professionnel ou technologique et savoir qu’on pouvait continuer en université était une exception noble de l’école française. C’est terminé avec la sélection de Parcoursup, ses CV, ses critères opaques. La réforme du lycée qui profile les établissements en fonction de leur territoire ou de leur composition sociale s’inscrit dans cette logique.
A l’école élémentaire on assiste à une mise au pas des enseignants auxquels on retire leur capacité d’expertise en diffusant des circulaires signées du ministre qui disent aux enseignants comment faire. En maternelle, on voit se profiler sa dénaturation en école élémentaire. C’est une façon de présupposer que tous les enfants entrent en maternelle avec déjà les codes scolaires. Or on sait que la connaissance de ces codes est liée aux classes sociales.
Enfin il y a maintenant les EPLEI c’est à dire la mise en place d’une filière parallèle , dans l’école publique, réservée aux plus favorisés. C’est le retour à l’école d’avant la 2de guerre mondiale.
Mais ce serait quoi une école démocratisée ?
Je l’explique à la fin du livre. Ce serait une école émancipatrice et démocratique. Elle donnerait à tous les enfants, quelque soit leur origine culturelle ou sociale, de choisir leur destin professionnel et d’échapper aux effets de leur appartenance culturelle, sociale ou identitaire. Ce serait une école qui donne le choix et non une école de l’orientation subie.
Ce serait aussi une école émancipatrice c’est à dire qui assume que son rôle n’est pas de préparer les enfants au monde d’aujourd’hui mais de les aider à jouer un rôle dans le changement du monde. Ce qui implique de se passer des rapports de domination et de la concurrence entre les enfants. Enfin ce serait une école émancipatrice par les savoirs.
Finalement on a vu avec Parcoursup les lycéens renoncer à leur droit à entrer dans le supérieur sans que cela génère une forte opposition. Cette école émancipatrice et démocratisée n’est ce pas une idée morte ? N’est il pas déjà trop tard ?
J’espère que non. Ce lire alerte sur cette question car nous sommes co responsables de l’évolution de l’école. Il y des choses à faire et il faut qu’on se prenne en mains. Quelques soient nos divergences il est temps de défendre l’école publique.
Que peut faire un professeur en ce sens ?
Chercher un espace de travail collectif. Ca peut être un syndicat ou un mouvement pédagogique. Mais il est fondamental de retisser du collectif dans les établissements. Pour être moins seul et retrouver de la puissance. Quand on est plus seul, on peut se porter dans les médias et se positionner en expert sur les questions de l’école. Il ne faut plus les laisser aux éditorialistes qui parlent de l’école sans la connaitre. C’est collectivement aussi qu’on peut réfléchir sur la nature du travail enseignant et être dans l’interpellation des politique pour devenir des impulseurs de décisions.
Propos recueillis par François Jarraud
Laurence De Cock. Ecole. Editions Anamosa, ISBN 979-10-95772-77-4, 9€.
L De Cock : l’enseignement de l’histoire et ses geôliers